Protection des consommateurs : La grande énigme du projet de loi

- Publicité -

Publicité mensongère, services après-vente pas toujours au rendez-vous, dates de péremption trafiquées, produits frelatés, aliments impropres à la consommation, etc. Ces questions et autres continuent d’alimenter les débats des associations de protection de consommateurs, lesquelles ont célébré, récemment, la Journée nationale du consommateur.

- Publicité -

Les réclamations se chiffrent en milliers. Ce sont les associations de protection du consommateur qui reçoivent l’essentiel de ces plaintes. Ces dernières se rapportent aux litiges pouvant lier un consommateur à un fournisseur de produits ou à un prestataire de services. Tous les secteurs sont concernés par ces réclamations: télécommunication, banques, commerce, industrie, immobilier, produits de la pêche, agriculture…

Malgré l’entrée en vigueur, il y a huit ans, de la loi 31-08 qui met en place un cadre juridique de protection du consommateur, la situation n’est pas aussi reluisante. De nombreuses personnes ont été victimes d’intoxications, dues à la consommation de produits détériorés ou frelatés, sans avoir recours. L’on se rappelle encore l’affaire d’escroquerie à grande échelle qui, il y a près d’un an, a fait la Une des journaux. Elle concernait un réseau de vente de grandes quantités d’huile d’olive «frelatée» dans les villes du nord. Les procédés utilisés par certains commerçants sans scrupules «ne sont pas sans danger» pour la santé des consommateurs.

Après 10 ans de mise en vigueur de la loi 31-08, édictant des mesures de protection du consommateur, le débat sur la modification des dispositions de cette loi bat son plein. Ce nouveau texte prend en considération les recommandations de l’étude d’impact de l’écart existant entre le droit marocain et l’acquis européen, menée en 2018, dans le cadre de la coopération avec l’Union Européenne. Les mesures proposées par cette étude (financée par l’UE et conduite par un expert français) ont pour but d’améliorer la convergence de la loi n° 31-08 avec la réglementation européenne. Elles portent notamment sur l’interdiction des pratiques commerciales déloyales, les règles de formation et d’exécution des contrats, le renforcement de l’information précontractuelle et la garantie de l’effectivité du droit.

Le projet de loi sur la protection des consommateurs -porté par le département du Commerce et de l’Industrie- sera d’abord présenté au Secrétarit général du gouvernement (SGG), avant d’être débattu au Parlement. L’avant-projet a été validé par le ministère et devrait être soumis au SGG d’ici fin 2019, selon une source proche du dossier qui a requis l’anonymat.

Par ailleurs, interrogé sur ce projet de loi, le Directeur de la protection des consommateurs et de la qualité et du contrôle du marché, Mohamed Benjelloun, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

Qu’en pensent les consuméristes? La vision ministérielle est certes claire, mais les associatifs ne cachent pas leurs inquiétudes. Alors que le nouveau texte n’a pas encore vu le jour, les consuméristes se sont déjà positionnés. Ce projet reste pour l’instant entouré d’une grande énigme, selon des consuméristes interrogés sur le sujet.

«On doit normalement garantir plus de pouvoir d’achat et de pouvoir économique aux consommateurs marocains», lance une source à la Fédération nationale des associations de consommateurs (FNAC).  Il faut «donner aux Marocains la possibilité, sans être pénalisés, de changer rapidement d’opérateur de téléphonie, d’assureur, de banque, etc.», ajoute la même source, laquelle confie que les trois fédérations n’ont pas été associées à la préparation de ce projet de loi.

«Nous ignorons tout sur ce projet», déclare Wadii Madih, président de l’association «Uniconso Casablanca». Le ton de ce dernier prend une tournure plus corsée. «A aucun moment de la préparation de l’avant projet de ce texte, on nous a consultés, pour participer à son élaboration. D’ailleurs, aucune fédération n’a pu jeter un coup d’œil sur le projet», réagit-il à propos de ce projet. Et d’ajouter: «Il y a beaucoup de choses qu’on devrait pourtant voir dans ce texte, pour donner notre point de vue sur les dispositions à modifier».

Même son de cloche à la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC). Son président, Bouazza Kherrati n’y va pas, lui aussi, par quatre chemins. «Nous avons demandé au ministère concerné que le texte, avant d’être envoyé au Secrétariat général du gouvernement, soit d’abord adressé aux fédérations de consommateurs. Car jusqu’à présent, après près d’un an de préparation, cela n’a pas été fait», affirme-t-il. Et d’ajouter: «Le texte actuel a besoin d’être modifié. Cela fait dix ans qu’il a été promulgué, mais il n’est pas appliqué. Le nombre d’affaires soumises à la justice ne dépasse pas une quarantaine en 10 ans, soit une moyenne de 4 par an».

Le président de la FMDC a, par ailleurs, tenu à préciser que lorsque la loi 31-08 a été promulguée en 2010, elle était déjà désuète. «Le texte a été élaboré en 2000. Il a traîné pendant dix ans au niveau du SGG. Certes, la loi est sortie avec des nouveautés, mais avec plus de 45% des articles relatifs aux crédits. Comme si les crédits étaient une fatalité nationale», a-t-il lancé, non sans colère.

Dans son Discours du 20 août 2008, le Souverain avait appelé le gouvernement et le législatif à faire aboutir le code de protection du consommateur. Mais, 11 ans plus tard, ce code tarde à voir le jour. «Aujourd’hui, personne n’en parle. Pourtant, c’est là un texte très important. A l’image du Code de la route, ce Code a pour but de rassembler toutes les dispositions législatives sur la protection des consommateurs, dans un seul texte», souligne Bouazza Kherrati. A ce sujet, celui-ci s’est dit pessimiste. «Certes, on pourra un jour avoir un code de la consommation.  Mais pour cela, il faut certainement faire pression. Car il y a beaucoup de gens qui ne souhaitent pas que le Maroc ait ce code. Car, qui dit code de consommation dit ministère ou département chargé de la consommation. C’est-à-dire un ministère chargé uniquement du contrôle et du suivi du marché», a-t-il dit.

De son côté, Chamesseddine Maya, président de l’Association de protection des consommateurs à Safi, a lui aussi reconnu ne pas avoir encore lu l’avant-projet de la loi 31-08. «Certes, les déclinaisons du nouveau texte ont été présentées à l’occasion de l’ouverture officielle des journées nationales, le 13 mars dernier, à Marrakech. Les responsables au ministère de tutelle ont apporté un éclairage sur les droits des consommateurs, notamment en matière d’information. Mais nous n’avons pas encore reçu l’avant-projet pour formuler nos propositions», tient à préciser Maya Chamessedine.

En matière de dispositifs, indique-t-il, 27 guichets professionnels ont été mis en place au sein des associations de protection des consommateurs à travers le pays, pour recevoir les doléances et les plaintes des consommateurs. Actuellement, le département concerné attribue aux fédérations une enveloppe de 10 millions de DH par an, pour financer, entre autres, les guichets des consommateurs.

«Cette initiative de créer des guichets pour les consommateurs a pour but de renforcer la capacité des associations de protection du consommateur et à professionnaliser leurs méthodes de travail», souligne Maya Chamesseddine. Le rôle des associations, poursuit-il, se limite pour le moment à l’orientation, à la sensibilisation et à la médiation. Il est vrai que, depuis mai 2018, les associations de protection du consommateur actives dans ce domaine peuvent ester en justice, dans le cadre de la défense les intérêts des consommateurs. Mais, selon lui, ce n’est pas toujours facile. Il faut attendre plus de deux mois pour obtenir une réponse du département concerné.

Par ailleurs, notre interlocuteur rappelle que la loi 31-08, entrée en vigueur en 2011, met en exergue les droits fondamentaux du consommateur. Le texte prévoit de nombreuses obligations qui sont mises à la charge des entreprises, avec des sanctions pénales d’emprisonnement ou d’amendes assez élevées, en cas de violation des dispositions légales. Cependant, selon le président de l’Association de protection de consommateurs à Safi, beaucoup de gens ignorent leurs droits. «D’après une étude que nous avons réalisée, en partenariat avec le département de l’Economie et de la Gestion à la Faculté de Safi, nous avons constaté que les gens ne savent pas, par exemple, qu’il existe une Journée mondiale et nationale de la protection du consommateur. Ils ignorent tout sur la procédure qu’ils doivent suivre lorsqu’ils ont un problème avec un fournisseur», conclut-il.

 

 

- Publicité -

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here