Entretien : Louise Arbour, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies pour les migrations

Louise Arbour lors de la cérémonie de remise du site de la Conférence intergouvernementale sur la migration à L'ONU
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«Dans le pacte, il n’y a rien qui impose quoi que ce soit aux gouvernements»

Le pacte mondial sur les migrations n’est pas contraignant. On se demande à quoi il sert ?

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Les documents contraignants, comme un traité ou une convention, ça prend des années et des années en négociations. De plus, je pense qu’il n’y a pas beaucoup d’«appétit» aux Nations Unies pour la négociation d’un document qui serait contraignant sur le plan juridique. Il est vrai que ce pacte n’est pas un document contraignant. C’est un peu comme les Objectifs Du Millénaire, ou les Objectifs du développement durable. C’est un encadrement de politique consensuelle de la part des Etats et ça n’oblige aucun pays à prendre quelque initiative que ce soit. Mais ça donne de grandes directions pour mieux gérer la mobilité à travers les frontières. Avec un engagement politique des parties concernées, je pense qu’on va pouvoir faire beaucoup de progrès.

Comment peut-on aller vers une mobilité au niveau des frontières alors que le pacte n’impose rien aux Etats sur le plan juridique?

Il n’y a rien à imposer, à personne. Dans le pacte, il n’y a rien qui impose quoi que ce soit aux gouvernements. Mais je pense qu’il y a une prise de conscience de la part des gouvernements. Du fait que bien que leur politique migratoire relève exclusivement de leur juridiction nationale, la mise en œuvre de ces politiques nécessite inévitablement la coopération avec leurs voisins. Et donc, plus on aura un esprit de confiance et de collaboration entre Etats, mieux on ira vers la mobilité au niveau des frontières.

D’aucun estiment que ce pacte mondial sur les migrations tombe à un moment très difficile. D’ailleurs, des différences très significatives persistent sur ce dossier de la migration…

Oh, c’est toujours un moment difficile! Cela fait au moins dix ans qu’on espère que les Nations Unies réussissent à faire un peu de progrès sur ce dossier. Tout était fait, avant, avec le Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD), c’est à dire à l’extérieur des Nations Unies. Là, on a beaucoup plus de cohésion à l’intérieur des Nations Unies, mais en respectant les spécificités nationales et régionales. Vous savez, dans certains pays du Golfe, par exemple, près de 80% de la population sont des travailleurs migrants. Il faut dire que cela se présente très différemment d’une problématique à l’autre, qu’il s’agisse de certains pays africains, d’Amérique latine ou d’Asie. Il fallait donc un encadrement pour mieux gérer et empêcher des migrations dangereuses, chaotiques et désordonnées. Mieux gérer, mais en respectant les intérêts et les spécificités nationales de chaque pays.

Le Maroc abrite, à la fois, le Forum mondial sur la migration et le développement et la Conférence des Nations Unies sur le pacte mondial sur les migrations. Que pourrait permettre l’organisation de ces deux événements au Maroc?

Je pense qu’elle va permettre au Maroc, comme à d’autres pays, d’abord de développer des politiques qui sont basées sur des données plus scientifiques. On va faire maintenant beaucoup d’efforts  pour mieux ancrer les politiques dans les projections démographiques et les besoins en matière de travail. Comme tous les autres pays, je pense que le Maroc a vu son intérêt à participer à l’effort d’augmenter la coopération internationale en matière de gestion de la mobilité humaine, que ce soit à travers le continent africain ou de façon plus globale. Le Maroc est un exemple qui devient de plus en plus fréquent et qui est à la fois un pays d’origine, de transit et de destination. Il est très bien placé. A noter qu’on a toujours des stéréotypes selon lesquels certaines régions sont des régions d’origine. Mais ce n’est plus la réalité. La migration en Afrique, par exemple, se passe de façon plus que majoritaire à l’intérieur du continent africain.

Je pense que tout cela a éveillé, en fait, des connaissances plus approfondies de la réalité migratoire et donc des politiques qui seront plus appropriées à cette réalité.

Entretien réalisé à Marrakech par Naîma Cherii

 

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