Le ministère des Affaires Étrangères du Maroc a organisé, jeudi 11 septembre à Rabat, une «Retraite de haut niveau sur l’avenir des relations euro-méditerranéennes». Cette rencontre a réuni pour la 1ère fois des acteurs majeurs de la région euro-méditerranéenne pour une réflexion stratégique.
La séance d’ouverture a été inaugurée par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita et la Commissaire européenne en charge de la Méditerranée Dubravka Suica, en présence du Secrétaire Général de l’Union pour la Méditerranée (UpM), Nasser Kamal, de hauts responsables gouvernementaux, institutions financières internationales, représentants du secteur privé, experts et think tanks issus de l’UE et des pays du sud de la Méditerranée.
Les participants étaient invités à une réflexion stratégique approfondie sur l’avenir des relations euro-méditerranéennes, notamment entre l’Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée.
Ces travaux revêtent une importance particulière, du fait notamment qu’ils interviennent en amont de la commémoration du 30e anniversaire de la Déclaration de Barcelone et de la création du Processus de Barcelone, prévue en novembre prochain.
L’objectif principal de cette retraite est d’établir un bilan des relations entre l’UE et ses partenaires du Sud et d’explorer des pistes concrètes de coopération renforcée sur des questions prioritaires et stratégiques pour les deux rives de la Méditerranée.
Nasser Bourita appelle à une refonte profonde du Partenariat Euro-Méditerranéen
Intervenant à l’ouverture de la Retraite de haut niveau, Nasser Bourita a appelé à une refonte profonde du Partenariat EuroMéditerranéen afin d’en faire un espace de résultats concrets, après avoir dressé un état des lieux franc de l’Union pour la Méditerranée (UpM) du processus euro-méditerranéen.
«Bien plus qu’une mer ou une frontière, la Méditerranée est un écosystème et un bien commun qui doit rassembler», a-t-il estimé. «Lorsque nous traitons la Méditerranée comme un dossier, elle nous échappe; lorsque nous la traitons comme un bien commun, elle nous rassemble», a affirmé le ministre à ce sujet.
Expliquant l’initiative du Royaume d’accueillir cette réflexion stratégique, le ministre a mis en exergue la «fiabilité, l’expérience et la méthode» du Maroc et son rôle pionnier, resté au cœur du Partenariat euro-méditerranéen depuis trois décennies. Le Maroc, a-t-il rappelé, a été le premier pays à incarner le Statut avancé, à mettre en place un Sous-comité des Droits de l’Homme, à bénéficier d’un Partenariat mobilité et à prendre des engagements environnementaux.
Sur le plan opérationnel, le Royaume a toujours été précurseur pour traduire les engagements politiques en actions sur le terrain, à travers des coopérations concrètes avec notamment, l’Espagne, la France et l’Allemagne, a ajouté le ministre. Nasser Bourita a également insisté sur la vision portée par le Maroc, qui consiste à «ne plus traiter le Sud comme le contour d’un programme, mais comme la seconde moitié d’un espace à construire ensemble». Rappelant que Sa Majesté le Roi a fondé la politique étrangère du Maroc sur deux principes –la clarté et l’ambition- le ministre a procédé à un diagnostic clinique du processus euroméditerranéen.
Il a évoqué, à ce sujet, «une indécision ontologique» sur l’identité du processus, qui montre qu’un effort reste à faire pour développer une «vision commune claire» sur les objectifs concrets du partenariat et ses déclinaisons opérationnelles. Le ministre a relevé, également, «une asymétrie de motivation» au niveau des partenaires euro-méditerranéens, ce qui traduit des attentes déphasées entre le Nord, qui privilégie la stabilité et la sécurité et le Sud, qui aspire au développement et à la mobilité. N. Bourita a de même souligné «une fragmentation géopolitique» dans un espace traversé par les tensions, où l’Euromed a perdu sa centralité dans un contexte de prolifération d’initiatives. Il a constaté «une incapacité à gérer les crises», notamment sanitaire, énergétique, alimentaire, ainsi qu’«un déficit de visibilité sociale», le projet étant perçu comme élitiste et ne parlant pas assez aux citoyens.
Il a, dans ce contexte, plaidé pour un partenariat mutuellement avantageux, exposant la vision du Maroc à ce sujet, structurée autour de quatre piliers concrets. A savoir, «sécuriser l’ensemble des approvisionnements stratégiques» notamment dans les domaines de l’énergie et de la sécurité alimentaire ; «connecter les économies» en optimisant l’Euromed comme plateforme de co-production et en créant des corridors stratégiques unissant Méditerranée, Afrique et Atlantique ; «mobiliser les talents» à travers la transformation de la migration en opportunité via une mobilité intelligente et des mécanismes durables de formation et de reconnaissance des qualifications ; et enfin «refonder le dialogue politique», en instaurant un dialogue franc pour transcender les blocages à travers un «Forum politique méditerranéen» utilisant l’UpM comme chapeau politique.
Pour mettre en œuvre cette vision, Nasser Bourita a proposé un mécanisme innovant de «coalitions volontaires», composées au moins d’un pays du Nord et d’un pays du Sud, qui agissent de manière agile et concrète sur des projets spécifiques, sans être bloquées par les non-participants. Le financement serait assuré par la création d’un Fonds euro-méditerranéen de cohésion, basé sur un mécanisme hybride de garanties, a-t-il précisé, ajoutant que des mécanismes de responsabilité et de redevabilité envers les citoyens devront être mis en place, afin de regagner une légitimité sociale.
Le Maroc, un partenaire privilégié de l’UE, selon la Commissaire européenne
S’exprimant à l’issue d’entretiens avec le ministre Bourita, la Commissaire européenne en charge de la Méditerranée, Dubravka Šuica, a affirmé que le Maroc est un partenaire privilégié de l’Union européenne et que le Royaume constitue un «modèle» à suivre dans la région. Lors du point de presse conjoint avec N. Bourita, elle a ajouté que la relation entre les deux parties est «spéciale» et doit être approfondie dans les différents domaines, se félicitant du «partenariat très avancé» du Royaume avec l’Union européenne, notamment en matière de gestion migratoire et de lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Elle a, en outre, salué les efforts «remarquables» du Maroc dans les domaines de la décarbonisation et de la transition verte. «Nous nous félicitons du rôle prééminent du Maroc dans le renforcement de la coopération euro-méditerranéenne», a-t-elle poursuivi, qualifiant le Royaume de «partenaire stratégique» clé pour l’Union européenne.
«Notre partenariat avec le Maroc, pont vital pour la coopération avec l’Afrique, est unique en son genre et extrêmement multidimensionnel», a souligné D. Šuica, notant que cette coopération bilatérale ambitieuse ouvre la voie à un approfondissement du partenariat Euromed dans l’avenir, afin de répondre aux besoins mutuels de l’Europe et de la région MENA. Ce nouveau cadre sera officiellement promulgué en novembre, à l’occasion du 30ème anniversaire de la Déclaration de Barcelone et de la création du Processus de Barcelone. «Notre ambition est très claire. Nous souhaitons jeter les bases d’un espace commun de prospérité, de paix, de stabilité et de sécurité», a dit la Commissaire à ce sujet.
Ce nouveau pacte a été précédé de larges consultations avec l’ensemble des partenaires concernés, a précisé la responsable européenne, notant que cette Retraite, accueillie par le Maroc, est de nature à contribuer de manière substantielle à ce nouveau pacte euro-méditerranéen. Basé sur un processus évolutif, cet instrument se propose d’être un levier fort pour la stabilité et la croissance, à travers trois grands piliers, a-t-elle dit, précisant qu’il s’agit de placer les populations au centre de l’action, de promouvoir le potentiel total des économies de la région et de renforcer la coopération sur les plans de la sécurité, la résilience et la migration.
Ismail SAIH avec MAP