L’assèchement de la liquidité est l’un des freins qui continuent de bloquer le développement de la Bourse de Casablanca. Certes, des mesures ont été mises en place pour remédier à ce problème, seulement beaucoup est à faire pour permettre à la place financière de jouer pleinement rôle.
Il y a quelques jours, la Bourse de Casablanca a annoncé la suppression du Madex à partir de janvier 2022 et son replacement par l’indice nouvelle génération Morocco Stock Index 20 (MSI20) déjà opérationnelle. «Le succès rencontré par le MSI20 depuis son lancement a incité la Bourse de Casablanca à poursuivre le processus de modernisation de sa gamme d’indices en l’érigeant en tant qu’indice de référence du marché boursier marocain, au côté du MASI», a indiqué le communiqué de la Bourse de Casablanca, ajoutant que, pour mesurer l’impact de ce lancement, une enquête a été réalisée auprès des professionnels du marché (Sociétés de gestion, investisseurs institutionnels et sociétés de bourse) dans le cadre des travaux du Comité Scientifique des Indices, lequel regroupe des représentants de l’AMMC, l’ACAPS, l’ASFIM, le FMSAR, l’AMA, la Bourse de Casablanca et des membres experts indépendants parmi lesquels figurent des universitaires et économistes. Cette enquête a révélé, selon la Bourse de Casablanca, que 85% des répondants sont satisfaits du MSI20, et près de la moitié pensent l’utiliser comme benchmark. «Un indice pour qu’il soit benchmarké, il faut qu’il donne la possibilité de le dupliquer. L’investisseur et le gestionnaire de portefeuille ont besoin d’avoir une corrélation entre le portefeuille composé et l’indice lui-même. Ils peuvent ainsi acheter et vendre des titres plus facilement sur le marché indépendamment de la taille du portefeuille. Chose que le Madex ne permet pas. On ne pouvait pas le dupliquer à 100%», a précisé Mohamed Benabderrazik, président du directoire de la société de Bourse, MSIN. Force est de rappeler que le MSI20 est composé de 20 valeurs retenues parmi les 40 plus grandes capitalisations flottantes et ce, sur la base du volume sur le marché central et la fréquence de cotation. Le choix de ces deux indicateurs a été réalisé sur la base d’une Analyse en Composantes Principales (ACP), ayant permis de démontrer que la liquidité d’une valeur peut être expliquée par ces deux variables qui synthétisent 92% de l’information. Ce nouvel indice viendra accompagner le développement et la liquidité du marché boursier. Est-ce suffisant pour résoudre le problème de l’assèchement de la liquidité sur la place casablancaise ? La réponse est non. «Le MSI20 permet de remédier un peu au problème de la liquidité qui constitue l’un des freins au développement du marché boursier marocain», a rétorqué Benabderrazik.
La taille du flottant à augmenter
Ainsi, toute l’importance est d’actionner d’autres mesures pour permettre au marché de devenir plus liquide. Il s’agit d’abord de remédier au problème de la faiblesse du facteur flottant en bourse. Aujourd’hui, la prépondérance des parts stratégiques détenues par des actionnaires stables limite le nombre de titres susceptibles, à court terme, d’être échangés en bourse. En outre, la Bourse de Casablanca compte seulement 74 sociétés cotées y compris Nexans Maroc qui va quitter prochainement la Bourse après que son Conseil d’administration réuni le 4 avril dernier ait validé la radiation de ses titres de capital de la cote «en raison notamment de la faible liquidité du titre et de la visibilité limitée au sein de la cote», selon son management. D’où la nécessité de recruter de nouvelles sociétés à la cote, mais tout en établissant l’augmentation de la taille du flottant exigé au moment de l’IPO. C’est pour cette raison que le nouveau règlement général de la Bourse introduit un minimum pour les IPO. Ainsi, les entreprises dont le capital est inférieur à 5 milliards de dirhams doivent aller en Bourse avec au moins 25% du capital. Ce seuil est porté à 20% si le capital est compris entre 5 et 10 milliards de dirhams, 15% pour la tranche 10 à 40 milliards de dirhams et enfin 10% pour les plus de 40 milliards de dirhams.
Vente à découvert: un préalable pour les nouveaux produits
Ensuite, la vente à découvert est à développer. Le prêt-emprunt de titre lancé depuis plus de 7 ans attend toujours la réforme de la loi le régissant afin de donner un nouveau souffle aux volumes sur les différents compartiments du marché des capitaux. D’ailleurs, l’amendement de la loi sur le prêt/emprunt de titres a été adopté en Conseil de gouvernement le 1er avril dernier. Ce projet de loi a pour finalité de sécuriser les opérations de prêt de titres et de favoriser la liquidité des actifs faisant l’objet de prêt et permet en particulier au prêteur d’augmenter la rentabilité de son portefeuille et à l’emprunteur d’éviter toute défaillance dans la remise des titres. En outre, cette réforme, très attendue par les professionnels, ouvrira aussi le marché du prêt de titres aux personnes physiques et aux personnes morales étrangères, sous certaines conditions. Sachant qu’actuellement, ce sont les banques qui se positionnent en tant qu’emprunteurs et les OPCVM en tant que prêteurs. D’autant plus que le prêt-emprunt de titres ne porte que marginalement sur les actions, tandis que le gros des volumes concerne les bons du Trésor. Ce chantier est ainsi à accélérer selon les professionnels du marché surtout que la vente à découvert est un préalable pour lancer les nouveaux produits dérivés et les ETF (Exchange Traded Fund) que la Bourse de Casablanca ambitionne de mettre en place et que les markets makers attendent impatiemment. «Les besoins d’investissements évoluent. Nous ne pouvons pas nous contenter des produits classiques. Il faut mettre en place de nouveaux instruments pour permettre au marché des capitaux de jouer pleinement son rôle», a avancé Mohamed Benaderrazik.
Les particuliers à réconcilier avec la Bourse
Parallèlement, les investisseurs particuliers sont à réconcilier avec la Bourse et les étrangers sont à attirer davantage. Il faut souligner que l’épargne des particuliers, qui représente un fort potentiel, n’est pas suffisamment captée par le marché boursier. Si en 2007, 36% des volumes du marché central étaient dus aux personnes physiques, ils ne représentent que moins de 20% en 2020. On aurait pu croire que les personnes physiques restaient investies en bourse à travers les OPCVM. Ce qui n’est pas le cas. Ce sont notamment les institutionnels (caisses de retraite et assurances) qui se tiennent derrière la hausse des actifs sous gestion des OPCVM. En effet, jusqu’à aujourd’hui, la part des particuliers dans l’encours des actifs sous gestion ne dépasse pas les 8%. Pour encourager les particuliers à placer leur épargne à long terme en OPCVM, les gestionnaires d’actifs proposent de leur accorder des incitations fiscales. Ils préconisent notamment, la mise en place d’un abattement fiscal partiel sur les revenus générés par l’investissement en OPCVM, conditionné par l’âge et la durée de détention (comme pour l’épargne retraite), et par un plafonnement du montant investi (comme pour le compte sur carnet). Les gestionnaires d’actifs insistent aussi sur la nécessité d’une meilleure exploitation du gisement des opportunités au-delà des frontières et ce, notamment en drainant l’épargne des investisseurs étrangers institutionnels et particuliers pour l’investir dans le marché marocain.
Nadia Benyouref