Cette année au Maroc, les grands débats enflammés autour des droits de la femme n’ont pas attendu le 8 mars, journée internationale de la Femme.
Le projet de révision de la Moudawana a mis l’opinion publique en effervescence dès lors que SM Mohammed VI a courageusement lancé une 2ème réforme de ce quasi-sacré code de la famille, après celle de 2004 qui avait permis plusieurs avancées à l’époque, aujourd’hui (20 ans après !) jugées insuffisantes.
Comme d’habitude, dès qu’il est question d’un projet d’amendement de la Moudouwana, des guerres de tranchées sont aussitôt déclarées dans l’ensemble du pays.
La société marocaine se retrouve clivée, avec deux principaux camps.
D’un côté, les conservateurs et ultra-conservateurs agitant l’arme imparable de la religion.
De l’autre, les progressistesréclamant des droits humains, civils, ou que le recours à l’«Ijtihad» permettrait d’obtenir.
Sans compter qu’au sein de chacun de ces deux camps, les avis vont du plus rigoureux au plus-ou-moins-modéré.
C’est en décembre dernier que cette effervescence a culminé.
Le Souverain ayant désigné une Commission chargée du projet de réforme, celle-ci –après plusieurs semaines de larges consultationsde la société civile- a été reçue le 23 décembre 2024 au Palais Royal de Casablanca, où Sa Majesté a présidé une réunion d’évaluation des avancées du projet de réforme.
Réunion à l’issue de laquelle le Gouvernement a été chargé de porter les propositions de révision du Code de la famille retenues à la connaissance des citoyens.
Ce qui a été fait le lendemain, 24 décembre, lors d’une rencontre de communication à laquelle ont été conviés presse et représentants de la société civile.
Or, chacune de ces étapes s’est accompagnée d’un déferlement d’avis et contre avis sur ce qui est bon et ce qui ne l’est pas pour la famille en général et pour la femme en particulier.
Mais s’il ne s’agissait que d’avis…
Les positions étaient d’une rigidité telle que les désaccords ont parfois basculé dans des violences verbales inouïes, voire des menaces…
Au cœur des affrontements, les questions d’héritage, de droits de la femme en cas de divorce, de responsabilité des mères sur leurs enfants, etc.
Pour les ultra-conservateurs, dont la conception très étroite de la religion rend toute tentative d’«Ijtihad» suspecte et toute émancipation de la femme soit sacrilège, soit nocive pour la société musulmane, les réformes envisagées dépassent de loin les limites de l’acceptable. Pourtant, dans la Commission chargée de la réforme, le Conseil supérieur des Oulémas était bel et bien présent, appliquant sa censure à tout ce qui, à ses yeux, pourrait contrevenir à la religion (parfois avec excès, comme pour l’interdiction du recours à l’ADN en vue d’un test de paternité)…
Pour les militantes et militants des droits de la femme, au contraire, ces propositions de réforme sont bien en-deçà des attentes… Et le Conseil supérieur des Oulémas y est pour beaucoup.
Des points de vue inconciliables, auxquels s’est ajoutée une mauvaise gestion de la communication qui a abouti à des interprétations allant dans tous les sens.
Dans la plus grande cacophonie, se sont mélangés –et affrontés- les avis sur la réforme, sur les différences entre la femme rurale et la femme urbaine, la femme au foyer et la femme entrepreneure ou salariée, sur les droits et les excès…
Pire, les débats ont tourné à une opposition virulente entre la femme et l’homme, celui-ci présenté comme une victime des propositions de réforme du code de la famille.
L’on a vu alors des jeunes hommes jurer qu’ils ne se marieraient jamais dans ces conditions, des femmes-même monter au créneau pour défendre l’homme que les progressistes voudraient «dégrader», «humilier»…
Depuis décembre dernier, les débats sur la femme, la famille et la Moudouwana battent leur plein… Bien qu’avec un léger bémol, la présentation du projet de réforme au Parlement ayant été décalée.
A l’occasion de ce 8 mars, ça repart, bien sûr…
Pourtant, la réforme de la Moudouwana a un objectif si noble ! Il s’agit tout simplement de réparer les injustices d’un Code, qui n’est plus adapté au mode de vie actuel des citoyennes et citoyens, dans certaines de ses dispositions…
Injustice par exemple que subit la femme qui construit toute une vie avec son homme et qui peut se retrouver à la rue, s’il décède, parce qu’elle n’aura pas eu d’enfants mâles.
Injustice que subit l’enfant, quand toutes les autorisations qui le concernent relèvent du bon vouloir d’un père indélicat…
Et les exemples ne manquent pas…
Que la femme marocaine vive en ville ou à la campagne, qu’elle ait une vie professionnelle ou pas, qu’elle soit d’hier ou d’aujourd’hui, elle a le droit à cette justice que veut rétablir la réforme…
L’erreur est dans l’interprétation de cette réforme.
KB