Entretien : Khadija El Madmad, Professeur de droit et directrice du Centre Unesco «Droits et Migrations» (CUDM)

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«Il faut dédramatiser la question de l’immigration»

Vous êtes auteure du livre «Asile et réfugiés dans les pays afro-arabes». Qu’est-ce qui vous a incitée à vous pencher sur ce sujet?

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Dans mon premier livre «Asile et réfugiés dans les pays afro arabes», j’ai montré comment on peut donner un exemple en ce qui concerne l’hospitalité et l’asile dans les pays riches qui, normalement, devraient contenir tous ces petits nombres de migrants. Car, malheureusement, il y a un rejet de l’autre dans ces pays.

Maintenant, le problème de la migration est un problème de tout le monde. Ce n’est pas un problème du Nord ou du Sud. C’est un peu plus notre problème à tous. Les personnes du Sud sont perçues comme des migrants qui envahissent le Nord. Mais ce n’est pas vrai. Surtout en ce qui concerne l’Afrique. Les migrants africains, c’est une toute petite minorité qui cherche à partir dans le Nord. La majorité  (80%) reste donc dans le continent africain. Même quand ils se déplacent, ils restent dans leur région. Et même ceux qui viennent au Maroc, ils restent chez nous. Il faut donc dédramatiser la question et travailler, société civile du Nord et du Sud, pour montrer que ce discours anti migrants et anti étrangers est très dangereux, aussi bien pour eux que pour nous. Quand on commence à bâtir les frontières (sociologiques, géographiques et culturelles), ce sont les guerres qui commencent. Aussi notre rôle, à nous universitaires et société civile, c’est de travailler ensemble pour montrer que les migrations ont toujours existé.

Au Maroc, par exemple, nous avons une tradition migratoire depuis l’antiquité. Nous sommes d’ailleurs le berceau de l’humanité. L’homo sapiens a été trouvé au Maroc. Nous sommes ainsi à l’origine de toutes les migrations, selon les dernières découvertes scientifiques. Par rapport aux autres pays européens, le Maroc a une politique généreuse en ce qui concerne la régularisation des immigrés. Et ça donne un modèle.

Que pensez-vous du Pacte mondial sur les migrations?

Le Pacte mondial sur les migrations, qui a été adopté à Marrakech, n’est pas obligatoire. Les Etats sont libres de l’appliquer. Il s’agit surtout de principes généraux ayant toujours existé dans toutes les sociétés. Ce n’est donc pas un document obligatoire. Juridiquement parlant, c’est ce que les juristes appellent une Déclaration. En tout cas, en tant qu’universitaires et journalistes, nous nous devons de promouvoir et d’expliquer le contenu de ce document. Cela dit, je pense que tout ce qui se passe maintenant, c’est pour détourner les gens des vrais problèmes. Les pays occidentaux ont à présent leurs propres problèmes économiques. Au lieu de régler ces problèmes, ils essaient de trouver un alibi dans le dossier de l’immigration. Or, ce n’est pas la migration qui est le problème. Ce sont surtout les problèmes des conflits armés, de la démocratie, de l’exploitation du Sud par le Nord qui se poursuit, etc.

La migration est-elle un droit? Peut-elle être encadrée par le droit international ?

Le droit de la migration, c’est la branche pauvre du droit. Elle n’est ni développée, ni connue. Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est que le droit des Etats (droit de contrôler, d’organiser, d’interdire les migrations…) s’impose de plus en plus. Ce droit est en train de prendre beaucoup d’ampleur par rapport au droit des migrants (droit de protéger). Il faut dire que le droit concernant la migration est maintenant à un moment vraiment critique. En tant que spécialiste dans ce domaine,  je dois dire que je suis très pessimiste. Ce droit est très fractionné, alors qu’il doit être un seul droit. Maintenant, avec ce désaccord entre le Nord et le Sud sur certains principes, ça va être encore plus fractionné. Alors, quel avenir? Je dirais que le devoir de tous, c’est le retour à l’humanité.

Propos recueillis à Marrakech par Naîma Cherii  

 

 

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