Depuis le 1er janvier 2023 et pendant plusieurs semaines, les pêcheurs ne pourront pas capturer le poisson pélagique dans les eaux des provinces du sud. Une interdiction qui découle d’une décision prise par le département de la pêche à la demande de l’INRH dans un souci de préservation de l’espèce.
Les amateurs de la sardine devront encore prendre leur mal en patience pour les trois prochaines semaines. Raison: la pêche du poisson pélagique est depuis le 1er janvier interdite dans les pêcheries des provinces du sud, lesquels approvisionnent plusieurs marchés de gros de poisson du pays. Cette décision a été prise dans le cadre de la mise en application d’une stratégie visant à préserver les pêcheries de petits pélagiques. Dans les ports de Dakhla, Laayoune, Tarfaya. Tan-Tan, Sidi Ifni, Agadir ou encore Safi, des centaines de pêcheurs opérant à bord de bateaux sardiniers sont en arrêt depuis la mise en œuvre de cette décision d’interdiction de la pêche sardinière prévue jusqu’au 15 février pour Dakhla et le 1er février pour les autres ports, précisent des professionnels de la pêche sardinière. Au total, 28 navires RSW et 79 bateaux sardiniers au port de Dakhla sont concernés par cette interdiction. Et dans la zone allant de Laayoune à Agadir, plus de 500 sardiniers ne sortiront en mer qu’à compter du 1er février. Une interdiction aux lourdes conséquences pour les 10.000 marins-pêcheurs qui ont perdu leur emploi pendant cette période du repos biologique.
Mohamed n’est pas sorti en mer depuis le 1er janvier 2024.Ilreprendra son activité à bord d’un bateau sardinier (côtier) à Dakhla le 15 février prochain. « Ça fait plus de trois semaines que je suis contraint de rester à quai. J’ai des traites. Mais avec cet arrêt d’activité, je ne pourrais pas les payer», déclare à Le Reporter ce marin-pêcheur. «Ces arrêts sont un véritable coup de massue. Chaque fois qu’il y a un repos biologique, les choses se compliquent pour les marins-pêcheurs. Certes, cela contribue à préserver les ressources halieutiques. Mais la situation devient très difficile pour les pêcheurs. Surtout que beaucoup d’entre eux ont des charges financières mais qu’ils ne peuvent pas payer. Car ils ne bénéficient d’aucune indemnité durant cette période», se désole Mohamed, qui dit être en difficulté financière. Chez celui-ci, l’incompréhension est d’autant plus vive que l’interdiction de la pêche ne prend pas en considération la situation sociale des pêcheurs, s’interroge, non sans regret, ce marin-pêcheur.
Le sujet a récemment fait l’objet d’une question à la Chambre des Représentants au Parlement. Dans une question adressée au ministre de la Pêche, le parlementaire Hassan Omrebit s’est interrogé sur les mesures que le ministère envisage de mettre en place pour atténuer les répercussions subies par les gens de mer durant l’arrêt d’activité de la pêche pélagique. «Des milliers de marins-pêcheurs sont au chômage tout au long de ce mois», dit-il, soulignant que «les revenus des pêcheurs ont déjà baissé de manière spectaculaire au cours de l’année dernière surtout avec la chute des prises». Il ajoute : «Si l’impact de cette interdiction est positif pour le secteur de la pêche maritime, et constitue ainsi un mécanisme important pour la préservation des ressources halieutiques, les pêcheurs ne reçoivent aucune compensation pendant cette période d’arrêt d’activité de la pêche sardinière».
Comment justifier cet arrêt d’activité? Le département de la pêche argue de la question de la baisse des ressources halieutiques. Selon ce ministère, les débarquements des petits poissons pélagiques ont enregistré une baisse d’environ 26% entre 2022 et 2023. Dans les milieux des professionnels, on se dit aussi inquiet. «La situation est vraiment critique. La pêche pélagique est menacée dans la zone du stock C, laquelle était pourtant connue par son abondance en poisson petits pélagiques. D’ailleurs, on ne ramène plus les quantités de poisson qu’on capturait il y a quelques années. Et si on ne fait rien, on risque encore d’en subir les conséquences», déclare à LeReporter Ahmed Fandali, un pêcheur qui exerce à bord d’un navire RSW à Dakhla. Celui-ci pointe une surexploitation de la pêche du poisson pélagique ces dernières années. Ce qui menace sérieusement sa préservation sur les côtes marocaines, déplore ce pêcheur, membre de l’association nationale des marins-pêcheurs du Maroc. Ce dernier, qui critique également le manque de contrôle, se veut ferme. «Il y a une baisse du stock des petits pélagiques pendant toute l’année dans les eaux de Dakhla. Je pense que l’on va encore souffrir de cette diminution dans les années à venir. Ce repos biologique est une bonne chose pour la ressource. Mais un mois et demi d’arrêt d’activité c’est très peu. Il faut plus au regard de la forte chute de la ressource. Disons, il faut deux repos biologiques par an, si on veut vraiment préserver le stock du poisson pélagique», insiste Fandali.
Naima Cherii