Pêche artisanale à Dakhla : Réunion houleuse au ministère de la Pêche

village de pêche Lassargua à Dakhla (Photo : Naima Cherii archive)

Les membres de la Coordination des professionnels de la pêche artisanale à Dakhla espéraient faire entendre leurs arguments lors de la rencontre tenue mardi 15 avril avec la Secrétaire d’Etat chargée de la pêche, Zakia Driouich pour faire revenir celle-ci sur sa décision d’interdire la pêche de la seiche (Sépia) dans la zone sud de Sidi Ghazi à Dakhla-Oued Eddahab pendant les mois d’avril et mai 2025…

Mais, selon des sources concordantes, il n’y a aucun signe d’apaisement dans le bras de fer entre la filière de la pêche artisanale à Dakhla et le département de la pêche.

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Nos sources soulignent que la rencontre, qui a réuni la Secrétaire d’Etat chargée de la pêche, Zakia Driouich et dix membres de ladite Coordination, a été houleuse. «La rencontre n’a débouché sur aucun accord!», affirment les mêmes sources. Information qui nous a été confirmée par un des membres de la dite Coordination.

Dans un entretien téléphonique, celui-ci confie que la responsable gouvernementale a fait savoir aux professionnels de la pêche artisanale qu’ils doivent attendre vingt jours avant de voir si elle reviendrait  (ou non) sur sa décision.

Elle explique que sa décision dépendra  des données scientifiques sur la situation des stocks et du rapport de l’Institut national de la recherche halieutique (INRH) qui devra achever ses recherches, d’ici vingt jours, dit encore notre source.

Joints par Le Reporter, certains professionnels  à Dakhla estiment toutefois n’avoir pas obtenu des «assurances» de la responsable gouvernementale sur l’annulation de la décision. Leurs arguments : «En ce moment, il y a le mauvais temps. La mer n’est donc pas praticable. Les recherches menées par l’INRH ne vont pas refléter la situation réelle des stocks. On pense que l’achèvement des recherches en mer ne serait possible que d’ici six semaines. Or la mise en application de cette décision d’interdiction prendra fin à cette date», lâchent nos interlocuteurs.

Presque vingt jours après la décision prise par le département de la pêche d’interdire la pêche de la seiche (Sépia) dans la zone sud de Sidi Ghazi à Dakhla-Oued Eddahab durant les mois d’avril et mai 2025, les professionnels de la pêche artisanale ne décolèrent pas.

Ce jeudi 17 avril, soit deux jours après la réunion qui a eu lieu au ministère de la Pêche, les pêcheurs artisanaux (3000 barques), en arrêt d’activité depuis le 1er avril pour protester contre cette décision, n’ont pas encore repris la mer.

Sur les côtes de Dakhla, la pêche artisanale est encore  à l’arrêt, affirme Housseine Montassir, un acteur associatif et professionnel de la pêche artisanale à Dakhla, lequel exprime son indignation face à cette décision temporaire. «Cette décision a été prise sans concertation avec les professionnels de la filière. Pourtant, plus de 300 mille personnes sont liées à cette pêche. Ce n’est pas juste. On nous met des restrictions en cascade. C’est la mort complète de la pêche artisanale, tous métiers confondus», lâche notre interlocuteur, qui pointe un lobby de la pêche hauturière ! « Ce lobby veut que la zone sud de Sidi Ghazi soit fermée à la pêche après la campagne de poulpe», lance-t-il.

La situation des stocks de la seiche serait-elle préoccupante au sud de Sidi Ghazi? Le sujet soulève, en tout cas, une grande polémique dans la profession. Alors que la direction régionale de l’INRH à Dakhla évoque un fort épuisement des stocks de la Sépia dans cette zone, ce qui a causé une baisse des stocks, les professionnels de la filière critiquent le manque de justificatifs scientifiques à l’appui de cette interdiction. Ils rappellent que «la pêche artisanale repose sur des pratiques durables, contrairement à la pêche industrielle qui exploite les ressources halieutiques de manière beaucoup plus intensive».

L’armateur Housseine Montassir dit ne pas comprendre les raisons de cette décision. «Le ministère dit que c’est pour protéger les stocks halieutiques. Mais nous avons toujours pêché le Sépia pendant les mois d’avril et de mai. Nous avons toujours constaté que cette espèce est très abondante durant cette période dans les eaux de Dakhla», dit-il.

Durant la campagne de poulpe (du 1er janvier au 31 mars 2025), poursuit-il, le ministère nous ne permet de capturer la seiche qu’après avoir épuisé notre quota de poulpe. Mais le fait est que l’on est sorti en mer seulement vingt jours à cause du mauvais temps, et donc on n’a pas épuisé tout notre quota, soutient Montassir.

Selon lui, le Sépia était quasiment inexistant dans les zones où la pêche artisanale est autorisée de pêcher. «Ce poisson était abondant dans les pêcheries auxquelles les pêcheurs artisanaux ne pouvaient pas accéder. Ce sont plutôt  les hauturiers qui l’ont capturé durant les trois mois qu’a duré la campagne. Le ministère devait prendre en compte cette réalité», lâche ce professionnel, également membre de la Coordination des professionnels de la pêche artisanale à Dakhla.

Selon lui, cette interdiction «temporaire» de la pêche du Sépia est le dernier des nombreux griefs des professionnels de la pêche artisanale. «C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase!», dit-il, soulignant qu’il y a d’autres problèmes dont souffre la filière.

«Le ministère n’a pas encore donné satisfaction sur d’autres points principaux. Il fait la «sourde oreille» à nos doléances», déplore H.Montassir. Il indique au passage que parmi les autres revendications de la filière figurent, entre autres, la réduction des milles nautiques réservés à la pratique de la pêche artisanale, l’accélération du règlement de la pêche de certaines espèces comme la Corbine et un quota pour le Sépia.

Les professionnels de la filière dénoncent également le retrait définitif de la licence des barques en infraction, alors que les sanctions appliquées aux autres segments de la pêche se limitent à une diminution du quota de capture. Ils y voient une discrimination injuste contre les pêcheurs artisanaux, qui endurent déjà d’une concurrence inégale face à la pêche industrielle.

Par ailleurs, les pêcheurs artisanaux préviennent contre l’impact économique que cette décision d’interdiction pourrait entraîner. Selon eux, le maintien de cette décision risque de porter un coup dur à la filière de la pêche artisanale.

Ils en appellent d’ailleurs à l’intervention du wali de la région Dakhla-Oued Eddahab pour trouver une issue équitable qui concilie préservation de la ressource et continuité des activités économiques dans la ville.

«C’est une atteinte directe aux moyens de subsistance de milliers de pêcheurs. Les conséquences sont déjà là. D’ailleurs, notre chiffre d’affaires a diminué de 50%. Sans compter l’impact négatif sur les autres métiers qui dépendent de notre activité comme les unités frigorifiques, le marché local, les restaurants. Il faut savoir que l’économie locale à Dakhla est liée à la pêche artisanale. Beaucoup de gens ont cessé de travailler à cause de cette décision, comme les femmes qui travaillent dans les unités frigorifiques», s’écrie l’armateur Housseine Montassir. Celui-ci avertit sur la possibilité «d’intensifier» la mobilisation si le département de la pêche n’est pas au rendez-vous.  Un dossier à suivre.

Naima Cherii

 

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