Caisses à poisson : Pourquoi et comment est violé le pilier «Valorisation» de Halieutis…

Au port de M'diq, un centre de nettoyage des contenants normalisés a été créé mais il est en arrêt d'activité
- Publicité -

L’activité de nettoyage des caisses à poisson dans les ports marocains sera-t-elle confiée à une société privée qui ne dépendra plus de l’Office national de la pêche ? Le sujet est en tout cas au centre des discussions des professionnels de la pêche, qui déplorent bon nombre de violations au pilier «Valorisation» du plan Halieutis. Les détails.

- Publicité -

On ne parle pas beaucoup de cette activité, discrète mais indispensable dans les ports de pêche. Le lavage des contenants normalisés, introduits progressivement dans les ports marocains depuis 2011, ne serait toujours pas assuré de manière efficace, avancent des sources concordantes.

Mareyeurs, armateurs et pêcheurs –joints par nos soins-  évoquent un «certain nombre de ports» qui se retrouveraient privés de centre de nettoyage des contenants normalisés, utilisés pour conditionner la matière première fraiche ou surgelée. Ils ajoutent que dans d’autres ports, des stations auraient été créées mais sont encore à l’arrêt.

Les problèmes de plus en plus nombreux !

L’activité du  lavage des caisses à poisson sera-t-elle confiée à une entreprise privée qui ne dépendra plus de l’Office national de la pêche (ONP)? La question est en tout cas au centre des débats des professionnels de la pêche, qui évoquent un certain nombre de difficultés auxquelles sont confrontés les centres actuels de nettoyage dans l’ensemble des ports marocains.

«Les centres existants ne répondent plus aux normes sanitaires. Il y a un réel problème concernant la gestion de ces caisses réutilisables. Manque, caisses sales, non restitution par les mareyeurs de ces contenants normalisés, vol de caisses, caisses détériorées non remplacées… Bref, les problèmes sont de plus en plus nombreux. Ce qui va certainement impacter la qualité du produit sur les étals de nos marchés nationaux», concède une source à la Confédération nationale de la pêche côtière (CNPC). Celle-ci indique, à cette occasion, que le sujet figurait parmi les questions débattues lors de la dernière réunion du Conseil d’administration de l’ONP, tenue il y a 15 jours, sous la présidence du ministre de l’agriculture, Mohamed Sadiki.  Ce dernier aurait demandé à la directrice de l’ONP, Amina Figuigui de tenir une réunion «urgente» avec les armateurs pour débattre justement de ce sujet et autres, selon notre source à la CNPC, laquelle nous a confié que l’office pourrait déléguer l’activité de nettoyage des caisses réutilisables à une société privé.

Armateurs, mareyeurs et pêcheurs attestent

Dans le volet «Performances» du Plan Halieutis, lancé en septembre 2009, l’ONP a pris en charge la gestion du projet de mise en place des contenants normalisés au sein des ports du pays. Le projet d’introduction de ces contenants comprend quatre principaux axes: caisses en plastiques, machines de lavage, locaux de stockage, équipements de manutention, de logistique, de bureau et produits de nettoyage. Pour autant, le problème de la protection du poisson et de sa valorisation aura-t-il été réglé ? Certes non, selon les professionnels de la mer, approchés cette semaine.

«On travaillait avec les caisses en bois. Depuis dix ans, les professionnels utilisent des caisses en plastique. Mais le problème qui était posé avec les casiers en bois – qui n’étaient pas lavés- est toujours posé avec ces caisses normalisées», déclare Mohamed Safir, président de l’Association des mareyeurs grossistes à M’diq. Il souligne que dans ce port du nord, il n’y a pas un centre dédié au nettoyage des contenants normalisés. Au retour chez les mareyeurs, poursuit-il, les caisses sont très sales avec une odeur qui empeste. «La fraîcheur et la couleur du poisson dans ces caisses ne sont pas garanties. Étant donné qu’en l’absence d’une station de nettoyage, l’encrassement de nombreuses caisses à poisson est constitué de résidus de protéines et de graisses. A noter que l’élimination de ces matières demande deux modes de lavage à des températures différentes, ce qui n’est pas assuré pour le moment dans ce port», explique Mohamed Safir. Et ce vendeur grossistes d’ajouter: «il est impossible de parler de valorisation alors que les caisses à poisson ne sont pas lavées». Il fait savoir par ailleurs que le problème aurait déjà été signalé aux responsables de la région, mais rien n’a été fait à ce sujet. «Sur le terrain, le pilier «Valorisation» de Halieutis ne semble pas atteindre ses objectifs. Car les conditions ne sont pas réunies pour sa réussite, d’autant qu’il n’y a pas une politique d’accompagnement de ce projet pour assurer un lavage régulier des contenants normalisés», martèle ce mareyeur.

Un point de vue que partage également l’armateur Karim Lemrabet à M’diq. «Le port de M’diq connait depuis cinq ans une baisse des débarquements. Les sardiniers ramènent chacun 10 à 15 caisses de poisson. Le nombre des caisses n’est donc pas grand. Les pêcheurs peuvent les laver mais si le nombre des caissons était grand, ils ne pourraient pas tous les laver», explique cet armateur, qui évoque aussi 15 chalutiers qui ramènent, chacun, 90 à 80 caisses, soit quelque 1350 contenant normalisés.

Dans le port de M’diq, un centre de lavage des caisses à poisson a vu le jour mais n’a pas été mis en activité. Aucune caisse n’est passée sur sa chaine de lavage. Explications de Karim Lemrabet: Le centre ne répondait pas aux normes sanitaires qui relèvent des installations classées pour la protection de l’environnement. «Pour nettoyer les caisses, on utilise des produits chimiques dont le chlore. Ces produits allaient être versés directement dans le bassin portuaire de M’diq. Les associatifs locaux ont manifesté contre ce projet car le centre n’est pas doté d’une station d’épuration», précise l’armateur Karim Lemrabet, également membre du collectif marocain pour le climat et le développement durable. C’est ce qui explique, selon lui, l’arrêt de la station de nettoyage.

Ce problème de centres de nettoyage en arrêt concerne d’autres ports du Royaume, selon la CNPC. Cette instance professionnelle estime que les caisses réutilisables constituent une solution convenable pour les armateurs impliqués dans ce projet. «Dans le cadre de la stratégie Halieutis, il était question de généraliser les caisses en plastique à l’ensemble des bateaux de pêche. Ce qui devrait normalement contribuer à la valorisation du produit au niveau de tous les ports du pays», indique le SG de la Confédération Mohamed Allalou. Mais, s’interroge-t-il, «comment assurer la qualité du produit quand il n’y a pas un endroit où laver les caisses qui sont très sales?». «Même les ports les plus importants du pays connaissent ce problème. Au port d’Agadir ou encore de Safi, pour ne citer que ces deux ports, les centres de lavage des contenants normalisés sont dans un état pitoyable», soutient le SG, qui évoque aussi le problème «de caisses détériorées non remplacées».

Du côté de l’Association nationale des marins-pêcheurs au Maroc, on confirme également la gravité du problème. Son vice-président Aziz Belhaj n’y va pas par quatre chemins: «Dans les marchés populaires et hebdomadaires, les caisses à poisson sont mis n’importe où, sous la pluie et le soleil. Elles sont soumises à toutes sortes de «saletés et de microbes». Les caisses sont ainsi récupérées par les mareyeurs dans un état navrant. Et quand elles arrivent au port, ces caisses sont stockées dans des entrepôts parfois pendant plus d’un an sans qu’elles soient lavées.  Dés qu’on en a besoin, ces mêmes caisses vont être utilisées par les armateurs. Et si les pêcheurs n’ont pas de conscience professionnelle, le poisson va être mis dans ces mêmes caisses». C’est dire, pour le vice président de l’Association nationale des marins-pêcheurs, la gravité de la situation et la menace sur la santé du consommateur.

Naîma Cherii

 

- Publicité -

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here