Sécurité alimentaire : Bouazza Kherrati «Aucune administration ne veut assumer sa responsabilité de contrôle»

- Publicité -

Entretien avec Bouazza Kherrati, président de Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC)

 

- Publicité -

 

De plus en plus, des voix consuméristes, mais aussi des citoyens, s’élèvent pour dénoncer le manque d’hygiène et le laisser aller dans nos marchés. Pourquoi ce laisser aller alors qu’il y a une loi relative (28-07) à la sécurité sanitaire des produits alimentaires ? A qui incombe le contrôle des points de vente ?

Ce laisser aller est dû au fait qu’aucune administration ne veut assumer sa responsabilité de contrôle. Normalement, les denrées alimentaires doivent être contrôlées par l’Office national de la sécurité alimentaire (l’ONSSA). Or, il se trouve que le décret d’application de la loi 28-07, relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires, dans son article 5, donne au bureau d’hygiène, le droit d’octroyer les autorisations d’ouvrir un restaurant, un snack, ou un commerce de détail de denrées alimentaires. Sachant que le bureau d’hygiène relève de la Commune et son président c’est un politicien. Même si une autre autorité émet un avis défavorable, le président de la Commune peut donner cette autorisation. La loi le lui permet ! Mais ce droit, les présidents des Communes l’utilisent pour avoir des voix lors des élections. Du côté de l’ONSSA, ses contrôleurs ne sont pas tenus de contrôler les points de ventes du moment, parce que ce n’est pas l’ONSSA  qui octroie l’agrément ou l’autorisation. La loi 28-007 donne l’autorisation à l’ONSSA de faire le contrôle. Or il se trouve qu’une note du ministre de l’Intérieur exige la création de commissions mixtes de contrôle des produits alimentaires et que le contrôle doit se faire dans le cadre de commissions mixtes. Et donc l’ONSSA ne peut contrôler que dans le cadre de ces commissions mixtes. Mais ces dernières ne sont pas légales. Car il n’y a aucun texte de loi qui stipule leur création. Il y a juste une note qui a été envoyée aux gouverneurs et qui exige que le contrôle se fasse dans le cadre de commissions mixtes. Si on veut créer des commissions mixtes il faut qu’il y ait d’abord un texte. Il faut leur donner le pouvoir légal pour assumer pleinement leur mission de contrôle. Les contrôleurs de l’hygiène doivent faire leur tournée régulièrement.

Comment se déroulent aujourd’hui les opérations des contrôleurs de l’hygiène dans le cadre des commissions mixtes?

Aujourd’hui, les commissions mixtes on ne les voit faire leurs tournées de contrôle que pendant le mois de Ramadan et de l’Aïd Al Adha. Exception faite des unités de production où l’ONSSA fait son contrôle de salubrité, tout ce qui est point de vente n’est malheureusement pas contrôlé. On parle là de contrôle de l’hygiène, de la salubrité et des produits salubres. Mais que dit-on des fraudes ? Que dit-on de la fraude économique ? Pour l’heure, il n’y a aucune instance qui contrôle cette fraude et ce, depuis la disparition de l’instance de la répression des fraudes. Ce qui est un vide sidéral qui nuit à la protection du contrôle en général. A noter que dans le cadre des commissions mixtes, l’ONSSA ne doit contrôler que la salubrité des aliments. Mais quand il y a fraude, ça ne relève pas de ses compétences.

Quelles solutions à ce problème de contrôle en général ?

En résumé, il faut que le gouvernement ait la volonté de protéger le consommateur. Or pour protéger le consommateur, il faut mettre les moyens humains et créer une structure adéquate. C’est-à-dire une organisation qui fusionne toutes les administrations devant normalement intervenir dans le contrôle de la salubrité et de la fraude. A l’instar des USA et du Canada où il y a une seule instance qui contrôle et qui protège le consommateur. Ceci dit, je pense qu’il faut d’abord qu’il y ait une volonté politique. Mais, pour l’instant, je pense que la volonté politique n’est pas encore là. Et comme on ne fait pas le contrôle qu’il faut, les consommateurs vont hélas continuer à le payer cher. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir le nombre d’intoxications qui sont dues à la consommation de denrées alimentaires dont la date de péremption est périmée ou de produits douteux !

 Propos recueillis par Naîma Cherii

 

- Publicité -

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here