Affaire Ouahbi: Ce qui est impardonnable…

L’affaire porte le nom du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, également patron de l’un des trois partis de la Majorité actuelle, le Parti Authenticité et Modernité (PAM). Ceux qui l’ont baptisée ainsi sont encore parmi les plus cléments. Les autres la qualifient tout simplement de «Scandale Ouahbi», tant cette affaire a suscité de colère et de sidération.

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Il s’agit, bien sûr, des polémiques et vives contestations qui ont entouré le concours
national pour l’obtention du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA).
On ne reprendra pas, ici, les aspects «techniques» controversés de cette affaire, dont
nul n’ignore plus aucun détail aujourd’hui… Pourquoi le recours dans ce concours à la
méthode QCM (Questionnaire à choix multiples), plutôt que des épreuves de maîtrise
des textes juridiques et d’analyse du système judiciaire ? Pourquoi certaines candidatures à ce concours qui n’auraient pas dû être permises ? Pourquoi certaines erreurs et confusions de noms dans les admissions ? Pourquoi des décisions intempestives et unilatérales de réduction de points permettant l’obtention du certificat ? etc.

Tout ceci a été contesté, débattu, sassé et ressassé depuis l’annonce des résultats, le
30 décembre dernier (2022). La colère n’est certes pas retombée. Elle est toujours là, même si les appels à la démission du ministre se sont estompés. Mais quand bien même la résignation remplacerait la colère, cela ne changerait rien à ce que l’on peut considérer comme le plus impardonnable dans cette affaire. Et le plus impardonnable tient en deux points essentiels: le coup porté à la jeunesse de ce pays ; et le coup porté au pays-même.

Monsieur le ministre Ouahbi, que ce soit par arrogance ou par inconscience, ne réalise
pas à quel point l’effet d’une seule de ses phrase a été dévastateur sur la Jeunesse du
pays. Lorsqu’au beau milieu de la polémique, alors que fusent les accusations selon
lesquelles ce concours pour le CAPA 2023 a été taillé sur mesure pour les «pistonnés»
et «fils de», les médias osent citer son fils parmi les heureux gagnant du concours, le
ministre réplique par les arguments les plus désastreux qui soient. Il lance dans un
hochement de mentonque son fils a un diplôme de Montréalet que son père qui est
riche lui a payé des études à l’étranger ! Quatre coups de poings en une phrase !

Et vlan pour le système éducatif et les études universitaires du pays qui ne valent pas
ceux de Montréal ! Et vlan pour le petit Peuple qui n’a pas de père riche ! Et vlan pour
l’égalité des chances et le mérite ! Et (surtout) vlan pour la confiance des jeunes dans
leur pays.

Avec cette phrase, tous leurs rêves, leurs espoirs volent en éclat ! Au lieu de calmer les esprits, en se défendant de tout favoritisme, clientélisme, ou une quelconque volonté de discrimination, le ministre, qui n’a pas conscience du poids de la parole publique, avec ces quelques mots, a jeté des tonneaux d’huile sur le feu. Non seulement la colère est repartie de plus belle, sur le moment-même, mais –et c’est le plus grave-il a irrémédiablement démoli tout ce que le Discours officiel tente, depuis des années, d’inculquer aux jeunes

Qu’ils peuvent croire en leur pays, que les mauvaises pratiques n’y ont plus cours ou qu’elles sont combattues, que les luttes de classes sont un anachronisme, que le travail paie, etc.

Depuis cette malheureuse phrase -les réseaux sociaux et les humoristes surfant allègrement sur la vague- il n’est pas un citoyen lambda qui ne répète, désabusé, que
seuls les riches et ceux qui ont un nom réussissent ; et que «OuladEchaâb» ne peuvent
rien attendre !

Et les dégâts ne se sont pas limités aux regrettables conclusions que la jeunesse
marocaine a tirées de cette affaire… Le pays tout entier en a, bien évidemment, pâti.
Comment pardonner au ministre Ouahbi d’avoir brutalement descendu les citoyens
marocains du petit nuage sur lequel les ont hissés les valeureux Lions de l’Atlas avec
leurs belles et inédites performances ?Pire… D’avoir escamoté la magnifique image du
Maroc qu’a laissé ce Mondial à l’échelle internationale… Il faudra beaucoup de temps et d’efforts pour remonter la pente. En est-il seulement conscient, lui qui continue de tonitruer… ?

Bahia Amrani

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