La cellule terroriste démantelée récemment dans plusieurs villes marocaines était un projet stratégique de la « wilaya de Daech au Sahel » pour mettre sur pied sa branche au Maroc, a indiqué, lundi 24 février 2025 à Salé, le directeur du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), Cherkaoui Habboub.
S’exprimant lors d’un point de presse organisé par le BCIJ, M. Habboub a fait savoir que « la dangerosité de cette cellule ne réside pas uniquement dans la multitude des cibles arrêtées, mais aussi dans le fait qu’elle s’inscrit dans un projet de la « wilaya de Daech au Sahel » de mettre sur pied une branche au Royaume ».
« Ce constat est confirmé par le procédé de gestion de cette cellule par le +Comité des opérations extérieures+ de la branche sahélienne ayant instruit aux membres de la structure démantelée de constituer un comité restreint pour coordonner avec lui les plans terroristes, leur exécution et la transmission des ordres aux autres éléments », a-t-il souligné.
S’attardant sur les caractéristiques principales et les ramifications de cette cellule avec les organisations terroristes évoluant au Sahel, M. Habboub a affirmé que le nombre des suspects arrêtés a atteint, jusqu’à ce stade de l’enquête, 12 personnes âgées entre 18 et 40.
Concernant le profil des personnes arrêtées, le directeur du BCIJ a indiqué que huit d’entre eux n’ont pas dépassé le niveau secondaire, trois ont un niveau primaire alors qu’un seul a atteint la première année universitaire.
Sur le plan social, a-t-il relevé, seulement deux membres sont mariés et ont des enfants, tandis que leurs situations professionnelles sont similaires, la majorité exerçant des métiers modestes et occasionnels.
M. Habboub a, également, fait observer que le traitement préliminaire de cette affaire a permis de relever que les membres de cette cellule terroriste étaient étroitement liés à des cadres du « comité des opérations extérieures » relevant de la branche sahélienne de « Daech », qui était dirigée par le dénommé Adnan Abou Walid al-Sahraoui (décédé), et que le projet terroriste des membres de cette cellule a reçu la bénédiction de la branche sahélienne de Daech, sachant qu’ils ont reçu récemment un enregistrement vidéo les incitant à exécuter les opérations, soit un passage imminent à la phase d’exécution des opérations malveillantes.
« Si toutes les tentatives d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ainsi que des groupes qui en sont issus ou affiliés à « Daech », de s’implanter au Maroc ont échoué, le démantèlement de cette cellule, à quelques semaines de la neutralisation de la cellule des +trois frères+ à Had Soualem (banlieue de Casablanca), confirme que le Royaume du Maroc, au regard de son adhésion aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme, demeure une cible prioritaire dans l’agenda de tous les groupes terroristes actifs dans la région du Sahel », a-t-il fait observer.
A cet égard, M. Habboub a rappelé que les services de sécurité marocains étaient les premiers à alerter la communauté internationale sur l’importance stratégique du continent africain dans l’agenda d’Al-Qaïda, matrice de tous les groupes terroristes actuels ayant contribué à la situation chaotique sévissant dans de nombreux pays sahéliens, raison pour laquelle les services marocains sont restés en état d’alerte maximale pour anticiper, contrer et avorter toute menace provenant des groupes terroristes, qui entretiennent des liens avérés avec des milices séparatistes et des réseaux du crime organisé dans la région.
Dans ce contexte, le directeur du BCIJ a rappelé que les services de sécurité marocains ont démantelé plus de 40 cellules ayant des liens directs avec les organisations terroristes de la région du Sahel et de l’Afrique subsaharienne, dont certaines étaient spécialisées dans l’envoi de combattants marocains dans la perspective de bénéficier de formations paramilitaires avant leur retour au pays pour commettre des actes terroristes, alors que d’autres opéraient sous le contrôle direct des « émirs de guerre » affiliés à ces organisations.
A titre d’exemple, M. Habboub a cité la cellule terroriste démantelée en décembre 2005 à Tanger, dirigée par le dénommé « Ibrahim », et qui avait des ramifications en Espagne ainsi qu’avec l’ex-GSPC ayant évolué alors à la zone sahélo-saharienne. Les enquêtes ont révélé que son émir avait séjourné pendant deux mois dans un camp d’entraînement du groupe au Mali, avant de se voir confier la mission de créer une base logistique et humaine pour préparer une série d’attentats au Maroc, avec le soutien d’un expert maghrébin en explosifs.
La découverte de la cache d’armes dans la région d’Errachidia, a-t-il poursuivi, rappelle la cellule d’Amgala, liée à AQMI, démantelée en janvier 2011. Cette cellule disposait aussi d’un dépôt d’armes lourdes situé à 220 km de Laâyoune, accessible uniquement via le système de géolocalisation, fourni alors par un seul individu, suivant le même procédé adopté par la présente structure, ce qui constitue un point commun entre les deux cellules, en plus du procédé de leur gestion à distance. A titre de rappel, la cellule d’Amgala était dirigée depuis le Mali par l’ancien cadre marocain d’AQMI, Noureddine El Youbi (décédé).
Selon le directeur du BCIJ, « si l’enquête se poursuit pour déterminer d’éventuels liens supplémentaires des membres de cette cellule et révéler ses ramifications transfrontalières potentielles, il est essentiel de souligner que cette opération sécuritaire confirme la tendance des branches africaines de « Daech » et consorts à internationaliser leurs activités, à travers la relance des opérations extérieures sous la houlette de la matrice mère ».
« Cela s’illustre d’ailleurs par la présence, au sein de leurs rangs, d’un grand nombre de combattants étrangers de diverses nationalités, comme l’a démontré l’attaque menée, le 31 décembre 2024, par la branche somalienne de +Daech+ contre les forces armées du Puntland, exécutée, exclusivement, par les combattants étrangers, dont deux kamikazes marocains ayant péri lors de l’opération », a rappelé M. Habboub.
Et de noter que la région du Sahel et de l’Afrique subsaharienne est considérée actuellement comme étant le théâtre d’activités intenses des groupes terroristes qui profitent de plusieurs facteurs favorables à leur survie dont les conflits ethniques et tribaux, l’instabilité politique, l’étendue des territoires, les difficultés des États de la région à asseoir leur autorité, ainsi que la convergence des activités de ces groupes terroristes avec celles des bandes criminelles.
Cette situation, a conclu le directeur du BCIJ, constitue une menace réelle pour les pays de l’Afrique du Nord, ainsi que pour les États européens, dans un contexte où les dirigeants terroristes cherchent à démontrer leur capacité à s’adapter aux évolutions et aux revers subis dans certaines zones sous leur influence.