Le ministère de l’Economie et des Finances et la Banque Africaine de Développement (BAD) ont dévoilé, mercredi 6 décembre 2023, les résultats d’une Etude conjointe intitulée «Profil entrepreneurial du Maroc».
Première sur le continent, cette étude s’appuie sur une enquête nationale relative au profil entrepreneurial, représentative du marché du travail sur le plan national et régional. Elle identifie les caractéristiques socio-démographiques et les capacités intrinsèques des entrepreneurs, et détermine les principales contraintes et besoins en termes d’appui à la création et au développement de leurs entreprises. L’ enquête a couvert 9.085 personnes au sein de 3.034 ménages, parmi lesquels 2 297 entrepreneurs (établis et potentiels) ont été identifiés. Ces entrepreneurs représentent une population de 7,4 millions d’individus répartis sur l’ensemble du territoire marocain.
Les résultats de l’étude montrent que le Royaume dispose d’un potentiel entrepreneurial conséquent à son niveau de développement. En effet, ce potentiel est estimé à 25% de la population marocaine âgée de 18 et plus, répartie entre 9% d’entrepreneurs établis et 16% d’entrepreneurs potentiels ayant initié des actions conceptuelles ou concrètes en vue de créer une entreprise. Cependant, l’étude révèle que 57% des entrepreneurs établis le sont par nécessité à travers des micro et petites entreprises dans des secteurs et activités à faible productivité (près de 50% sont des travailleurs indépendants et 40% sont chefs d’entreprise disposant d’un maximum de trois employés).
L’étude révèle que 22% des entreprises créées sont dirigées par des femmes. En ce qui concerne les entrepreneurs potentiels, 44% sont des femmes, ce qui reflète leur aspiration grandissante à s’engager dans l’entrepreneuriat.
L’entrepreneuriat informel s’établit à plus de 70% au niveau national. Les diverses réglementations (fiscalité, charges sociales et procédures administratives) et l’instabilité de l’activité économique sont perçues comme les principales contraintes à la formalisation. En revanche, l’accès à une couverture maladie et à la retraite constituent pour les entrepreneurs des incitations à formaliser leurs activités, ce qui conforte le chantier de l’extension de la protection sociale.
De plus, l’étude confirme que l’entrepreneuriat et le développement des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) constituent une importante source d’emplois à court et moyen terme pour le pays. Si seulement 5% des entrepreneurs établis et potentiels arrivaient à développer leur entreprise, cela pourrait générer, en moyenne, 100 000 emplois par an au niveau national. En ce sens, l’étude identifie cinq piliers qui devraient constituer le socle d’une stratégie de promotion de l’entrepreneuriat au Maroc, à savoir : Marchés ; Accompagnement ; Réglementation ; Éducation et Financement (MAREF).
Par rapport aux marchés, il s’agit de libérer le potentiel des entrepreneurs en leur facilitant l’accès aux marchés et en mobilisant, au niveau territorial, des investissements privés afin de développer des chaînes de valeur et créer des opportunités commerciales pour les TPME.
S’agissant de l’accompagnement, près de 60 % des entrepreneurs, notamment les femmes, sollicitent un soutien technique. Le but est de mettre à l’échelle les programmes existants pour couvrir la demande et mettre en place une offre de services d’appui adaptée, en faveur d’une population d’entrepreneurs hétérogène.
En termes de réglementation, il est nécessaire de faire évoluer le cadre réglementaire pour favoriser la création et le développement des TPME, la formalisation des unités économiques informelles et l’extension de la Sécurité sociale à tous les travailleurs indépendants.
Une stratégie en faveur de l’entrepreneuriat requiert également des réformes dans le secteur de l’éducation. A court terme, il est nécessaire d’améliorer davantage le niveau d’éducation de la population active, y compris des primo-entrepreneurs, et de promouvoir l’entrepreneuriat dans la formation professionnelle et l’enseignement universitaire. À moyen et long terme, le développement des capacités nécessaires à l’activité entrepreneuriale requiert des interventions au niveau du préscolaire et de l’éducation de base.
Enfin, le besoin de financement est exprimé à plus de 80% alors que seuls 6,7 % des entrepreneurs ont déposé un dossier de financement auprès d’une banque. Un paradoxe qui pourrait s’expliquer par l’importance de l’informel et la part des projets non viables.
L’action publique a d’ores et déjà déployé des éléments de réponse aux problématiques soulevées par la présente enquête. Ainsi, plusieurs réformes ont été mises en places par le Maroc, notamment le renforcement du système national de garantie de financement et d’appui à l’entrepreneuriat, l’adoption d’une stratégie nationale d’inclusion financière, l’adoption de la nouvelle charte d’investissement prévoyant un dispositif d’appui aux TPME et l’intégration d’un pilier dédié à l’entrepreneuriat au niveau du cadre national de l’environnement des affaires. De plus, plusieurs initiatives et programmes d’appui à l’entrepreneuriat sont mis en place au profit de différentes catégories d’entrepreneurs (l’Initiative nationale pour le développement dumain, Intelaka, Innov Invest, Ana Mokawi, Forsa…).