Entretien avec Jawad Chami, Commissaire du Salon International de l’Agriculture au Maroc (SIAM)

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«Il y a un nouveau visage de l’agriculture qu’on voudrait mettre en avant»

 

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Pour commencer, quelles sont les nouveautés de la 14ème édition du SIAM?

Cette année, nous sommes en ligne directe avec le Discours royal prononcé en octobre 2018, dans lequel SM le Roi Mohammed VI a donné ses Hautes instructions concernant l’intérêt que doivent porter les autorités de tutelle et les professionnels aux questions rurales. Ces questions sont conjuguées, bien sûr, avec la jeunesse marocaine, pour sa formation qui doit être en adéquation avec les besoins de l’emploi, principalement agricole ou industriel et, par là, les  investissements dans les régions rurales et comment améliorer le revenu moyen de ces gens qui ont une responsabilité: celle de garder les territoires. Grâce à Dieu, au Maroc, nous avons encore une population rurale qui est importante et il s’agit aujourd’hui de conserver ce patrimoine humain dans la campagne. Car, le meilleur gardien depuis la nuit des temps a toujours été l’homme.

A  l’intérieur du Salon, il y a ce que j’appellerais un triptyque qui doit être mis en équation: les ressources humaines, les animaux et les territoires. Avec ces trois paramètres qui sont mis en équation, on devrait être capable de sortir le meilleur, en tenant compte, bien sûr, du développement durable, des énergies renouvelables et de tous les modèles de croissance qui s’imposent aujourd’hui à nous.

Cette année, nous avons passé une convention avec l’association des producteurs de produits biologiques, lesquels vont venir exposer sur un pavillon de plus de 500 mètres carrés. C’est vous dire qu’aujourd’hui, il y a en effet un nouveau visage de l’agriculture qu’on voudrait mettre en avant lors de cette nouvelle édition du SIAM, laquelle sera en phase avec la nouvelle thématique qui porte sur l’agriculture, l’avenir du développement rural et l’avenir de l’emploi en zones rurales.

C’est à cet effet que, cette année, nos amis suisses viennent en force. La Suisse, pays invité d’honneur du SIAM 2019, représente plusieurs intérêts pour nous et ce, pour tout ce qui est recherche et innovation. C’est aussi le pays qui a le revenu rural le plus élevé au niveau mondial. Les entreprises suisses sont très performantes par rapport à la valeur ajoutée dans la transformation des produits. Nous espérons justement pouvoir bénéficier de cette expérience dans nos échanges.

Le SIAM est devenu, au fil des ans, un rendez-vous attendu par les professionnels. Quels sont les facteurs qui ont aidé à son succès?

Le succès du Salon de l’agriculture est dû, d’abord et avant tout, à l’intérêt que porte le Royaume à ce secteur d’activité. Depuis l’indépendance du pays, la priorité de toutes les activités économiques a toujours été accordée au domaine agricole. Et ça continue, grâce à Dieu, avec SM le Roi Mohammed VI qui a été, d’abord, l’instigateur du projet et qui insuffle à ce projet l’énergie qu’il faut, de façon à ce que ce projet soit la véritable vitrine du patrimoine agricole marocain. C’est ce qu’on essaie de faire.

Vous savez, l’agriculture au Maroc est déjà chargée d’histoire. Je pense qu’à un niveau ou deux d’ascendance, les Marocains sont d’abord des agriculteurs. Il y a quand même une affection qui est particulière pour ce domaine d’agriculture. Je pense que, sans vouloir médire d’autres secteurs d’activité, il a une part d’activité qui est particulière. Quand on parle de salon d’agriculture, tous les Marocains se sentent concernés. D’ailleurs, on le voit très bien, surtout après les trois journées professionnelles: les vendredi, samedi et dimanche, il y a une grande affluence. Des gens qui n’ont absolument rien à voir avec l’agriculture viennent pour découvrir le salon.

Comme je l’ai souligné, le SIAM, c’est une initiative royale. C’est un ensemble d’acteurs qui multiplient les efforts pour sa réussite. Nous pouvons ainsi citer le Conseil d’administration du SIAM qui est formé de professionnels; lesquels sont là pour définir la stratégie et le positionnement du salon. Il y a aussi le ministère de l’Agriculture, avec le PMV qui a suscité l’intérêt et posé énormément d’interrogations aux gens. C’est là que les conférences et les rencontres, que nous avons d’ailleurs animées, ont suscité énormément de questionnements et de débats.

Cette année, la pluviométrie n’a pas été abondante. Est-ce que cela pourrait décourager les agriculteurs de venir au SIAM?

Au contraire. Je dois dire que c’est surtout une question de région. Il y a des régions où il a plu un peu plus que dans d’autres. Mais la pluviométrie, c’est une question de répartition sur l’année, plutôt que de quantité. Il se pourrait d’ailleurs qu’il pleuve durant les mois de novembre et de décembre. On peut avoir une pluie torrentielle pendant 15 jours, mais celle-ci peut ne revenir qu’au mois d’avril. Là, ce n’est pas bon pour l’agriculture. Par contre, il suffit qu’il y ait peu de pluie, mais bien répartie dans la durée. Dans ce dernier cas, on  peut avoir une récolte vraiment satisfaisante. Ceci dit, nous essayons aussi de communiquer sur le fait que l’agriculture, si elle ne peut pas être totalement indépendante de la pluviométrie, il y a quand même des méthodes qui permettent de ne pas être sous le «joug» de la météo. Aujourd’hui, il y a un certain nombre d’investissements qui sont opportuns. La première équation à résoudre, c’est justement celle du petit agriculteur, celui qui a quelques hectares et qui subit de plein fouet la sécheresse. C’est donc à cet agriculteur qu’on se doit d’apporter des réponses; et les réponses existent. On parle de l’agriculture de montagne, de celle des productions d’été qui peuvent s’orienter vers la consommation d’été, etc. Il faut dire qu’il y a des niches qui peuvent, aujourd’hui, se révéler particulièrement intéressantes pour nos agriculteurs.

Le SIAM 2019 se tient dans un contexte particulier. La 14ème édition est organisée dix ans après le lancement du Plan Maroc Vert. Que pouvez-vous nous dire de l’après-PMV 2020 et de la nouvelle stratégie pour le monde rural?

Je pense qu’il y a un certain nombre de points et d’actions qui n’étaient pas intégrés dans le premier plan et qui devraient être renforcés dans ce plan. Mais, je pense que les cadres supérieurs du département de l’Agriculture ont pris note d’un certain nombre de questions qui seront nouvelles. A noter que le Plan Maroc Vert a quand même apporté des chantiers très importants. Il y a quelques années, dois-je le souligner, certains membres de gouvernement disaient que le Maroc n’était pas un pays agricole. On revient donc de loin. Aujourd’hui, l’agriculture est en première ligne. On est vraiment content d’avoir des professionnels et des hommes publics qui, justement, ne ménagent vraiment aucun effort pour que l’agriculture garde toujours la dimension qu’elle avait dans notre pays.

Après 14 années de son existence, quelles sont les retombées du SIAM sur la région de Fès-Meknès?

C’est un événement qui devient, aujourd’hui, vital pour la région de Fès-Meknès. Les habitants de cette région attendent tellement, chaque année, cet événement. En ce moment, près de 2.800 artisans, qui sont principalement de la région, s’activent à l’intérieur du salon. Des peintres, des menuisiers, des soudeurs, des électriciens et des monteurs de chapiteaux ont acquis un savoir-faire au fil des années.  Les entreprises prestataires ont désormais l’habitude de recruter au niveau de Meknès. Car, elles savent qu’au fil des années, il y a un savoir-faire au niveau des habitants qui a été acquis. Le SIAM, aujourd’hui, par l’affluence des gens au niveau national et international, aide l’ensemble des hôtels des villes de Meknès, de Fès, d’Ifrane et même ceux de Rabat et de Khémisset, à faire le plein. C’est donc un vecteur touristique de premier ordre qui permet aux professionnels du tourisme de faire un chiffre d’affaires important, mais aussi aux familles. En effet, nous remarquons qu’il y a énormément de familles qui quittent leur domicile pour le louer pendant une semaine ou dix jours.

Quelles sont les autres retombées économiques?

Vous savez que si Sa Majesté a décidé que la région de Meknès accueille cet événement, c’est bien parce qu’elle a des atouts qui sont indéniables et qui sont des actifs certains. Ce potentiel que nous avons, c’est surtout des terres fertiles qui, grâce à l’eau, permettent aux gens d’investir vraiment dans le domaine agricole. Le SIAM est une vitrine d’inspiration, parce que nous essayons de reproduire des modèles de réussite que nous avons constatés ailleurs. Car, notons-le, il y a l’agriculture de montagne, celle des plaines, l’élevage, le maraîchage, l’arboriculture, etc. L’agriculture est un domaine qui est tellement vaste que les potentialités sont énormes. Dans la région de Meknès, nous avons vu énormément d’agriculteurs se professionnaliser et opérer des conversions de cultures qui leur permettent, aujourd’hui, d’engranger de la valeur ajoutée qui est très importante.

Le Salon, c’est aussi un moyen d’information. Le fait de regrouper l’ensemble de la famille au sein du SIAM permet aux agriculteurs d’être informés sur les avantages, les financements, les subventions et sur un ensemble de paramètres suscitant leur intérêt, de façon à pouvoir investir et aller de l’avant. C’est donc un véritable poumon pour la région qui se professionnalise. Nous avons d’ailleurs vu naître, par exemple, après le SIAM, l’agropole et ce, à quelques kilomètres de la ville de Meknès. Dans cette agropole, nous avons justement des industriels qui sont en train de prolonger leur stratégie sur le plan vertical. Ils ne se contentent pas de produire uniquement des matières brutes, mais d’aller au-delà et de faire de la transformation. Ce projet a donc des retombées positives certaines sur la région de Fès-Meknès et aussi sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que nous recrutons au niveau du SIAM près de 4.000 étudiants qui sont rémunérés et déclarés. Donc, chaque année, nous opérons des entretiens, principalement avec les facultés, les instituts de tourisme…  Nous donnons ainsi la possibilité aux jeunes d’acquérir, d’abord, une expérience et, ensuite, de pouvoir arrondir leur fin de mois.

Cette année, nous accueillons 400 associations et coopératives qui viennent de toutes les régions du Royaume. Pour certaines d’entre elles, elles atteigent jusqu’à 60% de leurs chiffres d’affaires annuels, réalisés durant la semaine du SIAM. C’est vous dire que ça devient vraiment un moment fondamental de leur stratégie. D’ailleurs, il y a les gens qui se bousculent au portillon pour avoir leur chance d’exposer au Salon. Si nous prenons le cas du machinisme agricole, pratiquement tous les opérateurs (98%) de ce secteur font, à l’occasion du SIAM, beaucoup d’offres, de remises, de promotions, etc. A noter qu’à cette occasion, au sein même du Salon, nous avons une banque au même titre que les banques qu’on peut trouver au centre ville. Vous déposez votre demande de crédit le matin, la banque se réunit en comité et, l’après-midi, on vous donne le bon d’enlèvement de votre tracteur ou de votre chariot. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, pendant la semaine du salon, se réalisent entre 30 et 40% du chiffre d’affaires du matériel agricole. Là, c’est vraiment quelques milliards qui sont engrangés. C’est vous dire comment les professionnels attendent cet événement; justement pour pouvoir remplir leur bon de commande. Et on peut continuer ainsi concernant les semences, les phytosanitaires, les engrais, etc.

 Interview réalisée par Naîma Cherii

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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