La situation est chaotique. Alors que la famine progresse dans la bande de Gaza, les morts se multiplient aux environs des centres de distribution d’aide.
Des palestiniens affamés sont tués quasi-quotidiennement en allant chercher de la nourriture dans des points de distribution américano-israéliens. Des attaques sont régulièrement signalées le long des chemins empruntés par les demandeurs d’aide alimentaire ou à l’approche des sites de distribution.
Des enfants risquent leur vie pour quelques sacs de farine, des tirs à balles réelles, des bombardements, etc. Depuis le 27 mai 2025 au 25 juin 2025, 549 personnes auraient trouvé la mort, 4066 blessés et 38 disparus, en tentant notamment de regagner ces centres de distribution, «délibérément installés dans des zones militarisées», selon un nouveau bilan de la défense civile de Gaza.
Alors que les demandeurs d’aide alimentaire continuent d’être ciblés par les tirs israéliens, le volume et le rythme actuels des livraisons restent très insuffisants, a averti mercredi 25 juin le bureau des affaires humanitaires de l’ONU, dénonçant une situation insupportable pour des centaines de milliers de civils.
Selon des ONG et l’ONU, plus de deux millions de Palestiniens à Gaza vivent dans des conditions proches de la famine en raison des restrictions imposées par Israël. Les conditions difficiles sont devenues une dure réalité quotidienne pour les habitants de la Bande de Gaza, alertent les mêmes sources.
Les hôpitaux sont submergés, les entrepôts de l’ONU vides, l’eau potable quasiment inexistante, des enfants attendent des heures devant des camions-citernes qui, souvent, n’arrivent jamais.
Pour de nombreux Gazaouis, cette tragédie est l’aboutissement de vingt mois d’horreur et d’impunité. Tenter d’atteindre un sac de farine ou une ration chaude revient à risquer sa vie. Malgré cela, les populations de Gaza prennent le chemin vers ces centres de distribution d’aides alimentaires pour recevoir de la nourriture, même s’ils savent qu’ils marchent vers la mort, déclare à Le Reporter Anwar Al Amoudi, un journaliste à Jabalya, dans le nord de la bande. «Néanmoins, poursuit-il, les incidents meurtriers, qui continuent de se produire chaque jour à proximité de ces sites, font que certains ne partent pas à la recherche de l’aide dans ces centres de peur d’être ciblés».
«Y a-t-il une plus grande douleur que celle-ci?», dit le journaliste Anas Al Sharif. «Les gens à Gaza risquent leur vie pour échapper à la mort par la famine. Ils partent à la recherche de la farine. Mais ils reviennent portés sur des charrettes censées transporter de l’aide et non des cadavres», a-t-il écrit sur son compte Facebook, mercredi 25 juin.
Des images et des vidéos recueillies par des journalistes et des citoyens palestiniens montrent des gens évacuant des morts sur une charrette tirée par un âne et une foule compacte d’hommes, certains chargés de colis, revenant du centre, dans un paysage désertique et dévasté. Les réseaux sociaux en sont inondés.
Dans une publication sur les réseaux sociaux, Mohamed Al Masri a commenté une photo qu’il a postée : «Un martyr sur une charrette… Voyez comme la faim l’a épuisé. Il est allé chercher, dans une tentative désespérée, de quoi apaiser la faim de sa famille, mais il ne revient pas avec de la nourriture. Au lieu de cela, il revint, porté comme un martyr, auprès de sa famille».
«Les gens meurent de faim, Mais ils meurent aussi pour aller chercher un sac de farine», écrit le palestinien Nadooh Mohammed. «Y-a-t-il une plus grande douleur que celle-ci?», écrivait-il ce mercredi 25 juin sur son compte Facebook.
«Le nouveau mécanisme dit «d’aide humanitaire» est une abomination qui humilie et avilit des personnes en détresse. C’est un piège mortel, qui coûte davantage de vies qu’il n’en sauve», dénonce l’agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens.
Le simple fait de vouloir survivre est devenu une condamnation à mort, a dénoncé ce mercredi 25 juin Jonathan Whittall, chef du bureau humanitaire de l’ONU pour le territoire palestinien occupé.
«Ceux qui sont touchés se trouvent souvent hors de portée des ambulances. Des personnes sont portées disparues, présumées mortes», poursuit Whittall. Celui-ci s’est exprimé dimanche, depuis Deir al-Balah, dans le sud de la bande de Gaza, où il a visité l’hôpital Nasser, «débordant de blessés».
Dans un message posté dimanche 22 juin, Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l’ONU, ne mâche pas ses mots. «Que l’État accusé de génocide et de famine soit chargé de distribuer l’aide est absurde et obscène : une insulte à la décence humaine». Qualifier cela d’humanitaire» est un camouflage humanitaire, dénonce l’experte indépendante sur le réseau social X.
La défense civile dans le territoire palestinien ravagé et affamé, a annoncé que durant les quatre derniers jours (du 22 au 25 juin 2025), au moins 99 palestiniens venues chercher de l’aide alimentaire, ont été tués et 570 blessés lors d’attaques israéliennes menées aux abords des centres de distribution.
Ces décès s’inscrivent dans une vague de violences survenues aux abords des points de distribution d’aide mis en place fin mai dernier.
Depuis le 27 mai dernier, une initiative conjointe des États-Unis et d’Israël, la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), distribue de la nourriture dans la bande de Gaza sans passer par le système humanitaire onusien. Mais cette structure, un organisme au financement opaque qui gère quatre centres de distribution de colis-repas à Gaza, est au cœur des critiques.
Plusieurs ONG et agences onusiennes lui reprochent d’avoir mis en place des centres de distribution non sécurisés, exposant les palestiniens à des tirs et des bombardements.
Plusieurs responsables d’ONG et d’agences onusiennes se sont joints à un concert de critiques sur les méthodes de ces centres. «Il s’avère, comme nous le voyons tous les jours, que les gens qui vont dans ces centres sont tués alors qu’ils cherchent de la nourriture», a déclaré la présidente de la commission internationale d’enquête des Nations unies, Navi Pillay, en conférence de presse à Genève.
«Nous devons examiner l’objectif politique» de cette fondation «la manière dont il est mis en œuvre», a-t-elle ajouté, jugeant «scandaleux» le soutien américain à la fondation.
L’ONU et les ONG humanitaires refusent de travailler avec cette organisation en raison de préoccupations concernant ses procédés et sa neutralité.
N.C