Nous y voilà. Le ministère de tutelle n’a pas flanché. Les élections se tiennent à la date prévue sans que la crise sanitaire n’ait rien changé au calendrier initialement fixé.

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Ainsi, ce mercredi 8 septembre 2021, près de 18 millions de Marocains sont appelés aux urnes, même s’ils doivent composer avec un certain nombre de… «1ère fois». 

La 1ère fois qu’on vote au Maroc un mercredi. Jusque-là, toute élection avait lieu le vendredi. Ce qui permettait aux électeurs -entre vote, prière du vendredi et autres prétextes de circonstance- de s’accorder un long week-end qui n’inclut pas toujours, en réalité, le passage par le bureau de vote…

La 1ère fois également que les électeurs sont appelés à voter en même temps pour leurs représentants aux communes et régions et pour leurs représentants au Parlement. Le Maroc «s’américanise» dans sa démarche en proposant tous les votes en une seule fois, avec l’espoir que ceux qui votent aux communales –et qui sont généralement plus nombreux- soient amenés à booster le taux de participation des législatives, puisqu’il leur sera remis des bulletins pour choisir à la fois l’élu local et l’élu parlementaire.

La 1ère fois enfin que des élections se passent dans un contexte spécial où – restrictions Covid et couvre-feu obligent- ni grands rassemblements ou harangues de foules, ni banquets, ni tournées nocturnes, ne sont autorisés… 

D’où le spectaculaire recours au digital. Plateformes institutionnelles, réseaux sociaux, presse électronique, voire blogs… Tout, sur la toile, s’est transformé en rings de compétition entre candidats, partis politiques, supporters, détracteurs…

Matraquages incessants. Batailles sans merci. Parfois accusations graves… On aura tout vu.

Tout ceci convaincra-t-il les électeurs à aller voter ? 

Car c’est bien là, semble-t-il, la question centrale. Quoique…

En effet, il ressort de tous les discours que la question centrale est celle de la participation. Non pas la participation des partis politiques –ils sont plus d’une trentaine en lice- ni celle des candidats aux différents sièges –ils se comptent par milliers (6.815 aux législatives et 167.461 aux communales et régionales) – mais la participation des électeurs.

Certes, l’importance de la participation est indéniable. Plus la participation des électeurs au vote est importante, plus la légitimité des élus est grande et donc opposable au reste de la population. Sinon, le pays se retrouve gouverné par ceux qui ont obtenu le plus de voix, oui, mais avec un pourcentage infime de votants (infime par rapport au nombre d’inscrits sur les listes électorales) et un pourcentage infime de citoyens (infime par rapport au nombre de citoyens que compte le pays). 

Si dans un pays de 30 millions d’habitants ayant une liste électorale de 15 millions d’inscrits, seuls 5 millions parmi eux votent et que le parti gagnant obtient 2 millions de voix, ce parti (avec ses 2 millions de voix seulement) devient bel et bien le 1er parti du pays et gouverne les 30 millions de citoyens en prenant la tête de l’exécutif conformément aux dispositions de la Constitution (Article 47: «Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats») ! 

C’est bien ce qui s’est produit au Maroc aux deux dernières élections législatives (pour ne prendre que les années les plus récentes). Le PJD (Parti Justice et Développement, islamiste) n’a jamais dépassé les 2 millions de voix, mais il a dirigé la Majorité gouvernementale pendant 10 ans (2 mandats successifs, de 2011 à 2021).

Espérer qu’il y ait cette année un prodigieux et soudain engouement pour les urnes reste hypothétique, voire illusoire. Malgré tous les efforts déployés par l’Etat pour encourager au vote et les campagnes de sensibilisation qui se sont enchaînées dans tous les médias depuis plus de deux mois, il n’est que de descendre dans la rue pour réaliser que le scepticisme, la défiance et parfois tout simplement le désintérêt, continuent de dominer…

Dans toute élection (comme dans la vie de tous les jours, d’ailleurs), la règle est simple: s’il n’y a pas d’enjeu, il n’y a pas d’action.

Or, mis à part ceux qui soutiennent un parti ou une personne en particulier (militants, sympathisants et nouveaux convaincus), nombreux sont ceux qui ne voient pas d’intérêt personnel à aller voter pour tel ou tel. Il arrive qu’ils ne sachent même pas qui sont ceux qui briguent un siège dans leur commune ou sollicitent leur voix pour les représenter au Parlement. Dans leur bouche, revient souvent cette phrase qui tue: «Pourquoi voter pour eux ? Ils ne font rien pour nous. C’est pour leurs propres intérêts qu’ils se battent. Nous, on ne devient importants à leurs yeux qu’au moment des élections».

Les acteurs politiques sont tous conscients de cela. Aussi, la question centrale n’est pas véritablement la participation au vote, mais la part de voix à remporter quel que soit le pourcentage de participation.

Cela se traduit, chez les partis politiques en lice, notamment ceux du peloton en tête (PJD, RNI, Istiqlal, PAM, USFP, PPS, MP, UC), par une simple course au meilleur classement. Tandis que deux ou trois partis tentent d’arracher la 1ère place, d’autres espèrent seulement être classés parmi les 5 premiers pour pouvoir intégrer le Gouvernement et négocier le nombre et l’importance des portefeuilles à obtenir.

Pour tout dire, le réel enjeu de ces élections de 2021, c’est la question de la reconduction ou non des islamistes du PJD à la tête du Gouvernement.

Le PJD se bat de toutes ses forces pour rempiler encore une fois (ce serait un 3ème mandat de 5 ans !). Mais quelles sont ses réelles forces, compte tenu de ses divisions internes, de son image écornée par plusieurs scandales aux antipodes de son référentiel, et de tous les déçus de sa gestion qui n’ont pas vu se réaliser les promesses mirobolantes qui leur avaient été faites ?

Les autres grands partis, eux, jettent toutes leurs forces dans ces élections afin de doter le Maroc d’un Gouvernement d’alternance qui mettrait fin aux dix années de leadership du PJD. La compétition est rude –pour la 1ère place- entre le PJD, le RNI, l’Istiqlal et le PAM. Réponse le 8 septembre. Mais une grande majorité de la population attend le changement.

Bahia Amrani

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