Code de la Famille : Est-ce que nos droits peuvent évoluer avec autant de paradoxes?

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Une nouvelle révision du Code de la Famille à l’horizon? Quinze ans après sa mise en œuvre, la Moudawana remaniée en 2004 est appelée à connaître une révision globale de ses dispositions, prochainement.  Qu’en sortira-t-il ?

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La révision de la Moudawana (Code de la Famille marocain) est le nouveau chantier sur lequel se penche le département de la Justice depuis près d’un an.

Dans ce sens, le ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, a fait savoir, vendredi 8 février, que son département est en train de mener une évaluation globale du Code de la Famille. Objectif: relever les lacunes de ce texte et mettre ses dispositions en phase avec les développements politiques, sociaux, économiques et des droits de l’Homme, que le Maroc a connus durant ces dernières années.

Dans une allocution lue en son nom, en marge du 3ème Forum des MRE, organisé les 8 et 9 février à Marrakech, le ministre a précisé que «cette évaluation permettra d’identifier les articles du Code de la Famille qui nécessitent une révision et un amendement». Mais la société marocaine est-elle prête à accepter une nouvelle réforme du Code de la Famille? «L’amendement de la Moudawana se fera selon une approche participative, laquelle va associer tous les intervenants du système judiciaire, les oulémas et les composantes de la société civile», rassurait le ministre.

Toujours des aspects négatifs…

La Moudawana, rappelons-le, a été réformée en février 2004. Ses principales dispositions: réglementation de la polygamie, âge minimum légal du mariage porté à 18 ans, reconnaissance du divorce par consentement mutuel… A l’époque, la société ne paraissait pas encore prête à accepter la  réforme. Cela suscitait d’ailleurs la colère des fondamentalistes qui ne voulaient rien changer, mais aussi des associations féministes qui voulaient aller encore plus loin.

Certes, la réforme avait été accueillie en grande pompe par nombre d’acteurs de la société civile, comme par ceux des sphères politiques. Mais quinze ans après, bien que le nouveau texte ait permis de réaliser des avancées importantes dans le domaine du renforcement des droits de la femme, plusieurs associations féministes considèrent que ce texte inclut toujours des aspects négatifs pour les femmes. Leurs arguments: le droit à l’héritage reste inégalitaire, la polygamie reste légale et l’âge minimum légal pour le mariage demeure une préoccupation. Selon les dispositions du Code de la Famille, la mariée doit avoir 18 ans, mais peut, dans certains cas exceptionnels, être très jeune. Or, selon ces associations, ces exceptions sont devenues la règle.

Les MRE, question épineuse

Autre limite, cette fois-ci pour les Marocains du monde, le Code de la Famille contient toujours des lacunes, notamment sur le plan de sa mise en application dans les pays d’accueil. Le sujet a fait l’objet de débats et de discussions, en marge du 3ème Forum des MRE, organisé par le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration. L’évènement visait justement à contribuer aux discussions sur le sujet, en se basant sur la Lettre royale adressée par le Souverain aux participants à la 5ème Conférence islamique des ministres chargés de l’enfance, organisée en février 2018 à Rabat, expliquent les organisateurs.

Relançant le débat autour de cette question épineuse, les participants à ce séminaire sur «Le Code de la Famille, à la lumière du Droit comparé et des Conventions internationales» ont dressé un bilan négatif quant à la mise en œuvre du Code de la Famille à l’étranger.

Dans ce sens, l’Association des avocats marocains à l’étranger pointe du doigt justement un «texte lacunaire» et «non conforme» aux dispositions internationales. Son président, Hilal Tarko Lahlimi, qui a souligné la difficulté de l’applicabilité du Code de la Famille dans les pays d’accueil, a estimé, lors de cet événement, qu’il était temps d’introduire des amendements à certaines dispositions de ce texte, qui a du mal à être appliqué par les MRE dans les pays d’accueil, à cause de son incompatibilité avec les jurisprudences locales et internationales. Le ministre délégué chargé des MRE et le président du Parquet général en ont d’ailleurs fait le même constat, lors du forum organisé, en partenariat, par le ministère de la Justice, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, la Présidence du Parquet général et l’Association des Barreaux des Avocats du Maroc.

«Nous avons travaillé, pendant deux ans et demi, pour mobiliser les compétences marocaines qui résident à l’étranger. Ce travail a été marqué par la naissance de l’Association des avocats marocains dans le monde», a souligné le ministre, Abdelkrim Benatiq. Et d’ajouter: «Ce séminaire, à caractère scientifique, permettra de faire une lecture évoquant les effets et l’impact de l’application de la Moudawana dans les pays de résidence des MRE».

Un problème de double référence

Pour sa part, le président du Parquet général, Mohamed Abdennabaoui, a soulevé l’existence de beaucoup de problèmes et d’obstacles qui s’érigent face à l’application du Code de la Famille chez les familles marocaines qui résident à l’étranger. «A l’origine de ces problèmes, figurent essentiellement la double référence qui régit le domaine de la famille et la différence entre les régimes religieux et les régimes laïcs. Les premiers adoptent des solutions à référence religieuse sur plusieurs sujets familiaux. Les seconds penchent pour des orientations qui excluent toute discrimination fondée sur l’appartenance religieuse ou le sexe. Ces régimes offrent une sorte de sacralité excessive à la notion de liberté individuelle et une vision idéale de l’égalité entre les deux conjoints», a expliqué le magistrat. Il a également souligné que les autorités des pays d’accueil appliquent les lois de résidence et de séjour au détriment de la loi marocaine pour statuer sur les sujets familiaux. «C’est cette caractéristique qui a prévalu, ces dernières années, chez un grand nombre de législations dans les pays européens, dans le domaine du droit international privé. Des mesures qui ont participé à rétrécir le champ d’application du Code de la Famille marocain chez les MRE», a précisé Abdennabaoui lors du conclave.

A noter que deux axes ont été retenus pour les débats entre les juristes, dont des magistrats, des avocats du Maroc et leurs confrères d’ailleurs. Il s’agit de: «Effets des jugements rendus et contrats conclus à l’étranger, en matière de droit de la famille, à la lumière des conventions internationales» et «La protection de l’enfant à la lumière des conventions internationales». Les discussions au cours de ce séminaire ont été couronnées par des recommandations à même de pallier les difficultés et contraintes auxquelles sont confrontés les ressortissants marocains résidant à l’étranger.

 

Ils ont plaidé pour…

Les participants au 3ème Forum des MRE, qui a clos ses travaux samedi 9 février à Marrakech, ont appelé à mettre en place un mécanisme d’identification des difficultés et de suivi des contraintes posées par la coopération judiciaire entre le Maroc et les pays de résidence des Marocains du monde, dans le domaine du statut personnel. Les recommandations ont porté, entre autres, sur la nécessité de créer une chambre spécialisée dans le droit international privé au sein de la Cour de cassation; tout en appelant à l’unification de l’action judiciaire dans le domaine de la justice de famille et à l’élaboration d’un guide pratique qui contient des solutions judiciaires et administratives aux problèmes en suspens et qui intéressent les MRE. Les congressistes ont également insisté sur le besoin d’adapter les dispositions du Code de la Famille, pour qu’elles soient en phase avec la Constitution de 2011, tout en tenant compte de la jurisprudence judiciaire relative au droit marocain et des principes du droit international privé dans les éventuels amendements.

 

 

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