Elle est morte à l’âge de 22 ans. Elle voulait juste se promener à Téhéran. Elle
avait bien un foulard sur la tête. Iranienne Kurde, elle connaissait les règles de
son pays et de ses dogmatiques dirigeants. Mais… Satané foulard, il a glissé…
Et, horreur, malheur, un peu de cheveux est apparu. Juste un peu, mais assez
pour qu’elle en meure 3 jours plus tard !!!
Tel a été le sort de la toute jeune Mahsa Amini… Son incroyable, sidérante,
révoltante et tragique histoire.
Que s’est-il passé ?
Alors que, grand sacrilège, sa mèche rebelle s’exposait à tous les regards, ceux
de la police des mœurs se sont posés dessus. Les zélés agents n’ont fait ni une ni
deux, Mahsa Amini est arrêtée pour «tenue inappropriée», conduite en garde à
vue dans leurs locaux dont elle ne sortira que les pieds devant le surlendemain.
Les défenseurs de Mahsa Amini disent qu’elle a été brutalisée.
Les autorités iraniennes rétorquent qu’elle a succombé à une crise cardiaque.
Bien sûr, savoir les causes de son décès est important.
Mais la grande question est moins de savoir comment elle est morte après son
arrestation, que de savoir –d’abord- pourquoi cette arrestation ?
Comment, presque tout le premier quart du 21 ème siècle écoulé, on peut encore
verbaliser et incarcérer une femme, parce qu’une mèche de cheveux a glissé de
sous son foulard ?
Comment des lois pareilles peuvent-elles encore exister et des forces coercitives
étatiques mobilisées pour les appliquer, à l’ère du village planétaire, des NTIC
(nouvelles technologies) et de l’IA (intelligence artificielle) ?
A l’ère des grandes libertés…
Et, surtout, cette question qui nous taraude depuis que les extrémistes religieux
sont sortis de la pénombre de leurs lieux de prière pour se mêler au grand jour de
politique et de gouvernance… Cette question donc: en quoi les cheveux des
femmes portent-ils atteinte à la foi ?
Cette foi, notamment la foi des hommes, est-elle à ce point fragile qu’un seul
regard croisant des cheveux féminins la déstabilise ?
Certes, les puristes nous diront que du temps des prophètes, hommes et femmes
se couvraient les cheveux (couvrir les cheveux n’est pas seulement un acte
islamique. Il est aussi chrétien et hébraïque. Voile, turban, chapeau et kippa,
partent du même principe).
Le fait est que les siècles ont passé. Les mœurs ont changé. Ce n’est pas renier
sa religion que de s’adapter à son «temps». Même l’Islam prévoit l’«Ijtihad».
Mais, allez expliquer aux dirigeants iraniens qu’aujourd’hui, la foi ne tient pas
aux habits qu’on porte, mais aux valeurs qu’on porte.
On ne compte plus les manifestations dans le pays depuis la mort de Mahsa
Amini. Du Kurdistan iranien, d’où est originaire la jeune fille, à la capitale,
Téhéran, en passant par une trentaine de villes, les femmes se coupent les
cheveux et brûlent leur foulard en public, n’en pouvant plus de vivre comme au
Moyen âge.
Au lieu de répondre à cette colère par des gestes d’apaisement, les forces de
l’ordre tirent sur la foule à balles réelles jonchant les rues de cadavres et
multiplient les arrestations parmi les survivants.
Comment ne pas se solidariser avec ces Iraniennes et les Iraniens qui les
soutiennent ?
Oui. Nous, qui réalisons la chance d’être dans un pays où nous pouvons nous
coiffer et nous habiller comme nous le souhaitons, nous couvrant ou ne nous
couvrant pas les cheveux, sans risquer d’être jetés dans les geôles pour ça, nous
ne pouvons que ressentir le malheur de ces manifestantes, inversement
proportionnel à notre bonheur…
Oui. Nous ne pouvons que nous solidariser avec elles, avec Masha même dans
un geste posthume.
Se couper les cheveux, ou juste les laisser libres… Nous ne pouvons rien faire
d’autre pour elles, en signe de solidarité… Si ce n’est d’en parler.
Peut-être que leur détermination et l’écho que nous autres donnerons à cette
détermination, feront leur effet…
Bahia Amrani