«Fermer les frontières n’est pas une solution et gérer les flux migratoires exige des actions collectives»
Le Maroc a co-présidé, avec l’Allemagne, le Forum mondial sur la migration et le développement, qui vient de clôturer ses travaux à Marrakech. Quel bilan faites-vous de cette présidence?
C’est un bilan largement positif. C’est la première fois qu’une expérience est menée par deux pays, un du Sud et l’autre du Nord. C’est une expérience menée dans le respect mutuel et dans la compréhension, pour convaincre ceux qui sont encore dans la réticence totale. Car, gérer les flux migratoires n’est plus l’affaire d’un seul Etat. Fermer les frontières n’est pas une solution. Cela peut être une solution provisoire. Mais il faut une approche globale de coopération, à la fois nationale via une politique nationale -comme le cas du Maroc qui a adopté une politique à partir de 2013- ou une politique régionale. Dans le cadre de cette présidence, le Maroc a fait un effort exceptionnel pour convaincre plusieurs pays d’adhérer à la réflexion et, éventuellement, d’être partie prenante pour gérer les flux migratoires. Ça devient de la redondance pour vous, en tant que journalistes. Mais je rappelle que gérer aujourd’hui les flux migratoires est l’affaire de tous les Etats. Ce n’est plus comme avant, quelle que soit la puissance d’un Etat. Mieux, la gestion du dossier de la migration n’est plus l’affaire d’une seule région ou d’un seul continent. C’est une nécessité globale qui exige une réaction et des actions collectives. Pour résumer, je dois dire que le bilan de la présidence du Forum mondial sur la migration et le développement est très positif. Ce Forum est un espace exemplaire. C’est le seul espace capable de réunir à la fois les gouvernements, les chefs d’entreprises, la société civile, les syndicats, les parties politiques et les experts, soit en tant que personnes, soit en tant qu’associations académiques, pour échanger, dans le respect mutuel, sur la migration. C’est aussi grâce à cet espace du Forum mondial sur la migration et le développement que les Nations Unies ont accepté de faire un pas décisif et historique, en considérant la migration comme un facteur de développement et non un élément de déstabilisation des pays.
Quelles sont les principales propositions transmises, à travers ce Forum, au Pacte mondial sur la migration?
Le Pacte mondial sur la migration, comme vous le savez, a démarré officiellement, au niveau de la réflexion et au niveau de la rédaction, à partir de 2016 par la Déclaration de New York sur les immigrés et sur les exilés. C’est un tournant historique qui a permis de dépasser un blocage psychologique, politique et organisationnel. Ainsi, quel que soit leur positionnement, leur situation économique ou leur appartenance géographique, les Etats ont échangé dans le respect mutuel, pour trouver un élément de référence, lequel va permettre une collaboration entre les pays -ce qui n’était pas le cas avant- et dire: attention, il n’y a que le partenariat pour gérer les flux migratoires. C’est ce qui va permettre de se positionner. Sinon, on laissera le champ libre à ceux qui utilisent, malheureusement, les flux migratoires à des fins à la fois inhumaines et purement commerciales.
Quant aux propositions transmises à travers ce Forum, il y en a plusieurs. Parmi les plus importantes, il y a lieu de souligner l’implication du secteur privé. Chaque pays doit avoir une politique nationale, comme c’est le cas au Maroc. Car, cette politique nationale résoudra un vrai problème: le passage d’un immigré clandestin à un immigré reconnu sur le plan juridique. Une reconnaissance qui va ainsi lui permettre d’avoir accès à ses enfants, d’être accepté dans le système scolaire public, d’avoir accès au logement, etc. Il s’agit de changements qui peuvent être, pour les observateurs, de simples détails secondaires. Mais ils sont un passage obligé pour une intégration et une reconnaissance des immigrés.
Quel apport pourrait avoir, pour le Maroc, l’organisation du Forum mondial pour la migration et le développement et la Conférence internationale sur la migration?
C’est d’abord une reconnaissance. Le Maroc, grâce à SM le Roi Mohammed VI, a adopté, en 2013, une politique migratoire à la fois humaniste, globale et réalisable. Nous avons franchi plusieurs étapes importantes. Il y a eu un consensus autour de cette politique, laquelle a permis au Maroc de se positionner au niveau international, d’anticiper, de participer et d’être un leader en la matière. Aujourd’hui, on est reconnu en tant que pays -peut être avec peu de moyens- capable d’avoir une volonté politique à même de faire face aux problèmes de demain, qui sont posés aujourd’hui. Sachant que, parmi les problèmes gravement posés, il y a le déplacement des êtres humains.
Entretien réalisé à Marrakech par Naîma Cherii