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Cette mi-juillet 2022 réservait aux Palestiniens de Cisjordanie une surprise de taille. L’annonce d’une prochaine ouverture sans interruption du Pont Allenby, poste-frontière qui relie la Cisjordanie à la Jordanie, situé à 50 km de la capitale jordanienne Amman et, surtout, seule ouverture de la Cisjordanie sur le monde, qu’empruntent en moyenne quelque 7.000 personnes par jour. 

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Annonce faite par le Président américain Joe Biden, à l’occasion de son escale en Cisjordanie vendredi 15 juillet 2022.

Comment cette décision a-t-elle été prise et pourquoi ?

Les explications américaines, israéliennes et marocaines, mettent en avant une médiation maroco-américaine et un rôle-clé du Maroc, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI. 

Mais ce qui n’a pas été officiellement déclaré est tout aussi important…

Le pont Allenby/Roi Hussein, seuls les 3 millions et demi de Palestiniens de Cisjordanie en mesurent la réelle importance, tant il détermine leur vie. Il est pour eux l’unique moyen de voir leurs proches en Jordanie, de développer leur commerce, d’exporter leurs produits, ou encore de se rendre à l’étranger via l’aéroport de Amman.

Ce pont, qui porte le nom du Général britannique qui l’a construit en 1918, Edmund Allenby, quasiment détruit durant la guerre des six jours (1967) et reconstruit en 1994 à la faveur du traité de paix signé entre Israël et la Jordanie (d’où le 2ème nom que lui donnent les Jordaniens, «le pont Roi Hussein»), n’est pas un simple poste-frontière que l’on franchit pour aller d’un pays à un autre. Compte tenu de la région où il se trouve en proie à un conflit qui dure depuis plus de 70 ans et des tensions israélo-palestiniennes qui en impactent la gestion, ce poste-frontière-sous contrôle israélien- n’est pas libre d’accès. Il n’est ouvert que par intermittence, malgré les flux importants d’usagers, tout au long de l’année et encore plus aux occasions des grands déplacements (fêtes, vacances…). Certains racontent attendre plus d’un jour et d’une nuit, sur place, avant de pouvoir prendre place dans un bus autorisé à le traverser. D’autres paient le prix fort pour n’avoir pas à attendre longtemps (le tarif serait de 160 dollars, à partir de l’espace VIP, pour une place dans un véhicule de 5 à 6 passagers, selon une enquête de RFI).

C’est dire combien l’annonce de la prochaine ouverture du pont, sans interruption et de façon définitive, comble de joie ceux qui souffraient de toutes ces complications…  

Américains et Israéliens d’abord…

C’est le Président américain, Joe Biden qui, en tournée au Proche-Orient et arrivé en Cisjordanie, vendredi 15 juillet 2022, a annoncé officiellement la bonne nouvelle, indiquant qu’une médiation menée par les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume du Maroc a permis d’aboutir à un accord avec Israël pour l’ouverture 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 du poste-frontière «pont Allenby/Roi Hussein». Ouverture qui devra cependant attendre que soient résolues les questions logistiques et de ressources humaines.Ce qui, apprendra-t-on plus tard, ne sera pas possible avant la fin du mois de septembre. 

Un haut responsable de l’Administration Biden déclarait alors au journal israélien Haaretz que le Maroc a joué un rôle clé dans cette décision israélienne d’ouvrir de manière permanente le poste frontière du pont Allenby. Et le journal de commenter que cette décision: «marque le premier cas dans lequel un pays arabe, membre des accords d’Abraham, a utilisé sa puissance pour servir de médiateur entre Israéliens et Palestiniens et créer un changement politique important». 

Dans ce sillage, Haaretz révélait, en citant des responsables israéliens, que le ministère des Transports israélien travaillait, depuis plusieurs mois, avec les responsables marocains ainsi que les parties américaine et palestinienne, tous ensemble, pour arrêter une solution qui permette l’ouverture permanente du poste-frontière.

La ministre israélienne des Transports, Merav Michaeli, elle-même confirmait la décision à i24 TV ainsi qu’à Medi1 TV, saluant de ce fait le rôle majeur et décisif joué par le Roi du Maroc pour l’ouverture permanente du Pont, ainsi que l’engagement Royal et son insistance à associer toutes les parties concernées (voir la déclaration de Merav Michaeli, en encadré).

Il est ainsi ressorti de ce qui a filtré du côté américain et, particulièrement, du côté israélien, que le rôle du Maroc a été central dans cette initiative qui, après des mois de concertations tripartites, a débouché sur cette décision israélienne jusque-là considérée comme inimaginable, tant pour la partie israélienne que pour celle palestinienne.

 

Et le Maroc…?

Le Maroc, lui, n’a émis aucune déclaration ni aucun communiqué officiel, laissant le soin aux autres parties de livrer les détails qu’elles jugent bons de rendre publics et de garder confidentiel ce qu’elles estiment devoir l’être. Seule l’agence MAP a, en quatre paragraphes succincts, rempli son devoir d’information. Rapportant que «Grace à une médiation directe du Royaume du Maroc, sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les autorités israéliennes ont décidé l’ouverture, sans interruption, du poste-frontière Allenby/Roi Hussein, reliant la Cisjordanie et la Jordanie» ;que la médiation a été «menée par le Royaume du Maroc et les Etats-Unis d’Amérique» ; que «cette médiation constitue, une nouvelle fois, un témoignage éloquent de l’intérêt que porte Sa Majesté le Roi, Président du Comité Al-Qods, à la cause palestinienne et au bien-être des Palestiniens» ; et que «la ministre israélienne des Transports, Mme Merav Michaeli, a saisi l’occasion de l’annonce de l’ouverture du poste-frontière pour remercier SM le Roi Mohammed VI, président du Comité Al Qods et le président américain, Joe Biden pour leur engagement et leurs efforts continus en faveur de la paix et de la prospérité au Moyen-Orient».

Comme à son habitude, le Roi du Maroc, l’idée en tête et la ferme intention de la mener à son terme, a travaillé des mois durant dans la discrétion la plus totale. Strictement rien n’a filtré de ce projet jusqu’à son annonce par le Président Biden.

La diplomatie déterminée mais sereine était à l’œuvre, tandis que les détracteurs du Maroc multipliaient leurs analyses fallacieuses et accusations à l’emporte-pièce, depuis que le Royaume a signé les accords d’Abraham.

Une démonstration et deux démentis

Le fait est que ces accords d’Abraham n’ont rien changé dans la position du Maroc concernant le conflit israélo- Palestinien. C’est avec une totale franchise, preuve d’estime et d’égards pour ses partenaires américains, israéliens et palestiniens, que le Roi Mohammed VI a rappelé aux trois parties les fondamentaux de la position du Royaume. Exit le double langage. Le Roi est clair. 

Il y a les relations exemplaires avec les Palestiniens, dont il défend les revendications légitimes à travers le Comité Al Qods qu’il préside ; et auxquels il veille à apporter aide humanitaire concrète et soutien effectif dans leur vie quotidienne, à travers Bayt Mal Al Qods. 

Et il y a les relations exceptionnelles avec les Israéliens, qui ne sont pas nées des accords d’Abraham de 2020, mais puisent leur origine au VIIème siècle, avec l’exode des juifs d’Espagne, fuyant les persécutions wisigothes pour se réfugier au Maroc. Pour les historiographes, la cohabitation entre juifs et musulmans au Maroc remonte même au IIème siècle av. J-C. Des relations qui se confondent avec l’Histoire du pays,qui ont traversé le temps et les vicissitudes en y résistant. Le Maroc est le pays qui avait refusé de livrer les juifs marocains aux Nazis (décision historique de Feu SM Mohammed V) et qui –fait unique pour un pays arabe et musulman-compte aujourd’hui plus d’1 million d’Israéliens se prévalant de leur origine marocaine. 

Ces relations avec les deux parties ont permis au Maroc de jouer un rôle souvent déterminant de médiateur, tant dans les relations palestino-palestiniennes (c’est lors du Sommet arabe qui s’était tenu à Rabat en 1974 que l’OLP a été reconnue représentant unique du Peuple palestinien), que dans les relations israélo-palestiniennes (Cf les nombreux Sommets arabes abrités par le Maroc, destinés à rapprocher les vues et à définir des plans de paix au Moyen-Orient).

Aujourd’hui, plus que jamais, ce rôle de médiateur du Maroc permet de regarder l’avenir avec espoir. C’est ce qui, d’ailleurs, a été exprimé par la ministre israélienne des Transports Merav Michaeli, lorsque, après avoir souligné à Medi1 News «le Ferme engagement» du Roi du Maroc en faveur de la paix (au Moyen-Orient), a déclaré que «cette volonté restera un facteur très utile à l’avenir».

Les pourparlers qui ont conduit à la décision d’ouvrir le pont Allenby de façon permanente, sont une démonstration de la possibilité de dépasser les méfiances et rigidités, lorsqu’il y a une médiation respectueuse des uns et des autres, engageant un dialogue franc et employé sincèrement à établir un équilibre entre les attentes et les appréhensions des parties en présence.

Le Roi du Maroc a montré que lorsqu’il y a sérieux, bonne foi et confiance, cela donne un bon résultat. 

Certes, dans de telles situations, rien n’est jamais définitivement acquis. Il suffit d’une crise, ou d’une agression, pour que -à Dieu ne plaise- ces laborieux efforts diplomatiques soient ruinés.  Déjà, en 2020, le poste frontalier Allenby a été fermé pour cause de crise Covid. Et cela s’est durement fait ressentir sur les Palestiniens de Cisjordanie.

Aujourd’hui, mis à part le fait de faciliter les déplacements des personnes, les gouvernements israélien et jordanien ont un intérêt direct à s’entendre sur l’ouverture permanente du pont Allenby. L’intérêt bien compris de voir booster la circulation des marchandises, dynamiser le commerce et développer une coopération régionale. 

Enfin la médiation du Roi du Maroc a deux autres effets. Elle apporte deux démentis. 

D’abord, elle prouve, contrairement à ce qui a été perfidement colporté, que le Maroc, en signant les accords d’Abraham, n’a pas échangé la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats Unis contre un reniement de ses positions et principes dans la question palestinienne. Tout ce que le Maroc a accepté, alors que l’ex-Président Trump signait cette reconnaissance, c’est de rétablir ses relations avec Israël… Rétablir des relations qui existaient déjà et qui avaient été suspendues 20 ans plus tôt (en octobre 2000, suite à la Seconde intifada). Quant à la solution que défend le Maroc pour le conflit israélo-palestinien, elle n’a jamais changé, c’est la solution des deux Etats. 

Quant au deuxième démenti qu’apporte cette médiation maroco-américaine en faveur de l’ouverture définitive du pont Allenby, il est passé presque inaperçu. En effet, ceux qui pensaient que l’Administration Biden allait mettre en stand by –voire carrément enterrer- les accords d’Abraham et, avec eux, la reconnaissance par les Etats Unis de la marocanité du Sahara, ont eu la surprise de voir un Président Biden personnellement engagé dans la mise en œuvre de ces accords. Et même  souhaitant les étendre à d’autres pays, l’Arabie Saoudite en tête. 

Les détracteurs des Accords d’Abraham, donc, qui soutenaient que la reconnaissance américaine de la Souveraineté du Maroc sur le Sahara n’était qu’une fantaisie personnelle du Président Trump et non une décision d’Etat, se sont retrouvés face à ce démenti cinglant qu’est la commune médiation du Maroc et des Etats Unis, laquelle s’inscrit dans la droite ligne des Accords d’Abraham !

Pour de nombreux analystes, les actions et les annonces du Maroc, dans le dossier du Sahara comme dans celui du Moyen-Orient, ne s’arrêteront pas là.

Dernière preuve en date ? Juste après la bonne nouvelle de l’ouverture permanente du Pont Allenby, une autre est annoncée concernant le dossier du Sahara, celle-là. Ce 21 juillet 2022, le Togo devient le 26ème Pays à ouvrir un consulat Général au Sahara, Dans la perle du Sud qu’est Dakhla. No comment.

Bahia Amrani

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