Agriculture : Rachid Benali : «Aucun pays au monde ne produit totalement de quoi nourrir sa population. L’autosuffisance ça n’existe pas»

Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader)
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Entretien avec Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader)


En tant que Président de la Comader, Quel est l’enjeu de votre présence au salon international de l’agriculture 2025? 

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C’est tout à fait normal d’y d’être. Toutes les filières y sont représentées. C’est la messe de tous les agriculteurs qui ont un lien de près ou de loin avec l’agriculture. Le salon de l’agriculture est fait avant tout et après tout pour les professionnels. Ce sont surtout les professionnels qui viennent au Salon. D’ailleurs, à 90%, ce sont des professionnels. Aller à la rencontre des agriculteurs, présenter la diversité de l’offre marocaine, etc.  Le Salon est un lieu de rencontre et d’échanges. On y présente les nouvelles technologies et tout ce qui intéresse l’agriculteur par excellence. Et la Comader c’est l’agriculteur, c’est les professionnels, c’est l’agro-industriel, c’est tout un ensemble. C’est donc tout à fait normal que je sois présent au SIAM. Mais il n’y a pas que le Salon. Il n’y a pas que les présentations. Il y a aussi des conférences, des séminaires,  des colloques, des rencontres B2B, etc. C’est vraiment une activité en permanence. Il y a des dizaines de conférences par jour. On est sollicité par tous. Et la Comader est obligée d’être dans toutes les activités.

La France est le pays invité d’honneur au 17ème SIAM. En tant que président de la Comader, qu’attendiez-vous de cette participation de la France, et plus largement des représentants politiques français? Est-ce que vous vous attendiez à un nouvel accord avec ce pays surtout que les agriculteurs français créent énormément des problèmes aux exportateurs marocains. Ils ne cessent de dénoncer une concurrence déloyale des produits marocains à leur production, notamment la tomate?

Avoir des attentes c’est tout à fait normal quand on a un pays à l’honneur du salon de l’agriculture. La France est venue en force. Une cinquantaine d’entreprises françaises spécialisées participent au Salon. Elles ont eu des échanges avec les entreprises marocaines.
On peut dire que ces échanges se passent sur plusieurs niveaux. Il y a des niveaux interprofessionnels, c’est-à-dire des échanges entre associations et organisations professionnelles.
Il y a aussi des échanges côté technique : partage du savoir-faire, etc. Sont concernés par ces échanges techniques l’INRA et autres organismes de recherche. Le troisième volet concerne le côté commercial (partenariats, contrats, discussion autour de projets, …etc.).  Les salons sont faits aussi pour ça. En plus il y a le volet politique, mais ce côté ne nous concerne pas nous les professionnels.
Maintenant, si on revient au côté Organisations professionnelles, c’est vrai qu’il y a eu des tensions qui ont démarré il y a une année ou deux sur les programmes de la tomate. Ces organisations sont allées plus loin carrément, avec des blocages, des sit-in et des attaques contre les camions transportant les produits marocains. Il y a eu même des fausses rumeurs qui circulaient sur la qualité, la concurrence déloyale, etc.
Durant le Salon de l’agriculture de Paris, on a d’ailleurs entamé les discussions à ce sujet entre les professionnels de la filière de la tomate (des deux pays).

Cela a été concrétisé à Meknès lors du 17ème SIAM  avec la signature  mercredi 23 avril d’un accord entre Légumes de France, association spécialisée de la FNSEA, et son homologue marocaine, l’Association des producteurs et exportateurs de fruits et légumes marocains (Apefel). Cela a été annoncé dans un communiqué où Légumes de France déclare que les deux Organisations professionnelles ont signé une déclaration indiquant une «volonté commune de se coordonner» sur les tomates.

Il est à souligner que la Comader n’intervient jamais entre les interprofessions et les associations. Sauf si c’est pour rapprocher les divergences. En fait, on est là pour superviser et faire la coordination. On aide à concrétiser l’accord entre les deux Organisations des deux pays. Mais le dernier mot revient aux professionnels de la filière. C’est un accord en interne.

Avez-vous des inquiétudes quant à ce marché où, il faut le dire, les producteurs français sont furieux contre nos produits?

Non. Il n’y a pas de crainte. Certes, il y a les professionnels d’un côté. Ils sont furieux, mais les nôtres aussi ça leur arrive. Les professionnels sont là pour défendre leur business, c’est tout à fait normal. N’oubliez pas que d’un autre côté il y a surtout les consommateurs. Ce sont eux qui jugent et qui font leur choix. On peut dire ce qu’on veut sur un produit. Si le consommateur veut l’acheter eh bien il va l’acheter. Et c’est ce qui se passe. Le consommateur français veut acheter le produit marocain. D’ailleurs, nos produits sont très appréciés sur ce marché. Bien sûr Il y a des différences au niveau des prix. C’est tout à fait normal. Il y a la libre concurrence. Si on avait les mêmes prix pour tous les produits, ce ne serait pas normal du tout.

Le Maroc a connu  ces deux derniers mois des pluies importantes. Quel impact sur l’agriculture en général ? La situation est-elle rassurante, selon vous?

Au niveau des céréales, le chiffre a été annoncé par le ministère de l’agriculture. C’est un chiffre approximatif, mais il reflète la réalité. On a une bonne année par rapport à l’année dernière au niveau des céréales. Pour les autres produits, ils se portent très bien, jusqu’à présent. Il n’y a pas de problème. On peut dire qu’il y a un bon démarrage sur pas mal de choses. Sur l’olivier, les rosacés, etc. En principe, avec les pluies qu’on a eues dernièrement, ça va bien démarrer. Maintenant, ce n’est pas encore la fin. Ce n’est ni le début ni la fin. Bien sûr, on a encore besoin d’eau. On espère donc avoir encore plus d’eau.

Pour les cultures printanières, elles se portent aussi bien. Elles ont eu l’eau qu’il faut quand il faut. Jusqu’à présent on peut dire que la situation est rassurante. Mais maintenant il y a tout le reste. Il n’y a pas uniquement que la pluie. Il y a aussi les changements climatiques, c’est ce qu’on a d’ailleurs toujours dit. On a peur de ces énormes écarts qui se passent au niveau de la température. Car cela peut causer énormément de problèmes au cycle végétal dans les prochains mois. Dire que la sécheresse est derrière nous, jamais de la vie. On ne peut pas le dire. On est loin de dire ça. Parce qu’on ne sait pas ce qui va se passer. Deux mois de pluies ce n’est pas deux ans de pluies.

Ce contexte de grand bouleversement de l’ordre international, et des événements comme la guerre de l’Ukraine, mettent en avant le rôle premier de l’agriculture qui est de nourrir la population.  Au Maroc, on ne produit pas encore de quoi nourrir la population marocaine. Pensez-vous que le Royaume parviendra à avoir son autosuffisance pour nourrir sa population ?   

Aucun pays au monde, sauf  les USA et la Chine, ne peut le faire. Ces deux pays ont peut-être l’autosuffisance. Mais aucun pays ne produit totalement de quoi nourrir sa population. Nous, on se positionne comme si on était seul au monde. En France, par exemple, quatre légumes sur cinq sont importés. Alors que la France est l’un des pays les premiers au monde au niveau de l’agriculture. Mais on ne peut pas tout avoir. Si on a les fruits et légumes, on ne peut pas avoir les céréales. Et si on a les céréales, on ne peut pas avoir les fruits et légumes. L’autosuffisance ça n’existe pas.

Interview réalisée par Naima Cherii

 

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