Les relations bilatérales entre Rabat et Le Caire prennent-elles un nouvel élan ? Après l’annonce récemment d’un mécanisme «Fast Track» destiné à faciliter l’accès des exportations marocaines au marché égyptien, une délégation d’hommes d’affaires marocains s’apprête à visiter début avril 2025 le pays des pharaons pour conclure des contrats de partenariat commercial à l’ordre du jour. Les explications.
Fin des blocages au port de Casablanca. Des importateurs affirment le retour à la normale des opérations de déchargement sur camions des 480 conteneurs portant des marchandises importées de l’Egypte. «Après trois semaines de blocage, la situation a commencé à s’améliorer et depuis quelques jours, tous les camions sont servis comme à l’accoutumée», précisent des sources proches du dossier, soulignant que cette mesure serait une réaction aux obstacles instaurés par Le Caire à l’importation des voitures marocaines.
Mais pour des importateurs marocains, cette mesure de bloquer les marchandises égyptiennes au port de Casablanca devait être prise depuis longtemps, comme le déclare cette semaine à Le Reporter, Souhail Chakchak, vice-président de l’Union Générale des Entreprises et Professions (UGEP). Car, explique cet importateur, Chargé de partenariat et relations extérieures à l’Union, l’Egypte ne respectait pas l’accord d’Agadir qui régit le libre échange entre les deux pays. «Le Maroc est perdant dans cet accord. C’est un accord qui n’est pas dans l’intérêt de notre pays du point de vue commercial. D’ailleurs, l’équilibre commercial entre le Royaume et l’Egypte reste fortement déséquilibré en faveur de l’Egypte. Nos exportations vers ce pays demeurent très faibles (3%), alors que nos importations en provenance d’Égypte sont très importantes (98%)», tient à souligner Souhail Chakchak.
Selon lui, il y aurait un autre problème : toutes les sociétés qui exportent vers ce pays auraient un problème de blocage de leur marchandise qui peut atteindre jusqu’à 7 mois.
Notre interlocuteur, également président de la commission de développement des marques et des franchises nationales et internationales à la Chambre de commerce, d’industrie et de service (Région de Rabat-Salé-Kénitra), affirme que l’Egypte impose un certain nombre de restrictions à l’entrée de plusieurs exportations marocaines et ce, malgré leur conformité aux normes convenues.
«Il était temps de résoudre tous ces problèmes. Les responsables égyptiens et leurs homologues marocains devaient s’asseoir à la table pour trouver des solutions. Car on ne peut pas continuer avec toutes ces difficultés. D’ailleurs, les opérateurs marocains n’avaient plus envie d’exporter sur le marché égyptien surtout qu’ils peuvent exporter sur d’autres marchés», dit-il.
Gouvernement et hommes d’affaires ont fait le point sur les échanges commerciaux avec l’Égypte. Ces dernières semaines, plusieurs réunions ont d’ailleurs été tenues à ce sujet au département du Commerce extérieur. Les acteurs marocains ainsi que les responsables ont tous admis que les exportations marocaines vers le pays des pharaons restent en deçà des relations bilatérales modèles. C’est pourquoi ils comptent sur les actions menées ces dernières semaines pour booster les exportations marocaines vers l’Égypte, notamment à travers un forum de partenariat économique B2B, qui réunira très prochainement au Caire des opérateurs clés du secteur privé marocain et égyptien, indique l’importateur Souhail Chakchak.
Après plusieurs semaines de vives tensions, une délégation d’exportateurs marocains, présidée par le secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, Omar Hejira, devra en effet se rendre en Egypte début avril en vue de ratifier de nouvelles conventions de partenariat commercial avec les entreprises du pays des pharaons.
Cet événement se concentrera principalement sur plusieurs secteurs stratégiques susceptibles d’améliorer les exportations marocaines vers le pays des pharaons, indique notre interlocuteur. «Nous avons maintenant une liste de toutes les marchandises que les entreprises égyptiennes ont importées de tout les pays sur la période allant de 2022 à 2025. Cette liste a été soumise aux opérateurs marocains lors d’une récente réunion avec le secrétaire d’Etat Omar Hejira. En se basant sur cette liste, qui a été envoyée par l’Egypte, on connaît les besoins de ces entreprises auxquelles les opérateurs marocains vont présenter leurs offres exportables en marge de ce forum B2B», précise Souhail Chakchak. Selon celui-ci, d’ici quelques jours, une réunion se tiendra au ministère en vue d’échanger sur la préparation de cette mission à laquelle prendront part plusieurs acteurs dont ceux représentant l’UGEP, l’Asmex et la CGEM.
Notons que cette mission s’inscrit dans un cycle diplomatique intense entre Rabat et Le Caire, avec déjà un ministre égyptien en déplacement au Royaume. Une visite qui a porté ses fruits avec un accord qui a été officialisé à l’issue d’entretiens entre Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, Omar Hejira, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, et Hassan Al-Khatib, ministre égyptien de l’Investissement et du Commerce extérieur.
Cet accord vise à stimuler les échanges commerciaux entre les deux pays, à l’issue d’une rencontre qui s’est tenue le 28 février à Rabat. Cette réunion de haut niveau a permis d’établir les bases d’un dispositif ayant pour but de rationaliser les flux commerciaux entre Rabat et Le Caire et d’assurer une meilleure coordination entre les administrations concernées.
Il est aussi question de la mise en place d’une ligne de communication directe entre les deux pays en vue de dénouer très vite tout blocage entravant les exportations marocaines. Le but essentiel du système «Fast Track» est de garantir un suivi précis des échanges commerciaux bilatéraux, d’identifier les obstacles entravant la croissance des exportations et de proposer des solutions adaptées.
A l’époque, l’ancien ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, avait critiqué les entraves imposées aux marchandises marocaines sur le marché égyptien, affirmant que ces obstacles causaient au Maroc des pertes évaluées à environ 600 millions de dollars. Il avait évoqué le cas «des voitures fabriquées au Maroc». Ces automobiles se heurtent à des blocages lorsqu’elles sont exportées vers l’Égypte, cette dernière leur imposant des conditions strictes pour accéder à son marché.
Un des volets capital de l’accord signé le 28 février dernier concerne d’ailleurs le développement des exportations automobiles marocaines vers l’Égypte. L’industrie automobile représente aujourd’hui un des premiers secteurs exportateurs du Royaume, avec une forte capacité de production et d’innovation. Dans ce contexte, les ministres marocains et égyptiens se sont engagés à mettre en application toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’entrée des véhicules et composants automobiles marocains sur le marché égyptien.
N.Cherii