Entretien avec Mohammed Agdid, analyste sécuritaire

«La responsabilité incombe aux anciens gouvernements…»

Quelles sont les explications du phénomène de la délinquance qui semble prendre de l’ampleur?

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D’abord, il faut souligner que les jeunes auteurs de délits sont pour la plupart des adolescents. C’est à cette période sensible que ces jeunes perdent facilement «la boussole» en raison notamment de la déperdition scolaire et de l’absence d’espaces qui leurs sont dédiés comme les maisons de jeunes et des centres culturels. Ces jeunes ont des critiques vis à vis des choix et des propositions des gouvernements en matière de gestion.

Les anciens gouvernements n’ont pas réussi à renforcer l’édification de l’Etat social. Nous attendons ce que va faire le gouvernement actuel, lequel a promis de concrétiser les programmes qu’il s’est fixés comme plan d’action pour renforcer l’édification de l’État social. On attend surtout de l’Exécutif d’accélérer la mise à exécution de ses projets et de ses engagements, notamment en matière de création de postes de travail, de formation et de scolarisation. On ne peut pas édifier un Etat social sans le renforcement de l’école publique et de la généralisation de l’enseignement préscolaire.

Sur le plan urbanistique, il n’est pas sans savoir que l’un des défis qui se pose aujourd’hui, c’est de construire des villes saines et viables, et non pas des «ghuettos » dans les quartiers qui concentrent les populations de bidonvilles. Car malheureusement ce sont ces types de quartiers qui peuvent donner naissance à de jeunes délinquants, lesquels –avec leurs familles- ont été obligés de vivre dans des conditions misérables dans des logements très petits.

On attend du gouvernement d’apporter un soutien aux familles vulnérables. Car sans conditions économiques et sociales à même de tirer de la pauvreté ces familles, eh bien on ne peut qu’avoir ce genre de phénomène. Sinon pire. D’ailleurs, on a déjà commencé à voir des «dérapages» dans nos rues. On voit des jeunes très violents, révoltés contre tout et perdant complètement «la boussole».

Comment transformer cette violence en créativité chez ces jeunes délinquants? Comment les inciter à adhérer à l’édification de l’État social. Ce sont là, entre autres, les problématiques que le gouvernement devra régler pendant les cinq prochaines années de son mandat.

Selon vous, le comportement de ces jeunes délinquants est-il grave comme le laissent entendre certains associatifs locaux à Casablanca ?

Ce dérapage montre que nous sommes aujourd’hui devant un virage dangereux. Le phénomène de la délinquance des jeunes a toujours existé et ne concerne pas uniquement la ville de Casablanca. Ce qui a changé, c’est le volume et la gravité des actes. Aujourd’hui, nous sommes face à une délinquance juvénile et des adolescents de plus en plus violents. Il y a aussi un rajeunissement des jeunes délinquants qui commettent des actes criminels.

Ce qui frappe, c’est le fait que ces actes de violence se poursuivent jusque dans les stades marocains où la recrudescence du hooliganisme inquiète. Mais ce qui est aussi frappant, c’est que ces jeunes donnent de la voix –à travers leurs chants- sur les problèmes socio-économiques dans le pays et sur «la hogra», ainsi que sur la corruption qui gangrène certaines administrations comme les hôpitaux. C’est dire que l’on est aujourd’hui face à des problématiques très profondes. Nous attendons de ce gouvernement de rechercher les solutions et les moyens qu’il faut pour mieux agir. Et surtout éviter qu’il y ait un retard dans la mise à exécution de son projet social. Car malheureusement, à l’exception des chantiers qui sont lancés par SM le Roi, on constate que la mise en œuvre de tout projet enregistre un retard.

Les caméras de surveillance peuvent-elles aider à lutter contre la criminalité ? L’installation des caméras permet à la police de surveiller tous les actes malveillants. Les caméras sont nécessaires pour renforcer le travail de la police. Celle-ci ne peut pas être tenue comme responsable de ce problème social, alors que toute la responsabilité incombe aux anciens gouvernements qui ont échoué dans la mise à exécution de leurs projets. Normalement, il faut demander des comptes aux vrais responsables de ces problèmes sociaux. Car il est inconcevable qu’un gouvernement, qui a géré les affaires des Marocains, quand arrive la fin de son mandat, puisse bénéficier d’une retraite très confortable.

En tant qu’ancien cadre de sécurité, je sais que la police supporte un fardeau insupportable avec tous les problèmes qu’il y a dans la rue. Sur le terrain, les services sécuritaires n’arrêtent pas. Ils sont chaque jour mobilisés et livrent de gros efforts pour lutter contre toutes les problématiques sociales qui existent dans la société.

Entretien réalisé par N.Cherii

 

 

 

 

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