Sacs en plastique : Pourquoi informel et «mafia» continuent de prospérer ?

Les sacs en plastique ont été prohibés sur les marchés marocains depuis plus de quatre ans. Des mesures ont été prises pour «réduire l’impact environnemental lié à la production et la vente de ces sacs». Mais ces sacs ont-ils pour autant totalement disparu de nos marchés ?

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Une tournée à Casablanca nous permet de voir encore des sacs en plastique chez les commerçants. «Depuis un certain temps, je me rends compte que, de plus en plus, les sacs dans lesquels je transporte mes légumes sont en plastique. Je pensais qu’ils étaient pourtant bannis de nos marchés», s’étonne Halima, une Casablancaise que nous avons rencontrée cette semaine dans un marché de la place.

Par la force de la loi, les commerçants doivent servir leurs produits dans des sacs biodégradables ou faits de plastique épais réutilisable. La nouvelle législation devait permettre aux unités distributrices d’anticiper son évolution, rappellent des consuméristes à Casablanca. Ceux-ci considèrent qu’il manque toutefois des alternatives adaptées à l’achat de certains produits, comme la viande, les légumes ou encore le poisson.

Interrogés à ce sujet, des commerçants de fruits et légumes m’ont confié qu’ils continuent  de passer des commandes auprès de certains distributeurs qui fabriquent encore ces sacs en plastique.

Ils avancent qu’«au début, ils sont passés aux sacs en papier, mais à la demande des clients, bouchers, poissonniers et vendeurs de légumes, ils continuent d’utiliser des sacs en plastique».

«Au lendemain de la mise en application de la loi interdisant les sacs en plastique, j’ai proposé les sacs en règle (papier ou sacs en plastique épais) à nos clients. J’ai essayé de bannir totalement les sacs plastiques. Mais ça n’a duré que quelques semaines. Car mes clients préfèrent ceux en plastique», souligne un vendeur, qui m’a montré discrètement des rouleaux de sacs plastiques «prohibés».

Nos commerçants ont par ailleurs invoqué des «raisons économiques». «Le problème c’est que les sacs en règle, comme les sacs en plastique épais- coûtent plus cher que les sacs légers à usage unique. Mes clients ne les réutilisent pas. Il faut donc en donner de nouveaux à chaque fois», déplorent nos vendeurs.

Ce prétexte n’est pas une raison acceptable pour passer outre la mesure, souligne Abdelkrim Chafii, Président de la fédération marocaine des droits du consommateur dans la région de Souss Massa.

«Les sacs plastiques n’ont pas disparu de nos souks et marchés, alors même qu’il y a une loi «zéro mika» qui interdit leur utilisation et leur commercialisation dans le pays. En tant qu’association, nous avons investi plusieurs marchés et souks de la région pour inciter les consommateurs à passer aux sacs en règles en papier ou en tissu», indique Abdelkrim Chafii, également Vice-président de la  fédération marocaine des droits du consommateur au Maroc.

Mais, dit-il, force est de remarquer que la mise en application de cette loi reste encore très limitée à la grande distribution et les sacs en plastique sont toujours disponibles. Même si, poursuit-il, «on doit signaler qu’il y a des bons et des mauvais élèves, notamment dans le circuit organisé».

Alors, pourquoi trouve-t-on encore des sacs en plastique dans nos marchés ? L’industrie de la production des sacs plastiques aurait encore de beaux jours devant elle. Beaucoup de vendeurs et d’associatifs –approchés par Le Reporter- en font d’ailleurs le constat.

Selon nos sources, une «mafia» continue de prospérer dans cette activité clandestine. «Nous avons remarqué l’apparition de plusieurs unités clandestines opérant dans la fabrication et la distribution des sacs plastiques. Elles produisent plusieurs tonnes de ces sacs prohibés», affirme Abdelkrim Chafii. «Ces unités, dit-il, ravitaillent nos souks et même des marchés et commerces dans les grandes villes. A noter qu’avant la mise en vigueur de la nouvelle législation, ces produits étaient vendus à 20 dirhams le kilo, mais maintenant ils sont vendus à 40-45 dirhams le kilo».

Pour le président de la fédération marocaine des droits du consommateur dans la région de Souss Massa, c’est à ce business lucratif qu’il faut donc s’attaquer et non pas à l’épicier ou au marchand ambulant qui ne détiennent qu’un ou deux kilos de sacs plastiques, insiste-t-il.

«Les services sécuritaires n’arrêtent pas de procéder à des saisies de quantités importantes de sachets plastiques à travers le pays», a-t-il ajouté, rappelant que de nombreuses opérations de démantèlement d’usines ont permis la saisie de sacs en plastique prêts à la vente, en plus de matières premières, de matériel et d’équipements utilisés dans leur fabrication».

Mais qu’en est-il du contrôle ? «Il y a bien des contrôles qui sont effectués. Une infraction constatée peut valoir une amende de  5.000 à 100.000 dirhams et la destruction des quantités saisies. Mais malheureusement, ces inspections ne portent pas toujours leurs fruits», selon Abdelkrim Chafii.

Car, explique-t-il, «elles ne permettent pas d’appréhender des individus en train de fabriquer des sacs en plastique dans ces unités qui sont pourtant connues de tous pour leur activité illégale».

Abdelkrim Chafii ne mâche pas ses mots. «Les propriétaires de ces usines, qui semblent déjà informés de ces inspections, cachent toute leur marchandise clandestine et prétendent qu’ils fabriquent uniquement les sacs alimentaires «autorisés», confie notre interlocuteur, lequel accuse certains agents d’autorité. «Cela veut dire, a-t-il dit,  que malgré l’entrée en vigueur de la loi interdisant ces sacs, nous allons continuer à voir ces sacs en plastique sur nos marchés», déplore cet associatif.

Des perquisitions et de nouvelles unités «clandestines» !


A Berchid, pour ne citer que cette ville, d’importantes quantités de sacs en plastique interdits ont été saisies, samedi 20 février, dans un camion qui les transportait, à l’issue d’une opération menée par la police judicaire, a-t-on appris.

Le poids total des sacs saisis s’élève à plus de 6 tonnes en plastique destinés à la vente dans les marchés et auprès des commerçants du secteur et d’ailleurs, précisent des sources sécuritaires, ajoutant qu’une enquête a été ouverte sous la supervision du parquet compétent afin d’appréhender tous les individus impliqués dans cette affaire.

Plusieurs unités clandestines opérant dans ce secteur ont été crées dans les communes rurales relevant de cette province, selon des sources locales bien informées. Celles-ci citent plusieurs zones, comme Deroua, Jekma ou encore Sidi El Mekki où, affirme-t-on, des hangars ont été construits de manière clandestine.

«C’est dans ces lieux que les sacs en plastique sont fabriqués. Malgré l’interdiction totale de ces sacs à usage unique, les contrôles sont plutôt rares. Ce qui pousse ces unités clandestines à poursuivre leur activité illégale», dénoncent les mêmes sources.

La ville de Casablanca ne fait pas l’exception. En effet, il y a quelques semaines, une commission d’inspection et de contrôle composée des autorités locales et des services de sécurité de la préfecture d’arrondissement de Hay Hassani à Casablanca a saisi 2 tonnes de sacs en plastique destinés à la vente dans les marchés.

Dans le cadre de cette même perquisition, il a été également procédé à la saisie de 14 tonnes de matières premières entrant dans la fabrication des ces sacs prohibés, qui étaient dissimulées dans une usine clandestine située au quartier de Lissasfa 2, rappelle des sources à la préfecture d’arrondissement de Hay Hassani.

Cette descente, menée en collaboration avec les représentants de la délégation de l’industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique, a débouché sur la fermeture de cette usine clandestine.

Mais, à en croire nos sources bien informées, nombreuses sont les unités clandestines qui continuent d’opérer dans cette industrie de fabrication de sacs plastiques prohibés par la législation.

«Dans plusieurs zones rurales de la région de Casablanca-Settat, des hangars de 50 à 100 mètres carrées sont loués entre 30.000 à 35.000 dirhams pour la fabrication des sacs plastiques. Il n’est pas difficile de les contrôler. Mais on ferme les yeux sur ces usines clandestines», déplorent les mêmes sources. Avant de conclure: «On cible les petits commerçants qui ont seulement un ou deux kilos de sac en plastique, mais on ferme les yeux sur les entrepôts secrets qui nourrissent les marchés».

A qui incombe la responsabilité de ces entrepôts clandestins ? Et pourquoi est-il difficile de faire appliquer la loi par ces unités ? Joints par nos soins, les responsables au département de l’Industrie et du Commerce n’ont pas donné suite à notre demande.

Naîma Cherii

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