Entretien avec Abbès Tanji, consultant, expert et ancien chercheur à l’INRA

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«La sécheresse de cette année aura un impact sur la production nationale»

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Selon vous, comment se présente la campagne agricole de cette année?

Les agriculteurs attendent toujours la pluie. La campagne agricole se déroule un peu difficilement, plus particulièrement dans les zones bour. Ces zones seront sinistrées cette année, notamment en ce qui concerne les céréales. L’année dernière a connu une très bonne campagne agricole. On a récolté 103 millions de quintaux. Il y a eu, certes, une petite rupture des précipitations. Mais finalement, la campagne agricole était très bonne. Rien que dans la Chaouia, par exemple, il y a eu 370 mm. Mais cette année, il faut noter qu’il y a un déficit pluviométrique.

Quel impact de ce déficit pluviométrique?

La sécheresse de cette année, c’est sûr qu’elle aura un impact sur la production nationale. On va certainement importer plus de céréales. Ceci dit, on voit déjà l’impact au niveau des zones arides. Certaines parcelles situées dans les zones de Rhamna, Abda, Haha et même au niveau de la Haute Chaouia sont déjà sinistrées. Il faut dire qu’il n’y a pas de végétation et il n’y a rien à récolter dans ces zones.

Quelles sont les cultures qui seraient plus menacées?

Essentiellement les céréales. L’impact de la sécheresse est net sur les céréales, mais aussi sur les parcours. Il n’y a pas assez de végétation à même de sauvegarder les animaux jusqu’à l’année prochaine. D’où la nécessité pour les gens de souscrire aux assurances et d’avoir une protection sociale contre les aléas climatiques, en général.

Le dernier rapport du CMC plaide pour une justice économique entre la ville et le monde rural. Qu’en pensez-vous?

D’abord, il faut signaler que la pauvreté touche pratiquement toutes les zones agricoles en milieu rural, que ce soit dans les zones bour ou dans celles irriguées. Avec le morcellement des terres et l’élevage, on a énormément éparpillé les parcelles. C’est très difficile de faire des revenus à partir de ces petites parcelles. Malheureusement, on a délaissé les producteurs dans les zones bour. Tout ce qui est zone bour a été marginalisé depuis très longtemps. Pourtant, ces zones constituent pratiquement plus de 90% de nos surfaces agricoles utiles. A noter que si on a récolté les 103 millions de quintaux, c’est bien grâce aux zones bour. Ainsi, quand celles-ci reçoivent des pluies, c’est toute l’économie du pays qui se porte bien. Mais on ne se rend pas compte de cela au niveau du gouvernement. Et il n’y a pas une politique agricole claire pour essayer de sauvegarder les différentes classes. D’ailleurs, c’est ce qu’on a toujours critiqué. Aujourd’hui, les agriculteurs, surtout les petits, n’arrivent pas à gagner plus d’argent. Finalement, avec toutes les politiques adoptées, on n’a pas encore créé une classe moyenne agricole qui peut soutenir et booster le secteur agricole dans le monde rural, lequel souffre, en effet, de la pauvreté. Faut-il le signaler, lorsqu’on parle de la pauvreté, c’est trois sur quatre qui existent en milieu rural.

Que pensez-vous de l’orientation donnée cette année à l’agriculture?

Il faut changer la politique suivie actuellement. On a marginalisé les céréales, les légumineuses, les cultures sucrières et celles oléagineuses. Il est donc temps de discuter et de se réunir pour établir une politique nationale. Il faut vraiment une politique pour les céréales, dont les cultures couvrent actuellement 5 millions d’hectares. On a besoin de produire suffisamment de céréales, au lieu de les importer. Parce que c’est facile de les importer que de produire sur place. C’est ce que pense le gouvernement, en tout cas. On est incapable de produire suffisamment de céréales, de légumineuses, d’huiles oléagineuses, etc. On a opté pour le chemin le plus simple et le plus court, c’est-à-dire importer tout ce qui nous manque. Normalement, pour élaborer une politique agricole concernant les céréales, par exemple, il y a cinq ou six grandes régions de céréales. On a besoin de six jours et, chaque jour, on peut se réunir dans une région. On peut ainsi élaborer un plan national céréalier qui pourra, certainement, encourager les agriculteurs à produire et à mettre des intrants, stocker le cas échéant et avoir un très bon prix.

Enfin, je dois souligner que le temps est venu de mettre à l’écart tout ce qui est bureaux d’études étrangers, en travaillant surtout avec les cadres et les chercheurs agronomes marocains, en vue d’élaborer cette politique agricole concernant les céréales, par exemple.

Les changements climatiques ne risquent-ils pas d’entraver la croissance du secteur agricole au Maroc?

Il est certain que le Maroc fait face aux changements climatiques. Et c’est certain qu’il y a un impact des changements climatiques. Mais cela n’empêche pas de penser à une politique agricole au niveau national, surtout lorsqu’on parle des zones bour. Il y a toujours moyen de s’adapter à ces changements. D’ailleurs, il y a des techniques agricoles et agronomiques. A citer, par exemple, la technique du «Zéro labeur», laquelle est une technique sur laquelle on a travaillé à l’INRA depuis les années 80. C’est-à-dire: semer sans labourer le sol. Car, plus on laboure le sol, plus l’humidité s’évapore et le sol se dessèche.

Entretien réalisé par Naîma Cherii

 

 

 

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