Pêche artisanale : Après plusieurs morts en mer, le problème des centaines de barques qui opèrent sans licence de pêche inquiète…

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Comment font-ils pour pêcher, alors qu’ils n’ont pas de licence de pêche? Pourquoi sont-ils tolérés pour opérer dans la pêche artisanale alors que leur situation n’est pas réglée ? Selon des sources professionnelles, ils seraient des centaines de barques qui opèrent sans licence de pêche, à travers le pays. Il n’y a pas un chiffre exhaustif, mais dans les milieux de la pêche, on avance que des centaines de barques sortiraient en mer sans autorisation de pêche.

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Après plusieurs morts en mer, le problème des pêcheurs exerçant la pêche artisanale sans licence de pêche inquiète les professionnels de cette filière. L’incident tragique, qui a récemment coûté la vie à sept marins à El Jadida, a remis sur le devant de la scène la question de la sécurité des pêcheurs et les mesures prises par l’administration pour permettre à ces marins d’exercer leur métier sans mettre en danger leurs vies.
«Les dangers auxquels sont exposés les marins sont bien réels. Surtout qu’avec le phénomène des barques non réglementaires qui pullulent au niveau de certains ports, tout le monde pourrait s’improviser pêcheurs, de nos jours. Ce qui augmente encore les risques d’un incident dramatique en mer», souligne Abdelkader Sabar, président de l’Association des marins-pêcheurs de la pêche artisanale pour le développement à N’tirifat, un village de pêche à Dakhla. Il ajoute au passage que «le risque d’un naufrage d’une barque de pêche artisanale pourrait se poser même avec une licence de pêche. Surtout quand l’équipage n’a pas été formé sur la sécurité en mer».
Une des premières causes de danger pour les pêcheurs est liée à la difficulté de retrouver rapidement l’équipage des canots sinistrés en raison du manque de visibilité de nuit et du mauvais temps, explique  Lahcen Ikka, vice-président de la Confédération nationale de la pêche artisanale. Ce professionnel, qui opère à Tan-Tan, souhaite que les pêcheurs marocains soient équipés de dispositifs innovants et précurseurs, tels des gilets de sauvetage géo-localisable par les navires de pêche, afin d’assurer la sécurité du métier le plus dangereux au monde. Mais selon ce professionnel, ce n’est pas le seul moyen d’éviter des naufrages qui coûtent la vie aux pêcheurs. Le sujet des barques non réglementaires est considéré comme «prioritaire» par ce professionnel. «C’est un problème qu’il faut régler et très vite. Pour pouvoir assurer le contrôle du nombre élevé des barques exerçant au niveau des sites –qui peut atteindre jusqu’à mille barques par site-, il est nécessaire de renforcer les effectifs des agents de contrôle au niveau des délégations régionales de la pêche. Car, disons-le, il est impossible que cinq ou six personnes puissent garantir le contrôle de toutes ces barques », concède le vice-président de la confédération nationale de la pêche artisanale, révélant à l’occasion que le problème des barques non autorisées concernerait plusieurs ports du royaume.

1400 embarcations non réglementaires sortent en mer à Lassargua !

A Dakhla, pour ne citer que cette région, des témoignages concordants confient à Le Reporter qu’ils seraient des centaines de barques qui sortiraient en mer sans autorisation de pêche.  Nos sources, exerçant au village de pêche de Lassargua, évaluent le nombre de ces barques non réglementaires dans le village de Lassargua à quelque 1400 de barques. Elles seraient fabriquées dans des ateliers clandestins situés dans certains quartiers de la ville, déplorent nos sources, ajoutant qu’«en 2020, leur nombre était estimé à 800 canots non autorisées ».

A Dakhla, où le poulpe attise toujours les convoitises, le nombre légal est évalué à quelque 3280 barques qui exercent dans le segment de la pêche artisanale. Cependant, il existe un nombre non déterminé de barques clandestines qui s’activent dans la pêche illégale, et ce nombre ne cesse de croitre, souffle -sous couvert d’anonymat- un opérateur de la pêche artisanale de la région. Celui-ci tient à signaler à ce sujet que malgré le dispositif des puces ayant été installé sur les barques autorisées, celles non réglementaires peuvent toujours s’adonner à leur activité clandestine au vu et au su de tous. «Le ministère doit prendre au sérieux cette problématique, car le phénomène prend de l’ampleur », insiste ce même professionnel, qui espère que «l’administration ferait preuve de bonne volonté et accepte une méthodologie plus souple pour la régularisation de la situation des propriétaires de ces barques».

Au ministère de la pêche, on se veut ferme. «Parmi les propriétaires de ces embarcations non réglementaires, certains ont déjà bénéficié d’une indemnisation des autorisations des barques délivrées par la Wilaya de Dakhla-Oued Eddahab, en 2005», précise une source au ministère.
Pour les pêcheurs de la pêche artisanale, ne pas avoir de licence les oblige à arrêter leur activité ou pêcher clandestinement dans des points de débarquement, souligne un professionnel. Quand un bateau part en pêche, il doit avoir une autorisation de pêche, un registre dans lequel il certifie l’état de sa pêche et son équipage doit avoir un livret maritime. Ce sont ces documents qui sont demandés par l’administration, explique notre source. Elle ajoute au passage que les articles 33 et 34 du dahir 1973 stipulent que la personne s’activant dans la pêche non réglementaire et non autorisée doit être sanctionnée conformément à la loi.
Mais cela n’a pas empêché les propriétaires de ces barques de s’adonner à l’activité de pêche au vu et au su de tous. Ceux-là n’ont pas cessé de faire pression sur le ministère de tutelle pour qu’il cède à leur revendication de régulariser leur situation administrative. « Ils avaient tenu plusieurs sit-in pour interpeller l’administration pour la régularisation de leur situation », rappelle-t-on. Mais en vain. Le département de la pêche n’aurait pas cédé à leurs arguments, selon notre source au ministère. Pourtant, le nombre des embarcations non réglementaires opérant dans la pêche artisanale au niveau de la région de Dakhla totaliserait des centaines, soutiennent nos sources. Le village de N’tirifat, un autre point de débarquement à Dakhla, compterait, à lui seul,  500 barques exerçant sans licence, selon nos sources bien informées. « Ma barque est ma seule source de revenu. C’est en travaillant dans la pêche artisanale que je peux subvenir aux besoins de ma famille. J’ai toujours demandé à l’administration d’être autorisé à travailler. Mais on a refusé de m’octroyer une licence de pêche», regrette un pêcheur. Il reconnait à Le Reporter qu’«il a une barque non réglementaire et qu’il exerce cette activité depuis plusieurs années alors que sa barque n’a aucun matricule !».

Un pêcheur à Larache : « Cela fait dix ans que je revendique la régularisation de ma situation sans y parvenir »

A Larache, le problème «des barque sans licences» sévit aussi ! La pêche artisanale y est la première source de revenu pour plusieurs familles. Cette activité est pratiquée par 300 barques autorisées. Mais, à en croire les dires de nos sources, des dizaines d’embarcations non autorisées exerceraient actuellement la pêche artisanale au niveau des différents sites! Le Reporter a pu approcher des pêcheurs qui reconnaissent exercer leur métier dans le segment de la pêche artisanale sans licence de pêche. Certains d’entre eux avancent même que leur barque serait immatriculée à la délégation régionale de la pêche maritime de Larache. C’est le cas de Mustapha Mehdi, qui affirme que sa barque «Halim» est immatriculée à la délégation sous le numéro 1054 et qu’il a « tout fait » pour régulariser sa situation.  Cela fait dix ans qu’il revendique la régularisation de sa situation sans y parvenir, assure-t-il.  Mais « Jusqu’à présent, je n’arrive toujours pas à avoir ma licence de pêche pour exercer normalement mon activité», regrette Mustapha Mehdi, soulignant à l’occasion qu’il continue pourtant de sortir en mer. Ce pêcheur dit avoir bénéficié – avec 39 autres marins- d’une barque de pêche artisanale en 2012. Le nouveau lot de barques de pêche artisanale, ajoute-t-il, a bénéficié à des pêcheurs de la Coopérative «Lixos» et à des marins de l’Association «Al Khair» pour les œuvres sociales et les affaires des professionnels de la pêche artisanale de Larache.

Cette opération est le fruit d’un partenariat entre ces deux associations et l’INDH pour l’acquisition et l’équipement de barques de pêche artisanales dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) au titre de l’année 2012. Le financement de ce projet est supporté à hauteur de 70% par l’INDH, les 30%  restants étant à la charge de la coopérative «Lixos».

Son objectif principal est d’assurer la sécurité des canots et celle des pêcheurs. Mais, le projet, qui a été loué au départ par les marins, sera très vite contesté par certains pêcheurs. Certains d’entre eux vont même porter l’affaire devant la justice pour demander une enquête autour « des violations et des irrégularités » qui auraient accompagné le projet. C’est le cas de Mustapha Mehdi et d’un autre pêcheur qui accusent les présidents de l’association «Al Khair» et de la coopérative «Lixos» d’arnaque et d’escroquerie. Ils ont aussi contesté les montants réclamés aux pêcheurs lors de la réception de leur barque. «En tant que bénéficiaire de ce projet, chaque pêcheur devait payer 13.000 DH. Mais à la réception, on nous a réclamé un montant supplémentaire de 5750 DH. Ce que j’ai refusé car ce montant supplémentaire n’était pas prévu initialement dans la convention. On a refusé de me livrer le certificat de réception. Or sans ce document, à la délégation, on refuse de m’octroyer ma licence de pêche», explique ce pêcheur, ajoutant «qu’il n’a pas cessé de demander une copie de la convention initiale relative à ce projet ainsi que le cahier des charges. Car c’est la seule preuve de prouver les irrégularités ayant entaché ce projet. Mais en vain», souligne Mustapha Mehdi. Avant de conclure : «Le seul moyen d’action dont je dispose maintenant, c’est de poursuivre ma bataille devant la justice pour demander à ce qu’une enquête soit ouverte sur ce projet».

Naîma Cherii

 

 

 

 

 

 

 

 

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