Règlement de prévention sismique : Azeddine Nekmouch : «On a vu des bâtiments qui se sont effondrés sans même qu’il y ait un séisme»

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Azeddine Nekmouch, ancien président du Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA)

Le nombre de tués dans le grand tremblement de terre qui a frappé lundi 6 février la Turquie et la Syrie dépasse les 40.000 personnes, alors que 5000 immeubles sont totalement effondrés et plus de 50.000 bâtiments ont été endommagés rien qu’en Turquie. Le manque de respect des normes de construction est pointé du doigt. Après ce désastre, Azeddine Nekmouch, ancien président du Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA), considère qu’au Maroc, pays menacé par des séismes, on n’est pas encore vigilant vis-à-vis de ce qui se réalise dans le secteur de la construction.  Les détails

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Le Maroc figure parmi les pays qui sont menacés par des séismes. Est-on vraiment vigilant vis-à-vis de ce qui se réalise notamment dans les zones à risque?

Le Maroc est sur la ligne  des séismes. A El Hoceïma, par exemple, il y a tout le temps des secousses telluriques. Même à Tétouan on ressent ces secousses. Ça bouge partout. Hamdoulillah, ces secousses sont de faible amplitude. Mais si elles étaient de grande amplitude, il y aurait des dégâts.

La région d’Al Hoceïma nous a, en fait, donné la preuve qu’il y a vraiment une alerte et qu’il faut vraiment être vigilant vis-à-vis de tout ce qui se réalise. On a vu qu’avec une amplitude de 6,5 degrés sur l’échelle de Richter, ça donne des catastrophes. On se rappelle d’ailleurs que dans la région d’Al Hoceima, il y avait des logements dans la campagne qui étaient construits sans aucune autorisation et sans aucun respect des normes. Il y avait des bâtiments très anciens qui n’étaient pas entretenus et qui étaient habités malgré tout. Or un bâtiment c’est comme l’être humain. Il doit être entretenu et contrôlé. Et de temps à autre, on doit aussi faire des analyses et des bilans de ce bâtiment pour savoir dans quel état il est.

Malheureusement, on n’est pas encore vigilant vis-à-vis de ce qui se réalise. D’ailleurs, on a vu parfois des bâtiments qui se sont effondrés sans même qu’il y ait un séisme. C’est souvent un problème de structure où ni les normes ni les risques n’ont été prises en considération. Car on a tout simplement fait fi des règlements.

Le règlement antisismique est-il appliqué dans les régions menacées par les risques des séismes?

Le règlement de prévention sismique (RPS 2000) prévoit des dispositions techniques au niveau des dimensions à mettre en place dans chaque région. Ce règlement consiste aussi à mettre en place une équipe technique pour suivre les bâtiments dans ces régions à risque. C’est vraiment un livre blanc important que l’architecte et le bureau d’étude doivent suivre à la lettre pour éviter tout déséquilibre et tout cloisonnement du bâtiment.

Pour la région d’Al Hoceima, par exemple, je crois que pour l’instant, le respect des normes est mis en place. L’architecte et le bureau d’étude doivent appliquer le règlement RPS à la lettre. Mais est-ce que ce règlement est appliqué sur le terrain ? Je n’en suis pas certain ! Car, disons-le, au Maroc, il y a des règlements et on en a même beaucoup. Mais, dans beaucoup de cas, ces règlements ne sont pas respectés à 100%. Et pour cause, le professionnalisme n’est pas toujours présent. Et quand je parle de manque de professionnalisme, ça va de l’ouvrier jusqu’à celui qui prévoit le projet. Comment voulez-vous alors qu’il y ait un respect des règlements ?

A qui la faute?

Il faut savoir que pratiquement 75% de nos constructions sont réalisées par des architectes et des bureaux d’études «signataires». Ce qui veut dire que ces constructions ne sont ni suivies ni contrôlées. Beaucoup de projets qui sont réalisés aujourd’hui sont d’ailleurs «signés» par des architectes qui font un monopole de la signature. La sécurité des gens n’est pas respectée. C’est une catastrophe ! Des laboratoires qui signent des documents sans qu’ils aient suivi le chantier. Et des architectes qui peuvent signer jusqu’à 2700 dossiers par an! Comment est-ce qu’ils vont suivre tous ces projets? Comment voulez-vous que -même avec des règlements et des lois qui sont adoptées- on puisse garantir la sécurité des gens?

Un architecte doit normalement suivre son projet de A à Z.  Il doit être présent aux visites du chantier. Il doit réaliser le projet dans les règles de l’art et quand il fera tout ça eh bien, à ce moment là, l’Etat peut être tranquille vis-à-vis de tout ce qui se réalise dans notre pays. Mais aujourd’hui, on n’en est pas encore à ce stade avec «ces charlatans signataires».

L’Etat doit arrêter définitivement ces signatures de complaisance. Si on a donné des responsabilités aux architectes et aux bureaux d’études pour réaliser le Maroc de demain, ce n’est pas en leur enlevant toute l’autorité qu’ils doivent avoir sur le chantier et sur la réalisation des constructions.

Entretien réalisé par Naîma Cherii

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