Entretien avec Larbi Mhidi, Président de la Fédération des chambres des pêches maritimes
Dans un jugement définitif rendu vendredi 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a annulé les accords de pêche et d’agriculture entre le Maroc et l’Union européenne. Quel est le point de vue de la fédération des chambres des pêches maritimes à ce sujet ?
En tant que professionnel et président de la Fédération des chambres des pêches maritimes, cette décision ne nous a pas vraiment surpris. Nous la regrettons mais elle ne nous a pas surpris. Mais il faut dire qu’on n’est pas inquiet non plus. Elle ne constitue pas vraiment une mauvaise nouvelle pour nous les professionnels. Car c’est une décision qui ne concerne pas en premier lieu les armateurs. Même si elle peut nuire aux investisseurs du secteur, en particulier les sociétés exportatrices. Mais cela ne veut pas dire que le Maroc ne s’y est pas préparé auparavant. Il cherche d’autres marchés étrangers en dehors de l’Union européenne. Et d’ailleurs, le Maroc n’est pas resté les bras croisés. Il continue dans cette direction, ce qui est une bonne chose pour le pays et le peuple marocain.
Le point de vue de la fédération est clair. Il s’agit là d’une décision qui jette de l’ombre sur une relation qui était en constante amélioration entre deux partenaires historiques. La négociation et la réussite sur le terrain de l’accord agricole et de l’accord de pêche entre le Maroc et l’UE a nécessité une grande implication, des investissements importants et un fort engagement de la part des opérateurs agricoles marocains qui attendaient les mêmes signes d’engagement et de responsabilité de la part de leur partenaire européen. Nous attendons de l’UE qu’elle clarifie au plus vite sa position et établisse une feuille de route réaliste pour le futur des relations entre l’UE et le Maroc.
Cet incident entame la confiance des opérateurs dans un marché pour lequel ils ont consentis plusieurs concessions et de continuels efforts d’adaptation aux normes européennes et d’amélioration. L’accord agricole entre le Maroc et l’UE constituait un cadre nécessaire au développement équilibré et durable de la coopération agricole. Et il est inconcevable de remettre en cause ses termes mettant en péril les stratégies et les visions qu’il a permis de construire.
Aujourd’hui, les échanges agro-alimentaires, ainsi que ceux liés au secteur de la pêche, constituent 17% des échanges commerciaux entre les deux parties pour une valeur globale de 8.9 milliards d’euros. Les exportations constituent une importante source de devises et font vivre des dizaines de milliers de personnes.
Nous tenons enfin à rassurer nos opérateurs exportateurs des produits agricoles et de la pêche que le gouvernement de Sa Majesté le Roi continuera à se mobiliser à leurs côtés pour suivre avec eux, avec un maximum de vigilance, les implications de cette décision de justice et prendra, le cas échéant, les mesures nécessaires qui s’imposent.
A la fédération, souhaite-t-on un nouvel accord avec l’Union européenne ?
La situation de nos stocks halieutiques est très inquiétante depuis déjà un certain temps. Nos stocks connaissent une baisse importante. Le gouvernement marocain doit en tenir compte si renouvellement il devait y avoir dans le futur. Mais en tant que professionnels, cette décision nous fait en tout cas plaisir. Franchement, la situation de nos eaux poissonneuse est alarmante et ne permet plus un nouvel accord avec l’UE.
Selon vous, quels sont les points qui doivent être reconsidérés en cas d’un renouvellement de l’accord de pêche entre le Maroc et l’UE?
Il faut souligner que certains pays européens souhaitent un renouvellement de l’accord de pêche entre le Maroc et l’UE. Mais la décision de l’Etat marocain n’est pas définitive. Il attend une réponse de l’’Union européenne qui doit clarifier sa position. Car c’est l’Union qui doit agir et préciser ce qu’elle attend du Maroc.
Mais s’il existe un moyen de reconduire cet accord, nous pensons qu’il y a un ensemble de points sur lesquels nous devons d’abord nous mettre d’accord. Premièrement, la main-d’œuvre marocaine. Notre demande c’est d’augmenter le nombre de pêcheurs marocains sur les bateaux européens.
Il y a un autre point : les débarquements des navires européens. Conformément au contrat ratifié par le Maroc et l’Union, les bateaux européens devaient débarquer 25% de leurs captures dans les eaux marocaines. Or, nous avons le regret d’apprendre que les bateaux européens ne respectent pas les termes de l’accord conclu entre les deux parties. En tout cas, c’est rare que leur capture soit débarquée chez nous. Leurs arguments : l’infrastructure des ports où ils se rendent ne leur permet pas d’y débarquer
Nous demandons, si renouvellement il y a, que les bateaux européens débarquent un pourcentage plus élevé (40 ou 50%). Même si notre souhait actuel c’est que tout le produit péché dans les eaux marocaines soit débarqué dans nos ports, et qu’il soit exporté depuis le Maroc. Ce qui sera avantageux pour le Maroc, notamment en termes de main d’œuvre, de transports marocains, de devise,etc).
Le Maroc recevait 52 millions d’euros par an pendant quatre ans pour avoir autorisé 128 navires européens à pêcher dans ses eaux. Qu’en pensez-vous ?
Aujourd’hui, tout a changé. Les prix ont flambé de manière spectaculaire. Il faut dire que tout a augmenté : Matériel de pêche, essence, …etc. Pour être clair, les 52 millions d’euros que le Maroc recevait c’est rien, comparé à ce que les européens capturent dans nos eaux.
Interview réalisée par Naima Cherii