Bras de fer entre les pêcheurs hauturiers et les pêcheurs côtiers. Une guerre qui ne dit pas encore son nom, mais qui s’est déjà annoncée entre les professionnels de la pêche, depuis quelques semaines.
Cette guerre a ouvertement éclaté après la création de la Fédération nationale des palangriers -affiliée à la Confédération nationale de la pêche côtière (CNPC)- qui défend les intérêts du secteur des palangriers. «La nouvelle entité est en train de s’organiser, et ça dérange les hauturiers», commente une source à la CNPC. Celle-ci nous informe, au passage, que les professionnels de la pêche côtière ont tenu, mardi 9 octobre, une rencontre à Rabat pour débattre des mesures à prendre dans les jours qui viennent, en vue d’organiser le secteur des palangriers au Maroc.
A la Confédération nationale de la pêche côtière, on se montre plus ferme. Selon nos sources, bien informées au sein de cette instance, les professionnels de la pêche côtière comptent hausser le ton et, s’il le faut, assure-t-on, bloquer toute l’activité à travers le pays, pour faire aboutir leur revendication.
Réunis le 25 septembre à Agadir, pour l’annonce de la création de la nouvelle Fédération, laquelle est présidée par Kamal Sabri, les membres de la CNPC ont revendiqué une nouvelle répartition des quotas de poulpe et de pélagique. «L’administration doit assumer pleinement sa responsabilité. Elle est d’ailleurs la mieux placée pour savoir qu’il est injuste que ces palangriers ne profitent pas, comme les autres professionnels, d’un quota», est-il souligné par la même source.
Pour le président de la CNPC, Larbi Mhidi, la situation difficile constitue le principal motif d’inquiétude du secteur des palangriers. «La création de la nouvelle entité vise ainsi l’organisation et la dynamisation du secteur des palangriers, l’objectif étant de le faire bénéficier d’un quota de poulpe et de pélagique, à l’instar des autres professionnels», dit-il.
Le président de la CNPC se veut intransigeant. «Une nouvelle répartition des quotas s’impose, notamment en ce qui concerne le poulpe et le pélagique. Les palangriers, qui pataugent dans une crise socio-économique, doivent bénéficier d’un quota, dans le cadre de cette nouvelle répartition», dit-il. «En 2003-2004, beaucoup d’entreprises de la pêche hauturière ont connu un déséquilibre d’exploitation qui devenait, en fait, structurel avec la chute des cours des céphalopodes et la raréfaction des stocks halieutiques. Pour aider les hauturiers à dépasser leur crise, nous leur avons apporté notre soutien. Ils se sont même taillé la part du lion dans la distribution des quotas, dans le cadre du plan d’aménagement du poulpe», a-t-il ajouté, avant de lancer: «Nous attendons d’eux, maintenant, qu’ils fassent la même chose pour le secteur des palangriers, dont beaucoup n’arrivent plus à exercer leur activité à cause de leur situation difficile».
Le secteur des palangriers, qui emploie plus de 11.000 marins-pêcheurs, connaît beaucoup de problèmes faute d’un quota, précise Larbi Mhidi. D’ailleurs, dit-il, «sur les 900 bateaux palangriers, quelque 500 sont aujourd’hui bloqués dans certains ports du Royaume, notamment ceux du nord».
Pour montrer à quel point la situation est complexe, la CNPC a adressé, ce lundi 8 octobre, une lettre à la secrétaire générale du département de la Pêche maritime, Zakia Driouch. Dans cette lettre, dont Le Reporter détient copie, les professionnels de la pêche côtière demandent une rencontre urgente avec elle. «La première de nos priorités est de débattre de certains points, à savoir notamment la pêcherie de poulpe dans la zone sud, la répartition des quotas des céphalopodes, la pêcherie des petits pélagiques dans la zone sud et la pêcherie des petits pélagiques dans les zones nord du pays», explique le président de la CNPC. Il s’agit aussi, pour les membres de cette instance professionnelle, d’interpeler la SG sur les réserves des petits pélagiques dans les zones nord (stock A), qui, affirment-ils, connaissent une situation «délicate», suite à la surexploitation, lit-on dans la lettre.
Rappelons qu’en 2004, les ressources halieutiques sont devenues des ressources épuisables au Maroc, à cause de la surexploitation. Les bateaux qui pêchaient, avant, des dizaines de tonnes par jour, ne ramenaient plus qu’une tonne. La tendance était alors à la préservation des richesses, pour le département de tutelle. Un plan d’aménagement de la pêche au poulpe a ainsi été élaboré par le ministère de la Pêche maritime pendant cette même année. Il proposait la réduction de l’effort de pêche de 50% pour préserver les stocks de poulpe, une répartition du quota de poulpe par segment d’activité, à savoir 63% pour le segment hauturier, 11% pour le côtier et 26% pour l’artisanal et l’instauration d’une commission centrale de suivi et une autre de contrôle. Ce plan prévoit aussi la fixation d’un quota pour les bateaux de la pêche hauturière, dont le nombre est maintenu à 280 unités, mais qui ne devront pas capturer plus de 107 tonnes de poulpe par an, alors qu’ils en pêchaient 160 tonnes par an. Ledit plan prévoit aussi la limitation à 2.500 le nombre des bateaux de pêche traditionnelle et à une centaine celui des chalutiers.