Dans la commune rurale de Tizi n’Test, dont la faille géologique est désormais déclarée à l’origine du tragique séisme du 8 septembre 2023, «la reconstruction se fait toujours attendre par des familles rescapées du séisme. Le Reporter a approché cette semaine certains d’entre ces survivants toujours sous des tentes. Les détails.
Deux ans, jour pour jour, se sont écoulés après le tremblement de terre qui a secoué le Haut-Atlas, faisant près de 3000 morts, 5500 blessés et causant l’effondrement de quelque 60.000 habitations.
Dans la commune rurale de Tizi n’Test, dont la faille géologique est désormais déclarée à l’origine du tragique séisme, selon une étude internationale réalisée en mars 2025, la reconstruction se fait toujours attendre par des familles rescapées du séisme.
Des survivants, ayant perdu leurs habitations dans le grand tremblement de terre, vivent encore sous des tentes, dans des conditions pénibles et inhumaines. Alors que le froid approche, leur situation devient de plus en plus précaire, en attendant un logement qui tarde à venir dans cette zone de la province de Taroudant.
Ces derniers jours, des vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux, décrivant la situation pitoyable de ces familles dont les tentes ont été envahies par les pluies qui se sont abattues il y a quelques jours sur ces zones montagneuses, provoquant l’effroi et l’indignation sur le net.
Omar Mezouadi, un habitant du village Taoyalt, dans la commune de Tizi N’Test, nous éclaire sur la situation actuelle des sinistrés. Dans ce village, dit-il, il y a encore des gens dans des tentes qui n’isolent ni de la chaleur ni du froid. Les conditions de vie y sont très difficiles en hiver comme en été.
Pourquoi, le relogement de ces sinistrés n’a-t-il pas encore eu lieu? «Au début, les autorités ont dit aux gens qu’ils devaient reconstruire dans une autre zone. Mais faute de trouver des terrains sur lesquels la reconstruction allait se faire, les rescapés avaient été informés que la reconstruction allait finalement se faire sur le même site», précise Omar Mezouadi.
Selon ce dernier, les autorisations de construire et les plans avaient été délivrés aux sinistrés une année après la catastrophe. «Cela a beaucoup trainé. Les gens n’ont commencé à reconstruire que depuis quelques mois. Pour certains d’entre eux, qui n’ont pas leur propres moyens financiers, ils devaient attendre d’obtenir l’aide financière de l’Etat. Ils n’ont pas tous achevé de reconstruire leur logement. C’est ce qui explique d’ailleurs que plusieurs bénéficiaires n’ont pas encore achevé les travaux de reconstruction, et qu’ils vivent toujours sous des tentes», explique encore Mezouadi
Notre interlocuteur évoque une autre catégorie de sinistrés vivant toujours dans des abris de fortune : ceux qui n’ont pas bénéficié de projets de reconstructions. «Ces gens n’ont profité ni d’aides financières mensuelles (2500 dirhams), ni d’aide publique pour la reconstruction (140.000 dirhams), ni d’aide pour les travaux de réhabilitation (80.000 dirhams). Et si l’Etat ne fait rien pour eux, ils risquent de rester dans les tentes jusqu’à dix ans voire plus», déplore Omar Mezouadi, originaire du village Taoyalt.
Taoyalt ou encore Agard, deux village de la commune de Tizi N’Test, situés à 2100 m d’altitude, ne s’en sont pas bien sortis du tragique séisme d’Al Haouz. Dans ces deux douars difficiles d’accès, les principales activités sont l’agriculture et l’élevage. Mais les terrasses agricoles ont été emportées par le tremblement de terre, tout comme le bétail.
Le Reporter y a approché cette semaine des survivants encore réfugiés sous des bâches en plastique depuis maintenant 24 mois. L’hiver approche à grands pas. Les températures négatives et les pluies inquiètent déjà les occupants de ces tentes.
«Nous sommes là depuis deux ans. Nous n’avons bénéficié ni d’aides mensuelles ni de projets de reconstruction. Ma femme est enceinte. Les conditions sont difficiles. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je ne comprends pas pourquoi on m’a exclu de ces projets de la reconstruction. Pourtant, j’ai perdu ma maison et j’ai été recensé», témoigne à Le Reporter Rachid Harate, un habitant du douar Taoyalt. Il ajoute : « Je ne demande pas l’impossible, juste ce que le Souverain avait ordonné».

Agard est un autre douar non loin du village Taoyalt. Tayeb Hicham, un habitant de ce village, semble résigné : «après la catastrophe, j’ai perdu ma maison. Je n’ai plus rien. J’ai été recensé mais mon fils (père de quatre enfants) qui a également perdu son domicile, n’a pas été recensé», témoigne Tayeb Hicham.
Il poursuit, la voix chargée de frustration: « Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas encore bénéficié des projets de reconstructions. Le froid va bientôt s’installer dans ces montagnes. Il y a quelques jours, il y a eu des pluies, mais que vous voulez-vous que je fasse? Je serai encore dans cet abri de fortune. Je n’ai pas une autre alternative. D’autant que je n’ai aucun revenu. L’aide mensuelle de 2500 dirhams m’a été versée une seule fois, au tout début. Mais cette aide a été suspendue», dit encore cet homme de 70 ans.
Zohra El Ajji, une autre habitante du douar Agard, a également voulu faire entendre son cri. «Cela fait deux années que nous vivons, moi et mon frère (non voyant) sous cette tente. La vie y est très difficile et les averses empirent vraiment les conditions ici. D’ailleurs, il y a quelques jours, des précipitations se sont abattues sur la région. Le plus important maintenant c’est de pouvoir se protéger du froid. Car la nuit, le froid est saisissant dans cette zone», déplore auprès de Le Reporter Zohra El Ajji (53 ans). Elle affirme, qu’elle et son frère, n’ont pas bénéficié de projets de reconstruction. Pourtant, elle dit qu’elle a été recensée avec son frère.

Du côté du gouvernement, on annonce des chiffres «rassurants». «46.650 familles ont pu finir les travaux de construction et de réhabilitation de leurs habitations». «Le nombre des tentes est passé de 129.000 à 47 actuellement, qui devraient être totalement démantelées au mois de septembre», selon la même source.
Ce que contestent fortement plusieurs voix qui appellent à accélérer la reconstruction des logements et à envoyer une mission d’investigation dans ces zones endeuillées.
Houcine Mashat, membre du secrétariat de la Coalition civile pour la montagne (CCM), ne cache pas sa colère face à la situation des rescapés et des zones sinistrées. «Il ne faut pas mentir aux Marocains», dit-il fermement.
«La situation n’est pas encore résolue contrairement au discours officiel», dit-il. Il ajoute que « plusieurs sinistrés n’ont pas été recensé et donc ils n’ont pas bénéficié de projets de reconstruction. C’est ce qui explique qu’ils sont toujours dans des tentes».
Selon Mashat, qui critique la gestion de ce dossier, les points où il y a encore des tentes sont nombreux. Dans des zones comme Asni, Ijoukak, Talat N’Yaaqoub, Ighil, Tizi N’Test ou encore Aghbar, des familles vivent encore sous le plastique, ajoute-t-il. «Que les responsables viennent donc voir la réalité dans ces zones, et voir comment vivent les gens qui ont tout perdu, leurs maisons et leurs biens, mais qui vivent toujours sous des tentes», déplore Mashat.
Naima Cherii