Au moment où ces lignes sont écrites, il ne reste plus que 5 ou 6 jours avant que le Ramadan ne vienne s’installer dans notre quotidien, pour un mois, comme chaque année.
Oui, mais cette année, comme l’année dernière, la pandémie –toujours présente- nous imposera ses règles.
Nous nous en doutions déjà tous. Le Gouvernement vient de l’annoncer officiellement, ce mercredi 7 avril (2021): «Interdiction des déplacements nocturnes à l’échelle nationale de 20 h à 6 h du matin, à partir du 1er Ramadan». En clair, pas de grande sortie après la rupture du jeûne prévue aux alentours de 19h. Confinement et couvre-feu seront la règle, la nuit, tout le long du mois de Ramadan.
L’information était tant attendue ! Des quatre coins du Maroc, des appels étaient lancés au Gouvernement pour qu’il sorte de son mutisme et informe les citoyens de ce que seront leurs limites pendant ce mois de jeûne qu’ils ont l’habitude de préparer longtemps à l’avance. Notamment les restaurateurs qui ne peuvent pas attendre la veille pour planifier leurs achats, faire leurs courses et proposer leur menu…
Il fallait savoir si le couvre-feu nocturne allait commencer juste après la rupture du jeûne, ou laisser quelques heures de libre circulation à ceux qui voudraient prendre l’air après le lourd repas du «Ftor», ou finir ce qu’ils ont oublié de leurs courses pour celui du «Shor», ou encore –et c’était l’une des plus grandes questions- accomplir la prière des «Tarawih» dans les mosquées…
Le gouvernement a donc –enfin !- apporté une réponse à toutes ces interrogations et (peut-être) enfin compris que la communication joue un rôle essentiel dans l’acceptation des décisions.
Préparer les citoyens aux décisions les plus difficiles, les sensibiliser aux raisons qui ont poussé à prendre ces décisions et à l’intérêt qu’elles présentent pour tous, à court ou moyen terme, est le moyen le plus efficace de les convaincre de s’y conformer.
Le chef du Gouvernement, le ministre de la Santé et le ministre des Habous, auraient gagné à prendre la parole pour expliquer, clairement, simplement et patiemment, pourquoi de telles mesures de restriction sont indispensables, pourquoi elles restent incontournables.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’au moment où les variants du Covid-19 font leur apparition au Maroc -notamment le britannique, qui est hyper contagieux, mais il y a aussi un variant marocain dont on nous annonce la découverte au Sud du pays (les scientifiques n’en ont cependant pas encore arrêté toutes les caractéristiques)- et au moment où la campagne de vaccination ralentit, faute de livraisons des doses commandées par le Maroc, ce ne serait certainement pas un contexte favorable à l’assouplissement des mesures de prévention…
Les prières dans les mosquées posent de véritables problèmes: comment contrôler le respect des mesures qui s’imposent pour éviter la propagation du virus et/ou de ses variants, notamment celle de la distanciation physique ? Chaque pays (musulman) a choisi sa formule. Certains les ont interdites. D’autres les ont autorisées, mais sous strictes conditions. Les 3èmes se tâtent encore… Car, parfois, une autorisation pour tel secteur pose problème pour tel autre… Ainsi, il n’est pas évident d’autoriser les restaurateurs à servir le repas de la rupture du jeûne (le «Ftor») en même temps que d’interdire la prière des «Tarawih» dans les mosquées… Et vice-versa…
Autoriser les deux, c’est courir de gros risques de propagation du virus, comme cela a été le cas lors de la dernière fête du mouton.
Interdire les deux, c’est la décision difficile que le Maroc a prise, sur recommandation de la Commission scientifique et technique qui planche sur l’aspect sanitaire de la crise depuis son déclenchement et prodigue ses conseils…
Dans son communiqué annonçant le confinement nocturne pendant le mois de Ramadan, le Gouvernement en appelle à «l’esprit de responsabilité» et à une «forte adhésion» des citoyennes et citoyens, afin «de consolider les importants acquis» dont le pays a pu se prévaloir, jusqu’à présent, dans sa lutte contre la pandémie
Aujourd’hui, donc, nous n’avons d’autre choix que de prendre notre mal en patience.
Cela, il est vrai, est d’autant plus difficile qu’après une année de couvre-feu et un mode de vie chamboulé, il devient assez dur d’ajouter des restrictions aux restrictions. Mais il y va de la santé de tous ; de vies humaines, y compris de celles de nos proches ; et de l’économie du pays, dont nous paierons chacun le prix fort si elle venait à s’effondrer.
Et c’est bien ce que le Gouvernement devrait prendre la peine d’expliquer…
D’abord, rappeler que le Maroc, comme tous les autres pays, reste exposé au risque de propagation du virus et qu’il faut à tout prix éviter une dégradation de la situation sanitaire que le pays ne saurait gérer. D’autres, pourtant mieux armés, ont vite été débordés. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la Grande Bretagne qui a dû recourir à un confinement général de 4 semaines dont elle vient de sortir prudemment ; sur la France où les services de réanimation saturent et où de nouvelles mesures restrictives viennent d’être prises ; sur le Portugal qui a été contraint de transférer ses malades dans les pays européens voisins, tant ses hôpitaux étaient bondés, etc.
Ensuite, insister sur l’importance de ces derniers efforts à fournir, tous ensemble, solidairement, même quand il nous en coûte, pour en finir le plus rapidement possible avec cette maudite pandémie et reprendre une vie normale, avec ses sorties de jour et de nuit, ses fêtes, ses voyages et toutes ces «petites» choses dont on ne mesurait pas l’importance jusqu’à ce qu’on en soit privés par la crise sanitaire !
Bahia Amrani