La 6ème édition du Salon professionnel de la pêche «Halieutis» se tiendra à Agadir, du 1 au 5 février 2023. L’événement, qui devait se dérouler en février 2021, fera ainsi son come-back après une année d’absence due au nouveau coronavirus.
Depuis 2009, tous les deux ans, le Salon «Halieutis» réunit l’ensemble des acteurs du secteur de la pêche, de la production à la distribution en passant par la transformation.
Rassemblant plus de 300 exposants venus de 40 pays et 50.000 visiteurs (chiffres 2019), Halieutis a été mis en place pour promouvoir et valoriser les produits de la pêche marocains. Halieutis est d’ailleurs le nom de la stratégie nationale qui a été initiée pour développer le secteur halieutique à l’horizon 2020, y compris l’aquaculture.
Pendant cinq jours, des centaines de décideurs issus des secteurs public et privé se retrouveront lors de cette manifestation, très attendue par les professionnels, afin de débattre des enjeux qui les concernent, partager leurs expériences et apporter leur vision. Au programme, des rencontres, des débats, des conférences et des tables rondes centrés sur le rôle économique de la pêche et de ses filières.
Lors de ce rendez-vous, le département de la pêche devra dévoiler les résultats de l’étude lancée, il y a près de deux ans, pour une nouvelle phase de la stratégie Halieutis qui est arrivée à échéance en 2020. Un appel d’offre a été lancé pour sélectionner un bureau externe pour accompagner le ministère à réaliser une étude pour l’élaboration et la mise en place d’une stratégie renouvelée pour la période 2020-2030. Les objectifs affichés par ce département rejoignent ceux de la première phase: Modernisation et compétitivité du secteur halieutique. Pour un coût de 17,8 MDH, cette étude doit prendre en considération le diagnostic, accompli par le ministère de la pêche. La première étape de l’étude c’est «d’orienter les choix stratégiques du secteur durant la période 2020-2030 tout en maintenant en ligne de mire ses enjeux prioritaires».
Sources d’inquiétudes…
A quelques semaines de la tenue de l’évènement, plusieurs professionnels de la pêche demeurent soucieux quant à certaines problématiques qui, selon eux, n’auraient pas encore été réglées. Pillage du poulpe pendant le repos biologique, informel, utilisation des engins prohibés ou encore le déclin de la ressource, etc., sont autant des questions qui constituent toujours des sources d’inquiétude pour les professionnels, comme le déclare ce mardi 11 octobre 2022 Abdelouahed Chaer, vice-président de la Chambre des pêches maritimes de la Méditerrannée.
«Le plan Halieutis I promettait de régler tous ces problèmes. Pourtant, plus de dix ans après le lancement de la stratégie, des difficultés persistent encore et des failles importantes se retrouvent à tous les niveaux», dit l’armateur Abdelouahed Chaer, également président du Conseil communal de M’diq. Un des sujets qui préoccupe beaucoup, ces dernières années, celui de la chute de la ressource halieutique, tient-il à souligner.
A en croire ce professionnel, le secteur marocain de la pêche passerait par des moments très difficiles à cause de cette baisse. «Dans la zone située sur la rive de la méditerranée, les réserves du poisson pélagique s’épuisent et si ça continue, il n’y aura plus de sardines dans les eaux du nord!», prévient-il.
A la Fédération des Chambres des pêches maritimes, on estime aussi que cette zone serait même considérée comme zone sinistrée. «En dehors de quelques barques de la pêche artisanale qui travaillent sur un peu de thon rouge, de l’espadon, ou encore sur le poulpe durant la campagne des céphalopodes, il y a le problème du Negro qui préoccupe beaucoup. D’ailleurs, 90% des bateaux opérant dans la pêche pélagique ont quitté la zone. Une partie de ces bateaux est allée au port de Tanger, ou à Larache, alors que la majorité d’entre ces navires opère aujourd’hui à Mehdia», alerte le président de cette Fédération, Larbi Mhidi, dans une interview exclusive accordée récemment à Le Reporter.
Ce dernier évoque une autre zone qui serait également touchée par cette baisse du poisson pélagique. Il s’agit, dit-il, de la zone se trouvant entre Larache et Mohammedia. Les stocks en pélagique y ont diminué de 70 à 80%, assure le président de la fédération. Cette diminution de la ressource pourrait avoir des conséquences sur les produits de mer commercialisés sur les marchés intérieurs. «Par rapport à 2021 et à 2019, il y a eu une baisse d’environ 15 et 20%. La valeur est élevée mais du point de vue tonnage, les chiffres montrent qu’il y a effectivement une diminution», dit-il.
Parmi les sujets qui focalisent les discussions dans les milieux des professionnels de la pêche, figure également le dossier de la formation des marins-pêcheurs, de patrons de pêche, des mécaniciens, des seconds mécaniciens et des seconds patrons de pêche.
Les déclarations de certains professionnels du secteur que nous avons approchés cette semaine montrent qu’il faut aussi améliorer les conditions de travail des gens de la mer. «Notre préoccupation c’est d’améliorer ce qui est à améliorer, comme régler la question de manque de main d’œuvre», souligne un professionnel de la pêche côtière.
«Le secteur connait un manque des effectifs des bateaux de pêche. Près de 40 à 50% de la flotte des palangriers sont actuellement en arrêt à cause justement de ce problème de pénurie de main d’œuvre», indique à ce sujet le président de cette Fédération. Il ajoute que cette question de la formation constitue actuellement une source d’inquiétude pour les professionnels. «90% des patrons de pêche exerçant dans la pêche côtière ont des licences de type A. Ils n’ont pas le droit de sortir avec des bateaux qui ont une puissance de plus de 300 CV. Or 90% de nos bateaux dépassent 300 CV. Pour naviguer à bord d’un navire qui a une puissance de 400 ou de 600 CV, le patron de pêche doit avoir une licence de type B. Or, pour avoir cette licence il faut des centres dédiés à cette formation. Mais ces centres n’existent que dans certains ports du pays. Résultat de cette situation: 90% de la flotte travaille actuellement avec des dérogations. Ce qui n’est pas normal», argumente Larbi Mhidi.
Autre source d’inquiétude, les quotas et les licences délivrées pour capturer le thon rouge. «Ce quota bénéfice à un club fermé (14 madragues). On ne comprend pas pourquoi ce sont toujours les mêmes qui en profitent», lancent des membres de la Confédération nationale de la pêche côtière (CNPC). Ceux-ci demandent que cette situation change dans la stratégie II.
Le secteur en chiffres
Le secteur de la pêche maritime joue un rôle économique et social important dans l’économie nationale. Sa contribution au PIB a été de l’ordre de 2,3 % en moyenne durant les dix dernières années. La filière pêche engendre plus de 17.0000 emplois directs et près de 500.000 emplois indirects.
Avec une production annuelle d’un million de tonnes, le Royaume est le premier producteur africain de produits de la mer et le vingt-cinquième sur le plan international. Près de 95 % de cette production est tiré de la pêche côtière (1800 navires) et de la pêche artisanale (14000 barques). Le reste est assuré par la pêche hauturière (356 bateaux).
Doté d’une double façade maritime, atlantique et méditerranéenne, le Maroc dispose de 3500 km de côtes riches en poissons, en coquillages et en crustacés. Cette ressource halieutique se décompose en cinq grandes catégories. Les poissons pélagiques qui comprennent notamment la sardine, les anchois, le maquereau, le chinchard, l’espadon et les thonidés ; les poissons blancs qui englobent le merlu, le colin, le loup-bar, le saint-pierre, la sole, le pageot, le rouget, la rascasse… ; les céphalopodes (poulpe, calamar, seiche…) ; les crustacés : crevette rose, langouste et langoustine, homard, cigale, crevette royale et les coquillages (palourdes, couteau, vernis…), les algues (dont l’agar-agar) et les échinodermes (dont les oursins).
La valorisation de ces produits de la mer se fait sous la forme de produits congelés, de poissons frais, de conserves, de farine et d’huile de poisson. Cette industrie représente 50 % des exportations agroalimentaires du Maroc, soit 7 % de ses exportations totales en valeurs.
Naîma Cherii