La décision est enfin tombée. Le ministère de la pêche a annoncé l’ouverture le 20 décembre de la campagne hivernale de poulpe. Quelque 3085 barques artisanales opérant à Dakhla vont pouvoir sortir en mer après un arrêt d’activité exceptionnel de huit mois. Mais pour les barques «vivrières», la situation semble encore plus compliquée. Les détails.
Environ 3085 barques artisanales s’apprêtent à sortir en mer mardi prochain à Dakhla. Le ministère de la pêche a annoncé que la saison hivernale au poulpe sera ouverte le 20 décembre, apprend-on à la délégation de pêche maritime de Dakhla. Une annonce très attendue par les pêcheurs de la pêche artisanale exerçant dans les quatre villages de pêche de la région.
Des marins pêcheurs «en colère» et «désespérés». Les mots sont très forts après huit mois d’arrêt de l’activité de la pêche au poulpe. «Les pêcheurs vont enfin bouger. Je crois qu’ils ont été suffisamment patients. Ça fait quand même plus de huit mois qu’ils attendent», a ainsi affirmé un membre de la confédération nationale de la pêche artisanale à Dakhla.
«Nous ne voulons pas l’aumône. Nous voulons seulement reprendre notre activité après plusieurs mois d’arrêt», lancent des pêcheurs rencontrés vendredi 9 décembre à Dakhla. Ces derniers rappellent qu’ils sont déjà soumis à de «lourdes règlementations» pour préserver les ressources halieutiques et disent accepter des restrictions pour «perpétuer une pêche artisanale durable». Mais «la période d’arrêt était longue, trop longue», poursuivent ces mêmes pêcheurs, qui ont entamé ce même vendredi les préparations pour l’ouverture de la campagne au poulpe après que le département de la pêche ait annoncé l’ouverture de la campagne.
Les barques non réglementaires, l’arbre qui cache la forêt!
Pour les barques «vivrières», la situation semble encore plus compliquée. Quelque 410 barques «vivrières» attendent toujours l’autorisation pour poser leur filet dans les eaux d’Ain Beida à Dakhla, indique-t-on à la Coordination des barques vivrières de la pêche artisanale.
Les débats sont tendus pour ces barques dont les propriétaires -pour faire entendre leur voix- ont tenu un sit-in devant la délégation de la pêche maritime (DPM) pendant plus de 90 jours avant qu’ils aient accepté de l’arrêter après l’intervention mardi 6 décembre de plusieurs acteurs locaux. «Nous avons reçu des promesses que notre situation sera réglée», nous déclare Cheikh Ahmed Rouijel, coordinateur de ladite Coordination. Il évoque une situation sociale difficile des pêcheurs membres de la Coordination. « Nous n’avons aucune autre activité pour gagner notre vie. Depuis l’arrêt de l’activité, nos familles vivent une situation socio-économique très difficile. Certains n’ont pas payé leur loyer depuis plusieurs mois et risquent d’être expulsés. Il y a même eu des cas de suicide. Et la situation risque encore de s’aggraver », dit-il.
La pêche artisanale, poursuit Cheikh Ahmed Rouijel, est une activité vivrière. « C’est la seule source de revenu qui permet d’assurer aux jeunes de la région un emploi et leur garantir leur pain quotidien. On attend du ministère de nous trouver une solution pour sortir de cette situation précaire. Car il y va de l’existence de nos familles», explique le coordinateur de la Coordination, ajoutant que «l’interprétation que l’on fait de notre dossier est inadmissible et ne répond pas à notre bonne volonté».
Leur dossier ne date pas d’hier, comme le rappelle notre interlocuteur. « Nous sommes victimes du plan d’aménagement qui a été appliqué dans la région depuis 2004. Ce plan – qui devait être provisoire- a profité aux gens de la pêche hauturière. Et ce sont ces derniers qui commencent aujourd’hui à accuser la pêche artisanale d’être responsable de la crise !», tient-il à souligner. Il ajoutera : « On nous accuse d’être responsables de la crise, mais au final ce sont ceux qui donnent une mauvaise image de nous qui sont responsable de la surexploitation de la ressource ».
En 2018, la Coordination a multiplié les manifestations et sit-in pour demander la régularisation de la situation administrative de ses membres. Leur situation n’aura pas été régularisée. Mais ils ont été tolérés à opérer dans la pêche artisanale pendant plus de cinq ans au niveau de la région de Dakhla, selon des sources concordantes.
Le ministère de la pêche refuse pour le moment de les autoriser à reprendre l’activité, estimant qu’ils n’ont pas d’agrément pour pêcher. Pour l’instant, aucune action n’est envisagée par les pêcheurs membres de ladite Coordination. Les pêcheurs grincent des dents, mais «actuellement, on préfère attendre pour montrer notre bonne volonté», affirme Cheikh Ahmed Rouijel, rencontré mercredi 7 décembre à Dakhla.
Le directeur de la pêche maritime, Bouchta Aichane, a tenté jeudi 1er décembre de rassurer les pêcheurs mécontents. Lors d’une réunion à la wilaya de Dakhla, le responsable a assuré les pêcheurs de sa volonté de trouver une issue à leur problématique et, prochainement, le ministère aura pris une décision au sujet de ce dossier, souffle une source locale.
Même s’il ne concerne qu’un nombre assez réduit de barques vivrières, le dossier reste particulièrement explosif dans la région. «Cette question du recensement des barques non réglementaires c’est l’arbre qui cache la forêt », a prévenu Cheikh Ahmed Rouijel. Ce qui pose problème, comme nous l’explique celui-ci, ce sont surtout « ces barques illégales ». « On nous accuse d’en être les propriétaires. Mais ce sont les propriétaires de la flotte autorisée qui sont les vrais propriétaires des canots non réglementaires», poursuit-il. D’ailleurs, dit-il, il était nécessaire de procéder à un recensement de toutes les barques pour connaitre les propriétaires des barques non réglementaires.
Le recensement révèle qu’il y a quelque 1131 barques non réglementaires. « Parmi ces barques, 410 barques vivrières ont été transféré à Ain Beida et quelque 721 canots ont été brûlés. La Coordination n’a rien à voir avec ces barques», explique Cheikh Ahmed Rouijel.
Qui sont les propriétaires de ces barques ? Quelles sont les procédures et les mesures que l’on va prendre envers les gens qui ont violé la loi ? Où fabrique-t-on ces canots ? A la Coordination on dit avoir les preuves que le nombre révélé par le recensement officiel n’est pas exhaustif et que le nombre des canots non réglementaires serait plus grand. «Certains d’entre les pêcheurs autorisés par le ministère possèdent des dizaines de barques non réglementaires qui peuvent atteindre jusqu’à 8 mètres de longueur. Il n’y a qu’à voir leurs formes pour s’en rendre compte. Nous sommes prêts à remonter aux autorités locales la liste des barques en question, et il faut maintenant attendre des autorités de procéder à une enquête autour de cette question», nous déclare Cheikh Ahmed Rouijel. Un dossier à suivre…
DNES à Dakhla, Naîma Cherii