C’était la première fois qu’Abdelmadjid Tebboune s’exprimait devant des médias depuis sa réélection à la tête de l’Algérie il y a quasiment un mois. Samedi 5 octobre 2024, au palais d’El Mouradia, Tebboune est revenu sur la relation entre Alger et Paris, qui connaît un net refroidissement depuis que la France a soutenu cet été le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara et la reconnaissance de la «marocanité» de ce territoire.
Depuis, la crise perdure, l’ambassadeur algérien en France a été rappelé et la plupart des canaux de contact sont suspendus sine die. Alger ne décroche plus le téléphone, pour reprendre les termes d’un proche du dossier bilatéral, et même la ligne Élysée-El Mouradia semble coupée révèle Le Point. «La France est particulièrement attachée à la relation exceptionnelle qui la lie à l’Algérie», avait déclaré le Président Macron qui a ensuite dépêché à Alger, le 11 septembre, sa conseillère Afrique du Nord et Moyen-Orient Anne-Claire Legendre, porteuse d’un «message» au Président algérien.
Mais d’emblée, les déclarations du Président algérien semblent sérieusement hypothéquer un retour à la normale et compromettre sa visite en France, maintes fois reportée et qui devait avoir lieu «fin septembre-début octobre». «Je n’irai pas à Canossa», a déclaré Tebboune en répondant à une question sur cette éventuelle visite. «Aller à Canossa», expression datant du conflit entre empereurs germaniques et rois français avec la papauté, désigne le fait de céder complètement devant quelqu’un, d’aller s’humilier devant son ennemi. Sur la question mémorielle, le président algérien a indiqué que la commission franco-algérienne des historiens, lancée avec Macron et qui ne s’est plus réunie depuis mai, «a joué son rôle au départ, mais son travail a été impacté par les déclarations politiques d’une minorité française hostile à l’Algérie».
Fin septembre, il a été pourtant annoncé, presque en catimini, par un membre algérien de ce groupe de travail, la récupération par Alger de deux millions deux cent cinquante mille documents des archives algériennes de l’époque coloniale, grâce aux travaux de ladite commission. «Je n’accepte pas les mensonges sur l’Algérie. Nous étions une population d’environ quatre millions et 132 ans plus tard, nous étions à peine neuf millions. Il y a eu un génocide […] l’Algérie avait été choisie pour le grand remplacement, le vrai grand remplacement», a-t-il martelé. Tout comme il considère comme des «mensonges» le fait qu’Alger bloque l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF): «Ce sont des mensonges, certains, avec des tendances bien connues, veulent que les Français détestent l’Algérie».
Patrice Zehr