Abderrahman El Youssoufi… ou Le moule cassé

- Publicité -

Depuis cette nuit du jeudi 28 au vendredi 29 mai 2020, on ne dira plus Abderrahman El Youssoufi tout court. 

- Publicité -

On dira Feu Abderrahman El Youssoufi. 

Il s’est éteint comme s’éteignent les lumières au milieu de la nuit. 

Pour ses proches et amis, bien triste lever du jour…

Ceux qui le connaissent suffisamment savent que ce ne sont pas ses 96 ans qui ont eu raison de lui. Nombreux sont ceux qui ont vécu plus longtemps que cela. 

Ce sont ses forces qui l’ont trahi. 

Hospitalisé, il a rendu son dernier souffle comme pour en finir avec cette longue immobilité que lui a imposée la  maladie. 

Lui, immobile ? Lui, dont la vie a été un long fleuve toujours sorti de son lit ? 

Tombé dans la politique très jeune. (Voir son parcours dans notre dossier de cette semaine).

Pleinement engagé. Résistant de la 1ère heure sous le Protectorat. Grande figure du Mouvement National. 

Très actif militant démocrate. 

Grand homme de médias quand il fallait défendre de vraies convictions, de courageux programmes politiques et des valeurs universelles alors jugées subversives. 

Grand opposant quand on risquait sa vie à être opposant. 

Tour à tour, emprisonné, exilé, condamné à mort par contumace (à partir des années 50)…

Mais aussi, grand acteur de la scène politique nationale quand il a fallu rentrer au pays (en 1980 et en 1995). Puis quand il a fallu prendre en mains son parti (1er Secrétaire de l’USFP de 1992 à 2003). De même que lorsqu’il a fallu prendre les rênes du gouvernement (1998)… C’est cet épisode si singulier du «Gouvernement d’alternance consensuelle» (enfin la Gauche au pouvoir, avec un Gouvernement dirigé par l’USFP, non pas sur la base d’une majorité au parlement, mais en vertu d’un consensus garanti par le Roi, Feu SM Hassan II)…  

Et puis, grand homme, digne, lorsqu’il a fallu quitter le gouvernement (2002) pour laisser la place à un technocrate, Driss Jettou, nommé par le Roi Mohammed VI, pour couper court aux disputes partisanes. Et notamment aux visées des Islamistes, qui lorgnaient la Primature, arguant du fait d’avoir recueilli plus de voix, même si l’USFP et l’Istiqlal avaient obtenu plus de sièges au Parlement (effet du découpage électoral).

Grand homme digne également en décidant de se retirer définitivement de la vie politique (2003)… Ni gouvernement, ni parti… Tout cela sera bien fini jusqu’à la fin de sa vie… 

De 2003 à 2020… De longues années à observer ce que devenait la politique, ce que devenaient les hommes qui s’en réclamaient et qui s’en réclament encore…

Feu Abderrahmane El Youssoufi n’avait rien perdu de sa lucidité. Mais à mesure que les années passaient, son corps s’affaiblissait.

Combien de fois a-t-il dû se dire «ô rage, ô désespoir, ô vieillesse (et maladie) ennemie (s)» ! 

Le fait est que la politique et les hommes politiques ne sont plus ce qu’ils étaient. Beaucoup de valeurs et de convictions se sont perdues en chemin.

A observer la classe politique actuelle (ici comme ailleurs, du reste), on ne peut que s’incliner devant ces grands hommes -Abderrahman El Youssoufi et d’autres qui nous ont quittés avant lui- qui ont façonné et valorisé notre Histoire, que l’on soit d’accord avec eux ou pas. 

Hélas, force est de constater que des hommes politiques de cette envergure, on n’en «fait» plus… 

Le moule s’est cassé ! 

Bahia Amrani

- Publicité -

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here