Le mystère reste entier dans l’affaire de l’enfant-berger d’Aghbalou, Mohamed Bouslikhen. Un mois et demi d’enquête et toujours rien. J.C, accusé par la famille d’être impliqué dans la mort de son enfant, n’a toujours pas été mis en garde à vue.
Cette personne, un propriétaire d’une exploitation, a été, dès le départ, accusé par la mère Touda, qui affirme que cet homme serait le seul suspect dans «le meurtre» de son petit garçon après les multiples menaces de J.C envers elle et Mohamed, quelques jours avant le drame.
Le petit berger a été retrouvé pendu, à genoux, dans des circonstances pour le moins troublantes lundi 16 juin 2025 près d’un puits à Ait Zaarour, relevant de la commune d’Aghbalou N’Serdann (province de Midelt).
La famille, comme des personnes de son entourage et l’AMDH, sont convaincus qu’une erreur judiciaire se préparait dès le début. En fait, confie une source au comité de la vérité et de la responsabilité, plus le comité se penche sur ce dossier, plus il a la conviction que l’enquête a été malmenée dès le départ.
Si l’enquête semble toujours piétiner, les témoignages recueillis sont cependant nombreux, assure Kabir Kacha de l’AMDH section-Khenifra. Ce fait divers prend une dimension encore plus sombre et inquiétante après les derniers éléments révélés par la famille, lors de la conférence de presse organisée, jeudi 31 juillet 2025 au siège de l’AMDH à Rabat, par ledit comité.
Ces nouveaux éléments permettent désormais d’imaginer un potentiel mobile, comme déclare à Le Reporter un membre de ce comité. La piste menant à un «suicide», sans explication tangibles, tend donc à perdre en crédit. Mais à l’inverse, le scénario d’un meurtre prend de l’ampleur, du moins chez la famille et son entourage, ainsi que du côté des associatifs. «Le scénario du meurtre semble être le plus probable. Les témoignages recueillis jusqu’ici suggèrent une hypothèse criminelle. Et par conséquent, il faut ouvrir une procédure contre la personne dénommée pour éviter le non-lieu», dit-il.
Ce que révèle la mère de l’enfant-berger
«Je refuse l’idée du suicide. Je suis intimement convaincue que mon petit garçon n’a pas décidé de se suicider et qu’il y a une intervention», dit Touda, les larmes aux yeux. Elle affirme que Mohamed était heureux parce qu’elle lui avait promis qu’au prochain « Souk » hebdomadaire elle lui achèterait un vélo. Ce qui signifie que mon petit garçon n’avait pas un mobile pour se suicider, contrairement à ce qu’on veut faire croire, tient à souligner Touda, affirmant que d’autres bergers ainsi que des ouvriers étaient sur place.
La mère du petit berger a révélé qu’elle a constaté que lors des heures qui ont suivi immédiatement la macabre découverte, certaines personnes n’ont pas cessé de brouiller les pistes.
Elle dit ne pas comprendre qu’un élu puisse conduire l’ambulance de la commune et venir sur le lieu du drame pour transporter la dépouille de Mohamed vers le centre urbain de Midelt. Comment peut-on conduire une ambulance en n’étant pas chauffeur d’ambulance et alors que la loi lui interdit de le faire?, s’interroge-t-elle. La personne en question n’est autre que le frère de l’accusé J.C, tient à préciser la mère du petit-berger, dont le corps restera dans l’ambulance jusqu’au lendemain matin (mardi 17 juin 2025). Avant qu’une autre ambulance l’emmènera à Er-Rachidia pour réaliser une autopsie.
Dans cette ambulance, il y avait une personne (un retraité de la commune d’Aghbalou), qui n’avait aucun lien de parenté avec le défunt. Ce qui est un élément bizarre aux yeux du père de Mohamed. Pourquoi cette personne est-elle partie avec la dépouille de son fils ? Alors que la demande de la famille d’accompagner le corps de leur enfant a été refusé.
«A la famille Bouslikhen, on justifie ce refus par le fait que l’autopsie ne serait réalisée que vendredi 20 juin 2025. Or l’autopsie a été effectuée mardi 17 juin 2025, soit le lendemain de la tragédie. Des personnes proches de J.C ont dit à la famille que c’est grâce à leurs contacts que l’autopsie a été faite ce mardi et pas vendredi », indique-t-on à l’AMDH. Ce qui paraît aussi bizarre pour la famille et les associatifs.
Ces personnes intriguent beaucoup la famille d’autant qu’interrogé par la gendarmerie, l’accusé (J.C) avait déclaré ne pas avoir été sur place, soulignant qu’au moment de la tragédie il était au centre d’Aghbalou pour chercher des produits phytosanitaires pour ses arbres. Et pourtant des témoignages, dont certains de l’entourage de la famille, affirment que, le jour du drame, le suspect aurait été aperçu en train de prendre le déjeuner avec ses ouvriers. Il s’agit donc d’un mensonge.
Tout ça constitue des éléments de doutes suffisants pour que la famille s’interroge. Est- ce que l’administration a bien fait son travail ? Est-ce que la gendarmerie a vu juste ? Pourquoi n’a-t-on pas alerté la police scientifique sur les lieux immédiatement pour l’examen de la «scène de crime»? Pourquoi n’a-t-on pas instruit ce dossier à la Cour d’appel d’Er-Rachidia?
Lors de la conférence de presse, Ali Bouslikhen, le cousin de Mohamed dit avoir contacté l’adjoint du procureur général du Roi près la Cour d’appel d’Er-Rachidia, deux jours après le crime, pour déposer une plainte pour meurtre. Mais le responsable judiciaire a refusé d’ouvrir une information judiciaire, ajoutant que Mohamed s’est suicidé alors même que le rapport de l’autopsie n’était pas encore sorti à ce moment-là ! souligne Ali. Le comité de la vérité et de la responsabilité demande l’intervention du ministère public pour prendre les mesures nécessaires.
Un dossier à suivre…
Naima Cherii