Selon des médecins de la Fondation «Opération Smile», la tendance à voir naître des bébés atteints de malformations faciales serait en accroissement. L’organisation, qui opère gratuitement les victimes nées avec une fente labio-palatine, a organisé récemment une action humanitaire au profit de 177 bébés qui ont pu retrouver le sourire.
Il y a un an, naissait Meryem avec une fente labiale. Aujourd’hui, elle va bien, son opération s’est déroulée avec succès, comme en témoignent les photos. Meryem, qui continuera de vivre normalement après une chirurgie réparatrice de pointe, a été prise en charge dans le cadre de la mission humanitaire organisée, récemment, par la Fondation «Opération Smile» à Tanger. Naîma, la mère de Meryem, dit avoir vécu ce moment comme une deuxième naissance. Elle venait de découvrir le visage de son enfant, celui avec lequel Meryem aurait dû naître, si tout s’était bien passé. «C’est vraiment une chance que ma petite Meryem soit opérée gratuitement», dit la mère de Meryem, laquelle a bénéficié, pendant plus d’un an, d’un soin médical et d’un suivi gratuit, assuré au sein du Centre de la Fondation «Opération Smile», situé dans la préfecture d’arrondissements Al Fida-Mers Sultan, à Casablanca. Le vœu de Naîma, nécessiteuse et troublée jusque-là par la malformation de la bouche de son bébé, est ainsi comblé par l’Association «Opération Smile». Même si cela est loin d’être terminé. Puisque, après cette première opération, celle qui «gomme» la malformation, une autre opération et un suivi assez lourd attendent encore la petite Meryem.
120 bénévoles dont 45 médecins de nationalités différentes…
Jeudi 30 novembre, soit trois jours avant l’intervention, Naîma avait pris la route pour l’hôpital Al Kortobi, dans la ville de Tanger. Elle devait se présenter le lendemain, dès 8 heures, pour se faire enregistrer, afin d’obtenir un jeton qui permettra à son bébé d’accéder aux salles de consultation. Nous l’avons accompagnée, ce vendredi, à l’hôpital Al Kortobi, où 120 bénévoles, dont des chirurgiens dentistes, anesthésistes-réanimateurs, médecins orthophonistes, orthodentistes, pédiatres et infirmiers étaient présents, dès 7h30 heures. Ces derniers ont participé à la mission humanitaire, organisée du 3 au 8 décembre par la Fondation «Opération Smile Maroc», en partenariat avec le ministère de la Santé et l’Union des Promoteurs immobiliers de Tanger. Objectif: réparer des malformations faciales, notamment la fente labiale et palatine de 177 enfants (dont 90% des bébés).
Rien n’a été négligé, pour réussir une telle mission et assurer le bon déroulement de cette action humanitaire, à laquelle ont participé 45 médecins bénévoles, de 15 nationalités différentes, dont des Marocains. Pour cette nouvelle mission, un staff non médical a également était mobilisé, comprenant traducteurs, responsables administratifs, responsable de la logistique, coordinatrice de mission, etc.
Certains n’en sont pas à leur première intervention bénévole. Marcelo Teixeira, médecin anesthésiste bénévole (Brésil), pour ne citer que lui, s’est dit très heureux de sa 7ème participation, dans le cadre des missions organisées par «Opération Smile» au Maroc. «Je suis très content de prendre part à cette nouvelle mission humanitaire. J’espère que j’aurai l’occasion d’aider d’autres malades au Maroc à retrouver le sourire», a-t-il confié avec satisfaction.
Diagnostic, espoir et attente des mamans
L’opération d’enregistrement des patients a été entamée, vendredi 31 novembre et s’est clôturée samedi 1er décembre. Ce vendredi, dès 8 heures, les parents de plus de 120 enfants atteints de la fente palatine et labiale commençaient à affluer vers l’hôpital. Plusieurs d’entre eux ont pris l’autocar depuis leur ville, jeudi soir (30 novembre), pour être à Tanger le vendredi, tôt le matin. Ils venaient de Zagoura, Agadir, Sidi Kacem, Taroudant, Kénitra, Midelt, Casablanca, etc. «La route était très longue et fatigante. Mais l’essentiel, pour moi, est que mon enfant soit opéré et devienne comme les autres», soulignait une jeune maman, la vingtaine révolue.
De l’extérieur, l’hôpital semblait très calme. Mais à l’intérieur, les trois stations dédiées à l’opération d’enregistrement et de consultations étaient en pleine activité. Les malades sont reçus par un staff bénévole chargé d’accueillir et d’enregistrer les bébés. Un examen bien détaillé des dossiers a été accompli au préalable, en vue de retenir les cas pouvant subir une intervention chirurgicale et mettre de côté les patients montrant des contre-indications. Les consultations -effectuées par une équipe médicale hautement qualifiée- concernaient une série de spécialités, allant de la pédiatrie à la prise de sang. «Cette étape de diagnostic des cas est très importante pour préciser la chirurgie adaptée à chaque type de malformation. Elle nous permet également de savoir si l’enfant peut subir l’intervention chirurgicale», explique Hatim Droussi, chirurgien plasticien et team leader de cette action humanitaire.
Le temps était pluvieux. Assises sous une tente installée à l’intérieur de l’hôpital, les jeunes mamans, venues de plusieurs villes, attendaient leur tour. Elles gardaient espoir de voir leurs bébés passer avec succès les différentes étapes de consultation. La plupart d’entre elles, par manque de moyens, ne pouvaient pas payer une chirurgie. «Cela coûte cher», tenait à signaler la mère d’un enfant. «Mon bébé est né avec une malformation faciale. J’espère que tout se passera bien et qu’il (l’enfant) ne va pas montrer des contre-indications. Autrement, nous allons rentrer chez nous sans pouvoir bénéficier de cette mission humanitaire», dit cette jeune femme qui était inquiète.
Au terme de ces deux journées de consultation, 279 patients ont été examinés dans neuf différentes spécialités. Mais seulement 177 malades souffrant du bec-de-lièvre ont pu subir une intervention chirurgicale, gratuitement, par les médecins bénévoles de l’Association «Opération Smile». Au total, 245 opérations ont été effectuées, étant donné que plusieurs patients ont subi plus qu’une chirurgie, déclare Fouzia Jbara Mahmoudi, vice-présidente et co-fondatrice de l’Association Opération Smile au Maroc.
Pour Fouzia Mahmoudi, qui connaît bien le domaine humanitaire, cette nouvelle mission a largement dépassé son objectif. «Tous ces bébés sont répertoriés de première priorité. Mais il se trouve qu’après les consultations, certains cas présentent des contre-indications et ne peuvent pas subir une intervention. Mais je dois dire que l’opération a été couronnée de succès. L’équipe des médecins a fait un excellent travail: 177 patients de différentes régions ont bénéficié de cette opération, au lieu de 160 initialement prévus», dit-elle avec satisfaction.
Au Maroc, comme ailleurs, naître avec une fissure labio-palatine est une tare que les enfants et leurs parents portent durant leur vie. Beaucoup d’enfants marocains sont nés avec des malformations faciales. Selon des médecins d’«Opération Smile», la tendance à voir naître des bébés atteints de malformations faciales serait en accroissement. Les causes de cette malformation ne sont pas véritablement connues, même si le caractère héréditaire semble avoir un rôle à jouer dans la survenue de cette anomalie. La prise de certains médicaments durant les premiers mois de la grossesse, ou encore une carence nutritionnelle, notamment en vitamine B9 ou Vitamine K, peuvent également causer cette malformation. Une étude réalisée dernièrement avance que le déficit en acide folique chez les femmes enceintes peut provoquer cette anomalie chez les bébés.
Reportage réalisé à l’hôpital Al Kortobi de Tanger par Naîma Cherii
