Tata encore sous le choc après les fortes pluies orageuses accompagnées de crues et d’inondations qui se sont abattues dans cette province semi-aride les 8 et 20 septembre.
22 morts, effondrement d’habitations, routes endommagées, écroulement de plusieurs ponts, récoltes perdues, des milliers de palmiers-dattiers, d’arganiers et de caroubiers déracinés, sont le bilan de cette catastrophe exceptionnelle.
A l’heure où nous écrivions ces lignes, les Forces Armées Royales, la Protection civile et les volontaires continuaient encore de chercher les cadavres des passagers toujours portés disparus, nous déclare ce mardi 24 septembre un associatif local. Celui-ci était encore sous le choc des images de ce désastre qui, dit-il, donne un sentiment d’impuissance et de désolation. «Les gens ont passé une nuit blanche à tenter de fuir les eaux torrentielles». «Il y a vraiment besoin d’une stratégie de gestion des catastrophes. Car la région fait partie des zones les plus exposées aux aléas naturels», estime-t-il, critiquant la limite des ressources des équipes de secours. Ce que pensent également quelque 300 organisations de la société civile et personnalités. Dans un communiqué rendu public cette semaine, ces derniers font en effet état de «la limite des ressources des équipes de secours, l’insuffisance des plans d’évacuation, l’absence de refuges appropriés, et le manque de corridors sécurisés pour plusieurs douars isolés».
Y avait-il moyen d’éviter ce bilan? Aurait-on pu diminuer les dégâts? Cette question et autres fusent en tout cas de toutes parts et sont relayées sur les réseaux sociaux et dans les médias. «Dans les localités où l’oued était devenu déchaîné et qui ont fait les frais d’un débordement inédit des eaux des oueds, les gens ont construit près des oueds asséchés, ou sur leur lit», se désole notre interlocuteur associatif, qui a requis l’anonymat. «Qui a autorisé ces gens à construire dans ces zones à risques? Les autorités assument une grande part de responsabilité», lance-t-il, non sans colère.
Le comble est que ces zones sensibles sont répertoriées dans une étude dont dispose le Maroc mettant en garde contre les risques naturels. Les pouvoirs publics pouvaient donc agir pour prévenir cette tragédie en déplaçant les populations de ces localités surtout que la direction générale de la météorologie (DGM) avait annoncé, dans un bulletin d’alerte de niveau de vigilance «rouge», des pluies orageuses, insiste la même source.
L’autocar de transport de voyageurs qui a été emporté par les eaux torrentielles est aussi sur toutes les lèvres. L’accident continue de susciter la colère de nombreux Marocains, acteurs associatifs et défenseurs des droits. Dans une lettre adressée, mercredi 25 septembre, au procureur du Roi près le tribunal de première instance de Tata, le forum Iffous pour la démocratie et les droits de l’homme-Tata, pour ne citer que cette organisation, a appelé à l’ouverture d’une enquête judiciaire sur l’accident, déclare à Le Reporter son président Mbark Outcharraft.
Le véhicule, en provenance de Tan-Tan et à destination de Tata, a été assiégé par les eaux avant d’être emporté par les crues. Selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, le chauffeur a pris le risque de traverser la rivière alors qu’elle était en crue et a ainsi été pris au piège. «Pourquoi n’a-t-on pas interdit à l’autocar de prendre la route à Tan-Tan. Puisqu’on savait que des averses orageuses allaient s’abattre sur ces zones», dit un autre acteur associatif à Tata.
Terrible état des routes! Travaux mal faits ou problème d’un manque d’entretien?
Autre sujet qui revient aussi dans les discussions, le terrible état des routes après les inondations. En témoignent, comme le montrent les images et les vidéos que nous avons visionnées, l’exemple de l’effondrement de chaussées, d’une route lézardée de fissures avec des trous béants, ou encore celui d’une autre coupée en deux. Certaines routes sont impraticables après les fortes crues. Il faut donc faire des détours. Les travaux à venir s’annoncent colossaux pour rendre vie à toutes ces voies dans les mois à venir.
Si de nombreuses routes ont été endommagées par les crues cela ne suffit pas à expliquer pourquoi elles sont à ce point dégradées. Problème d’un manque d’entretien de routes existantes depuis plusieurs dizaines d’années ou travaux mal faits?
«Les communes de cette province ont beaucoup de difficultés et manquent de moyens financiers. Les budgets qui leurs sont alloués sont très faibles, mais le problème c’est aussi comment ces budgets sont dépensés ? Comment les travaux sont exécutés? Comment s’assurer que les travaux sont bien faits, une fois finalisés? Si la couche de bitume est mal posée, elle va très vite se détériorer même avec de faibles pluies», poursuit notre interlocuteur. Celui-ci déplore l’absence d’un plan de développement destiné à ces zones du «Maroc profond».
Cette catastrophe des crues des oueds et des inondations a remis en question les promesses faites pendant la période électorale. De nombreuses ONG considèrent que «ces promesses ont un impact très limité et peinent à voir le jour», en poursuivant que «les gouvernements et les élus qui se sont succédés dans la gestion de ces zones n’ont pas proposé de stratégies réalistes pour venir à bout des inégalités de développement dans ces zones reculées».
«Tout reste donc à faire», comme l’a souligné Mbark Outcharraft. Dans un entretien accordé cette semaine à Le Reporter, celui-ci évoque une crise d’élites dans cette province. «La démocratie représentative ne nous a pas donné des élites conscientes, qualifiées et capables de plaider pour un développement durable dans ces zones», déplore-t-il.
N.Cherii