Contrôle sanitaire: Ce qu’en dit la Cour des comptes

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La question de contrôle sanitaire des produits alimentaires poserait aujourd’hui un sérieux problème. Le pullulement d’unités opérant dans l’illégalité et l’inondation du marché de produits de différentes provenances, la plupart du temps «indéfinies» ou «inconnues», font aujourd’hui que ce marché «prospère» pour certains, présente un réel dilemme à l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA).

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L’ONSSA qui, en dépit des milliers de missions de contrôle qu’il réalise, tout au long de l’année, voit son travail insuffisant puisque présentant un certain nombre de défaillances, notamment au niveau du contrôle des produits alimentaires… 

En effet, dans son rapport annuel au titre de l’année 2018, la Cour des comptes, a épinglé l’ONSSA sur ce point précis. La Cour a ainsi relevé certaines défaillances en matière du contrôle sanitaire des produits alimentaires des services de l’Office.
La Cour fait d’emblée savoir, dans son rapport, qu’il s’agit, à l’origine d’un problème de réglementation. Et le document, d’expliquer que  l’actuel régime des agréments et des autorisations a rencontré un certain nombre de contraintes. A savoir, une multitude de procédures, un cahier des charges unique et contraignant surtout pour les opérateurs de petite taille, une forte pression sur les effectifs, déjà limités, de l’ONSSA, ainsi qu’une mauvaise information des opérateurs qui se dirigent parfois vers l’agrément alors que leur activité ne nécessite qu’une autorisation.

Faible contrôle…
La Cour pointe aussi le faible contrôle des lieux de la restauration collective, l’absence de contrôle sur les résidus de pesticides contenus dans les fruits et légumes destinés au marché local, contrairement aux produits destinés à l’exportation où le suivi des résidus pesticides est réalisé de manière rigoureuse, de même que l’absence du contrôle sanitaire au niveau des marchés de gros de fruits et légumes.
L’accent est aussi mis sur l’absence de contrôle sur les produits contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM), soulignant qu’il n’existe pas d’encadrement juridique pour les OGM en dépit du débat international sur leurs risques potentiels sur la santé.
Le document a, en outre, mis en lumière l’absence de contrôle sur l’inspection vétérinaire effectuée dans les abattoirs ainsi que sur les tueries rurales contrôlées, qui ne se fait pas selon les normes en vigueur… Mais aussi sur les dysfonctionnements constatés en matière de centres de collecte de lait et de produits laitiers.
Pour ce qui est du contrôle des intrants chimiques, la Cour des comptes indique qu’il existe une absence de contrôle sur les commerces de détail des produits pesticides à usage agricole, ainsi qu’une absence de contrôle sur l’activité de reconditionnement des pesticides à usage agricole.
S’agissant de la protection du patrimoine animal, le rapport révèle une insuffisance du système de veille épidémiologique, une absence d’une loi spécifique sur l’élevage et d’un cadre formalisé pour la prise de décision en matière de vaccination.
En ce qui concerne le positionnement institutionnel et politique publique en matière de sécurité sanitaire des aliments de l’ONSSA, la Cour attire l’attention sur l’indépendance de l’office vis-à-vis de la tutelle, sur le manque de moyens financiers et humains et l’absence de dispositif d’évaluation scientifique des risques sanitaires et phytosanitaires.

 

Et insuffisante indépendance de l’ONSSA

Le département de l’Agriculture a mis en place un plan sectoriel pour le développement du secteur agricole appelé Plan Maroc Vert, dont l’un des objectifs est l’augmentation de la production pour les différentes cultures végétales, ainsi que pour les produits d’origine animale (viandes, lait, produits avicoles, etc.). Cet objectif, qui passe par l’augmentation de la productivité et du rendement, nécessite obligatoirement l’utilisation de matières organiques et chimiques (pesticides, semences, médicaments vétérinaires, etc.) dont l’utilisation est censée être contrôlée par l’ONSSA. Or, il parait évident que les objectifs d’augmentation de la productivité peuvent parfois être contradictoires à ceux de l’ONSSA qui doit, quant à lui, veiller à une utilisation rationnelle de ces produits et en contrôler la teneur (résidus) dans les produits alimentaires.

Par ailleurs, la Cour signale que le mode de gouvernance actuel où le ministre de l’Agriculture assume le rôle du président du conseil d’administration de l’ONSSA peut provoquer une situation d’incompatibilité entre le souci politique de l’ordre public (éviter les situations de panique), d’une part, et la capacité d’énoncer des avis transparents basés exclusivement sur la vérité scientifique, d’autre part.

La Cour des Comptes a aussi pointé du doigt l’absence d’une véritable politique publique en matière de sécurité de la chaîne alimentaire. Selon son dernier rapport, le Maroc ne dispose toujours pas d’une vision claire et d’une politique publique intégrée en matière de sécurité sanitaire des produits alimentaires relève encore le rapport. Sachant que toute politique publique de sécurité alimentaire repose sur les principes suivants: la responsabilité des opérateurs, la traçabilité tout au long de la chaîne alimentaire, l’analyse des risques comme fondement des mesures, l’instauration législative du principe de précaution, ainsi que l’extension d’un système d’alerte rapide à l’alimentation animale. Par ailleurs, il est indispensable de mettre en place un système de responsabilités et de contrôle bien définis, et de fournir aux consommateurs toute l’information nécessaire (contenu, composition et qualités des produits alimentaires) pour des choix éclairés. Or, il a été constaté que plusieurs maillons de la chaîne alimentaire, tous produits confondus, échappent à tout contrôle de la part de l’ONSSA (exemples: marchés de gros de fruits et légumes, «Riachates», etc.). Pour maitriser la traçabilité, il faudrait l’implication effective de plusieurs intervenants, à savoir les collectivités locales dont relèvent les abattoirs municipaux et les tueries rurales, les autorités locales (ministère de l’Intérieur) qui accordent les autorisations administratives pour les abattoirs traditionnels de volailles, ainsi que les points de vente, mais également la Gendarmerie royale qui contrôle, entre autres, le transport routier, et donc tous les mouvements de produits alimentaires qu’ils soient d’origine animale ou végétale. Également, il faudrait l’implication des différents départements ministériels en charge du contrôle sanitaire pour certaines catégories de produits (ministère de l’Intérieur, ministère de la Santé, ministère du Commerce et de l’Industrie, EACCE, ONICL, etc.). Il est à signaler, aussi, que la porosité des frontières rend difficile la mise en place d’une approche de contrôle efficace à cause des introductions frauduleuses d’animaux vivants, de médicaments vétérinaires, de pesticides et de tous types de produits alimentaires dont le statut sanitaire, ainsi que l’origine, sont inconnus. Ainsi, dans un contexte de multiplicité des intervenants en charge du contrôle des produits alimentaires, et en l’absence d’actions transversales et coordonnées, la situation actuelle marquée par une dilution des responsabilités risque de perdurer, ce qui ne favorise pas l’atteinte de l’objectif de traçabilité des produits alimentaires.

Des manquements qui pèsent 

Outre l’inadéquation des moyens humains alloués avec les missions confiées et le faible taux d’encadrement dans les domaines d’activités dans lesquels exerce l’ONSSA (encadrement vétérinaire 0,1/10.000 habitants, encadrement pour les contrôles des produits végétaux 1 inspecteur pour 500.000 habitants), la Cour a aussi constaté l’absence d’un dispositif d’évaluation scientifique des risques sanitaires. A ce niveau, le rapport relève que le système de contrôle sanitaire des aliments au Maroc est basé uniquement sur un dispositif de gestion des risques (Risk Management), c’est-à-dire «politique-stratégie-plan d’action» qui intègre les avis scientifiques, les données socio-économiques et culturelles, la surveillance, ainsi que le contrôle et l’inspection, des produits et des activités agro-alimentaires. Ce système de gestion des risques s’avère incomplet car l’aspect «évaluation des risques» (Risk Assessment) n’a pas été suffisamment pris en compte par l’ONSSA. 

A cela s’ajoute, souligne encore la Cour, le pouvoir limité des agents de l’ONSSA. Ces derniers, sont souvent impuissants face à des contrevenants qui fabriquent, entreposent ou mettent sur le marché des produits alimentaires non conformes tels que définis par la loi n°28.07. En effet, ces agents ne disposent que d’un pouvoir limité pour prendre des sanctions administratives puisqu’ils n’ont pas la possibilité de prononcer la fermeture totale ou partielle d’un établissement. Ils peuvent seulement, selon la loi précitée, procéder à la saisie de la marchandise non conforme, ou procéder à sa consignation dans l’attente des résultats des contrôles. La décision de fermeture ne pouvant émaner que des autorités locales, plusieurs constats négatifs de l’ONSSA restent sans effet.

H.Dades

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