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Au temps pas si lointain où il n’y avait pas encore d’autoroute entre Rabat et Tanger, il m’est arrivé de passer à plusieurs reprises devant le site archéologique de Lixus à peine indiqué.
J’ai toujours eu la tentation de m’arrêter devant ce qui était vaguement connu comme un antique comptoir phénicien.
Il n’y avait pas grand chose de visible de la route et rien qui poussait à aller s’aventurer dans des pierrailles peu attractives.
Mais cette année sachant qu’il y avait maintenant un petit musée, j’ai décidé d’y retourner et d’y amener ma famille.
Je craignais la déception surtout pour ceux qui n’ont pas comme moi la passion de l’Histoire vivante au milieu des ruines.
Eh bien, tout le monde a été enthousiasmé par le musée et l’aménagement du site.
Ce site archéologique de Lixus, non loin d’une nouvelle station balnéaire attractive, est la preuve du dynamisme et de l’esprit d’ouverture du Maroc. Quand on y retourne, comme partout dans le pays, on se dit que l’on ne reconnait rien tellement ça a changé.
Le pays progresse avec des infrastructures d’avenir en respectant le passé. C’est d’autant plus remarquable à Lixus qu’il s agit d’un passé pré islamique.
Le Maroc pays à l’identité musulmane forte a eu un passé historique très riche avant l’islam. On pense bien sûr aux Romains et à Volubilis, mais moins aux Phéniciens qui ont précédé pourtant de plusieurs siècles les Portugais et la stratégie des comptoirs.
Lixus, c’est une ville fondée par les Phéniciens et ensuite une place forte de leurs continuateurs carthaginois.
C’est la preuve que ces navigateurs puniques avaient passé les colonnes d’Hercule à Tanger ville -également fondée par les phéniciens- et qu’ils ont descendu la cote atlantique peut être jusqu’au Gabon, selon le récit grec du périple d’Hannon.
Le musée de Lixus est perché sur une colline assez verdoyante et ombragée qui permet l’accès au site archéologique que l’on peut arpenter si on a du courage pendant une longue demi-heure.
Inutile bien sûr d’y chercher un «Colisée» préservé. C’est une sorte de Cnossos (crête) marocain. Mais on passe devant les grands quartiers et monuments des différentes époques de la ville indiqués par une carte très précise que l’on reçoit au musée.
Le musée lui-même est une merveille. Il vaut le voyage. C’est un petit musée ultra moderne où tout est bien conçu et lumineux, où les explications murales sont claires et où l’on a -si besoin- l’assistance d’un personnel aussi discret que réactif et érudit.
On apprendra bien des choses. Lixus est la ville la plus ancienne du Maroc. Elle fut une grande métropole liée au monde méditerranéen qui raffolait des produits de l’Atlantique. Lixus fût notamment la capitale du Thon dans le sel et plus particulièrement des sauces de poisson. Lixus comme une cité de l’Atlantide avec la reproduction d’un dieu de la mer unique au visage de Poséidon et aux pattes de crabes sortant d’une dense chevelure.
Il n’est donc pas surprenant que Chousor soit le dieu protecteur de la ville. Il est représenté dans les monnaies qui remontent jusqu’à deux siècles avant J.C. Ce dieu connu au deuxième millénaire avant JC en Phénicie était un dieu forgeron, armurier et pêcheur.
La légende rejoint l’Histoire, on y voit passer Hercule, on y situe le jardin des Hespérides. Il y a eu, avant l’arrivée des Romains, une période formidable et moins connue, celle de la Maurétanie.
Le Royaume de Maurétanie est un ancien royaume berbère (Libye antique) établi dans l’actuel nord du Maroc et issu d’une fédération des tribus allant de l’océan Atlantique à l’ouest jusqu’à la Moulouya à l’est, frontière étendue, au début du Ier siècle av. J.-C., à l’Oued-el-Kebir dans l’actuel Est de l’Algérie.
L’Histoire de la Maurétanie est complexe et l’on peut évoquer la rivalité entre Boccus le maurétanien et Jugurtha le numide, alliés puis ennemis… Rien de nouveau sous le soleil du Maghreb !
Ce Maroc berbère de l’océan est sans doute largement à redécouvrir dans la perspective de la grande politique atlantique initiée par le Roi Mohamed VI. Lixus en apporte l’opportunité.
Lixus connaîtra, bien sûr les temps ténébreux où sombre l’empire romain mais où les berbères de la cité tentent de maintenir une civilisation. Cela Jusqu’à la renaissance islamique avec sur le site une villa, un patio et une mosquée.
Voila pour l’Histoire, mais Lixus c’est comme Troie ou Carthage, il n’y a pas grand-chose. Mais quand on y est, en sortant d’un musée exemplaire, souffle l’esprit des temps mythiques.
Hercule y recherche les pommes d’or du jardin des Hespérides et combat le géant Antée qui trouve sa force dans le contact avec sa mère la terre et qu’il doit soulever du sol pour l’étouffer et le vaincre.
Il va battre le dragon aux cent têtes. Il rencontre enfin les 3 Hespérides filles du Titan Atlas, l’homme qui -depuis le Maroc- soutenait la terre.
Que de belles légendes à Lixus, respectées et valorisées par un pays musulman fier de tout son passé !
Lixus, un musée qui vaut le détour, au nom de la plus longue mémoire marocaine et du grand bond en avant de ses infrastructures dans le respect de toutes ses cultures qui ont fait son histoire unique.
Lixus, Patrice Zehr
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