Les effondrements des constructions délabrées inquiètent à Fès. Des sources locales ont averti cette semaine à Le Reporter que, dans plusieurs zones de la ville, des immeubles sont dans un état de délabrement très avancé et peuvent s’effondrer à tout moment.
Et pourtant, rien n’est fait pour les rénover ou même les démolir, déplorent nos sources, soulignant que les résidents de ces constructions, une population vulnérable et démunie, vivent dans la peur de se trouver un jour sous les ruines de leur maison au cas où celle-ci venait à s’effondrer.
Malgré cette inquiétude, ils ne peuvent pas quitter leur demeure en raison de leurs conditions très précaires, disent encore les mêmes sources. Celles-ci indiquent qu’un nouvel effondrement s’est produit dimanche 11 mai 2025 affectant une partie importante du plafond de la cuisine d’une vieille maison dans le quartier de Borj al-Dahab. Fort heureusement, il n’y a pas eu de victimes. Une partie de l’immeuble s’est effondrée il y a quelques mois, font savoir nos sources.
Selon ces dernières, l’immeuble est classé comme construction à risque d’effondrement, mais n’a pas été inclus dans la liste des logements éligibles à une aide spéciale pour la rénovation, malgré les réclamations des habitants auprès des autorités pour une intervention urgente afin d’éviter toute catastrophe potentielle.
L’incident survient deux jours seulement après l’effondrement d’un autre bâtiment, cette fois-ci, dans le quartier Hay Hassani dans l’arrondissement des Mérinides. Il rappelle de nombreux sinistres survenus dans d’autres villes ces dernières années et où le pire n’a pas toujours été évité. Onze personnes décèdent dans ce tragique accident qui en a blessé plusieurs autres. Le bâtiment en question abritait 13 ménages.
Des mesures de sécurité ont été mises en place, notamment l’évacuation des résidents des bâtiments voisins, afin de prévenir tout risque d’effondrement supplémentaire. Selon des sources locales, une enquête a été ouverte pour déterminer les causes exactes de cet effondrement. Ce drame a provoqué une vive panique parmi les habitants du quartier. Plusieurs familles résidant dans les immeubles voisins ont quitté précipitamment leurs logements, redoutant un risque similaire.
Les autorités avaient émis des avis d’évacuation en 2018, mais l’absence d’alternatives de logements adaptés a forcé les occupants à y rester malgré l’état vétuste de leur maison, selon l’Association marocaine des droits de l’Homme, section de Fès, laquelle demande l’ouverture d’une enquête pour déterminer la responsabilité des personnes impliquées.
Pour cette association, cet incident tragique a fait apparaître des défaillances dans la gestion des bâtiments vétustes dans cette ville. Dans un communiqué rendu public, l’association a pointé la négligence des autorités locales, qui se sont contentées d’émettre des avis d’expulsion sans assurer des solutions réalistes tenant compte de la situation sociale des habitants.
L’ONG a aussi prévenu contre d’autres tragédies à cause de la présence de 400 constructions délabrées dans le même quartier où des étages supplémentaires ont été construits clandestinement, en l’absence de tout contrôle et de normes de sécurité.
Le drame survenu dans le quartier Hay Hassani aurait-il pu être évité? La question a en tout cas été à l’ordre du jour d’une séance à la Chambre des représentants, lundi 12 mai 2025, soit quatre jours après la tragédie survenue dans le quartier Hay Hassani, qui ravive la polémique sur la problématique des constructions menaçant ruine à Fès.
En réponse à une question de parlementaires de la ville, le Secrétaire d’Etat à l’Habitat, Adib Benbrahim a indiqué que le sinistre aurait pu être évité si les autorités locales avaient assuré le suivi de la décision d’évacuation de l’immeuble en question émise en 2018.
Le responsable gouvernemental pointe «la responsabilité» particulière du président de l’arrondissement. Il rappelle: «En 2018, une décision d’évacuation a été formellement prononcée concernant certains bâtiments à Fès. Cependant, cette mesure n’a pas été mise en œuvre à ce jour. Il convient de souligner que la responsabilité de la gestion de ce dossier incombe au président de l’arrondissement, qui aurait dû assurer un suivi rigoureux et agir en conséquence pour procéder à l’évacuation des occupants. Au lieu de cela, ces mesures n’ont pas été concrétisées, ce qui a malheureusement conduit à la tragédie survenue récemment». «Je tiens à rappeler que cette responsabilité revient à la fois au président de l’arrondissement et au maire de Fès en fonction à l’époque», a-t-il insisté.
L’incident met en lumière le problème de l’insalubrité de plusieurs constructions dans la ville spirituelle du pays. Dans ce cadre, Benbrahim a présenté un bilan détaillé des actions mises en œuvre pour prévenir ou neutraliser les immeubles menaçant ruine. Il a rappelé qu’en 2012, selon le recensement officiel réalisé par le ministère de l’Intérieur, plus de 43.400 bâtiments étaient identifiés comme étant à risque d’effondrement, abritant environ 78.300 familles, pour un coût évalué à près de 8,11 milliards de dirhams, dont 2,39 milliards de dirhams à la charge de l’Etat.
À ce jour, quelque 20.786 bâtiments ont été traités, permettant ainsi d’améliorer le cadre de vie de plus de 49.590 familles, Selon Benbrahim. Il a également expliqué que parmi les modalités d’intervention retenues pour gérer ce dossier, figure le relogement dans des appartements de logement social, notamment pour les ménages résidant dans des immeubles soumis à la démolition.
Malgré les efforts déployés, il semble très compliqué de stopper ce fléau rampant étant donné «son caractère récurrent».
La lutte contre ce phénomène se trouve confrontée à de nombreux obstacles et contraintes. L’une de ces contraintes est celle liée à la faiblesse des revenus des familles concernées, qui limite leur implication dans les démarches d’intervention.
N Cherii