Enseignants contractuels : Le grand cafouillage du gouvernement

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Pas de solution, pas d’arrêt des mouvements de protestation. C’est le refrain qui semble guider les enseignants contractuels qui restent sceptiques. En plus de déplorer une situation de crise qui persiste, ces derniers accusent le gouvernement d’induire en erreur l’opinion publique. Les détails.

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Cinq jours après leur mouvement de protestation à Rabat, les enseignants contractuels brandissent toujours le drapeau de la manifestation, en décrétant une quatrième semaine de colère pour exprimer leur «refus des mesures émises par le ministère de tutelle, concernant la mise en place d’un nouveau statut» et réclamer des contrats permanents.

C’est dans ce cadre que, ce jeudi 28 mars, les 70.000 professeurs contractuels se donnent rendez-vous devant les Académies de l’enseignement, dans les différentes régions du pays, fait savoir Khadija El Bakkaye, membre du Conseil national de la Coordination nationale des enseignants contractuels. Et, à compter de la semaine prochaine, affirme l’enseignante, sera lancée une nouvelle grève.

Du côté des syndicats, on se dit également en colère contre le département de l’Education. Cette semaine, les cinq principales centrales syndicales de l’enseignement ont d’ailleurs entamé (26 mars) une grève de trois jours pour déplorer le système des «enseignants contractuels» et déplorer l’intervention «musclée» des forces de l’ordre (samedi 23 mars) pour disperser le sit-in tenu devant le Parlement par les enseignants contestataires. Ce même samedi, les syndicalistes ont participé à une marche nationale de la Coordination des professeurs contractuels, contre le recrutement par contrat.

Ce mouvement de protestation s’est tenu la veille d’un autre mouvement organisé par la Coalition marocaine pour la défense de l’enseignement public, dimanche 24 mars, devant le siège du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

Cette mobilisation des professeurs contractuels se poursuit, après que les académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF) ont menacé de considérer l’absence des manifestants comme un abandon de poste. Selon des sources au sein des enseignants contractuels, qui ont exclu toute possibilité de dialogue avec le département d’Amzazi, la coordination envisage de poursuivre sa lutte en organisant d’autres sit-in et des marches, pour réclamer le statut de fonctionnaires au sein du ministère de l’Education nationale et protester contre la politique de «recrutement par contrat (CDD), en vigueur depuis 2016».

«On ne peut pas croire en les promesses du ministère. Surtout après l’intervention très violente des forces de l’ordre lors de notre sit-in devant le parlement, samedi dernier. Nous ne sommes pas convaincus que le gouvernement veut assumer sa responsabilité et ouvrir avec nous un dialogue à même de répondre positivement à nos revendications», déclare au Reporter, ce mardi 26 mars, Khadija El Bakkaye.

En plus de déplorer une situation de crise qui persiste, les enseignants contractuels accusent le gouvernement d’induire en erreur l’opinion publique. «On est devant un grand cafouillage», souligne l’enseignante Khadija El Bakkaye. Selon elle, «certaines dispositions prévues par le gouvernement dans son contrat avec  les enseignants n’ont pas été respectées». Dans ce contrat, dit-elle, il est souligné, par exemple, que les enseignants contractuels doivent bénéficier de sessions de formation, pour renforcer leurs compétences dans le métier d’enseignement. Or, soutient Khadija El Bakkaye de la promotion 2017, ce n’est pas toujours le cas. «En tout, notre promotion de 2017 n’a bénéficié que de trois jours de formation», affirme-t-elle.

Pour une source à la Fédération des associations de parents d’élèves, c’est la mise en évidence d’un vrai cafouillage de l’Exécutif. «Comment voulez-vous que le professeur contractuel puisse donner le meilleur de lui-même à l’élève, s’il n’a pas profité d’une formation de plusieurs mois et d’un accompagnement pédagogique», déplore notre source qui met en cause la qualité de l’enseignement au Maroc. «Depuis un certain temps, les parents d’élèves s’inquiètent beaucoup de la qualité de l’enseignement dans l’école publique», regrette notre interlocuteur.

Cette question de formation est aussi au cœur des débats au sein des syndicats de l’enseignement, explique un syndicaliste. Pour le ministère de l’Education nationale, souligne ce dernier, le recrutement par voie de contrat semble être une solution des problèmes causés par le grand manque d’enseignants enregistré, notamment dans certaines disciplines. Mais, ajoute-t-il, ce département fait face, actuellement, à de grands problèmes, dont des classes surchargées et une inquiétude des parents d’élèves à cause de la qualité de l’enseignement dans l’école publique.

«Le gouvernement a mal géré ce dossier des enseignants stagiaires», souligne le même syndicaliste. Et d’ajouter: «Les syndicats avaient déjà fait part de leurs réserves et de leur inquiétude quant à la formation que ces enseignants stagiaires auraient reçue depuis le début de leur stage». Pour notre source, il y a eu improvisation en matière de recrutement par voie de contrats de ces enseignants, dont le niveau de compétence, dit-elle, reste malheureusement très bas,

Notons, par ailleurs, que le tollé provoqué au sein des enseignants contractuels a également semé la confusion, concernant «la stabilité de ces professeurs recrutés par contrats».

«L’Exécutif persiste à faire signer à ces diplômés des contrats. Or à n’importe quel moment, ces professeurs contractuels peuvent être licenciés. C’est ce qui fait naître un sentiment d’instabilité chez ces enseignants, contraints de vivre la précarité du travail avec l’Etat», fustige un autre syndicaliste. C’est pourquoi, conclut-il, les centrales syndicales ont exprimé leur refus de cette formule de recrutement par contrat. «L’enseignement a besoin de stabilité. Or, si le professeur en question ne rejoint pas son poste de travail dans les cinq jours après sa nomination, le contrat est automatiquement annulé». indique-t-il.

Il n’y a aucune stabilité pour les enseignants contractuels, souligne, amèrement Khadija El Bakkaye, membre du Conseil national de la Coordination nationale.  «Nous n’avons droit ni à la titularisation, ni à la promotion, ni à la retraite… Et à tout moment, on peut être licencié sans préavis, ni indemnités. En cas d’absence non justifiée, une requête administrative est envoyée à l’enseignant contractuel au bout de 48 heures dans les villes et de 72 heures dans les zones rurales», explique El Bakkaye.

Autre cafouillage selon l’enseignante, qui évoque plusieurs violations commises par les AREF. Jusqu’à la troisième semaine de leur grève, souligne El Bakkaye, les enseignants contractuels n’ont reçu aucun avis pour rejoindre leur poste. «Depuis le début de la mobilisation, les directeurs des AREF envoient chaque jour leur rapport mentionnant le nombre des enseignants en grève. Mais ce n’est qu’après plusieurs jours que les AREF ont commencé à envoyer aux grévistes des avertissements. Où étaient donc ces académies quand nous avons manifesté pendant plus de deux semaines?», s’est interrogée l’enseignante, avant de conclure, non sans colère: «Les académies ont fait appel à d’autres enseignants. Or la loi interdit de sanctionner les manifestants».

La polémique autour de la question des enseignants contractuels a également semé la confusion au sein des partis politiques. Au début de cette semaine, le gouvernement a été taclé par le SG du PI, Nizar Baraka, pour ne citer que ce dernier. En effet, dans une sortie médiatique, l’ancien ministre des Finances n’a pas mâché pas ses mots. Il a indiqué que l’Exécutif s’est soustrait à ses engagements vis-à-vis des professeurs contractuels. Pour lui, le recrutement par voie de contrat est contraire aux dispositions de l’article 6 bis du Statut général de la Fonction publique et du décret d’application qui limite ce mode de recrutement aux experts et aux agents, pour exercer des fonctions à caractère provisoire ou imprévu et pour une durée ne dépassant pas 4 années. Le SG du PI a appelé à annuler le recrutement par voie de contrat. Car, a-t-il dit, cette formule adoptée par le gouvernement se caractérise par une vulnérabilité juridique. «Ce type de recrutement n’a rien à voir avec la loi de la Fonction publique, ni avec le Code du travail marocain qui prévoit que la durée du contrat est indéterminée et ce, après la fin d’une période d’essai de 6 mois», a expliqué Nizar Baraka.

Notons enfin que depuis début mars, des milliers d’élèves marocains ont «vidé» leurs écoles publiques, à cause des débrayages répétés de 70.000 enseignants contractuels, lesquels ont décidé de prolonger -pour la cinquième semaine- leur grève, pour dénoncer les dernières mesures, dont notamment le gel par les Académies des salaires des enseignants contractuels de la promotion 2016. Bien plus, des sources à la Coordination  envisagent d’attaquer en justice le gouvernement.

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