La guerre, ce n’est jamais bon. Il est bien évident que «tout est pire» dans une guerre. Même quand on en sort vainqueur, on y a toujours sa part du «pire».
Mais cette guerre en Ukraine, qui a démarré avec la menace, dès les premiers jours, de muer en 3ème guerre mondiale, voire en guerre nucléaire, donne le tournis dès lors qu’on sort de l’émotion pour réfléchir posément à ses impacts.
Qui peut réellement dire ce qu’il y a de pire dans ce conflit en terre d’Ukraine ?
Est-ce que ce sont les civils que l’on voit aux informations télévisées du soir, soit hagards, prendre la route de l’exode abandonnant derrière eux tout ce qu’ils possèdent (et parfois des membres de leur famille aussi), soit terrés dans des abris souterrains espérant être épargnés par les bombes, soit cadavres à même le sol que seul le froid empêche de se décomposer…?
Ou bien est-ce que ce sont les destructions en chaîne des grandes villes de cette Ukraine qu’on appelait «la petite Russie», aujourd’hui quasiment toutes transformées en champs de ruines qui mettront des années à se relever de cette guerre et à se débarrasser de ses hideux stigmates ?
Le pire, est-ce de constater -définitivement- que ni l’ONU qui a été créée pour empêcher les guerres, remplaçant la SDN qui avait échoué en cela, ni le droit international avec toutes ses conventions signées et ratifiées, ne sont en mesure d’empêcher ni d’arrêter les conflits armés ?
Ou est-ce que le pire, c’est ce qui est encore à venir et qui ne se limitera pas à la seule région de la Russie et de l’Ukraine ? Car cette guerre n’est pas celle de la Russie et de l’Ukraine uniquement. Les États Unis, tous les pays d’Europe, l’OTAN, y sont impliqués se tenant aux côtés de l’Ukraine.
Certes, ils ne livrent pas directement de combat sur le terrain. La Russie a menacé de recourir à l’arme nucléaire s’ils le faisaient, les prévenant que même leur éventuelle intervention dans le ciel ukrainien -dont elle a pris le contrôle- en ferait des cobelligérants.
Mais, à défaut d’opposer à la Russie leurs forces armées (déployées cependant aux frontières et l’armement fourni à l’Ukraine), les États Unis et l’Europe ont infligé au pays de Poutine une série de sanctions économiques et financières, qui auront fatalement des répercussions sur l’économie et les finances du reste du monde. Tous ceux qui commerçaient avec la Russie en seront inévitablement impactés, l’Europe en tête, elle dont la dépendance en gaz russe apparaît aujourd’hui au grand jour. Si l’on ajoute à cela que la Russie et l’Ukraine sont de grands producteurs et exportateurs de gaz et de blé, on réalise que l’effarante hausse des cours des hydrocarbures et des produits alimentaires, constatée depuis quelques semaines à l’échelle mondiale, ne fait que commencer… Comment arriveront donc à tenir aussi bien les États que les citoyens qui viennent de sortir de deux longues années de crise due la pandémie Covid-19 ?
Certes, tous les sages –dont le Maroc- appellent à des négociations urgentes pour mettre fin à cette guerre qui décime le peuple ukrainien, détruit l’Ukraine et dont le monde entier paie et paiera encore le prix.
Mais le pire n’est-il pas de réaliser -à la fois- que, si ces négociations n’aboutissent pas, le carnage se poursuivra, la menace d’un conflit généralisé persistera et le coût sera de plus en plus lourd pour tous. Et que si elles aboutissent, ce ne serait qu’à la condition que l’Ukraine ne tombe pas dans le giron de l’OTAN. Ce qui signifierait que ce que réclamait la Russie (pas d’OTAN à ses frontières) serait finalement entériné et qu’il y aurait eu toute cette horrible guerre pour ne revenir qu’à la case départ !
Par contre, sur le plan géopolitique, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’à l’issue de cette guerre, il n’y aura pas de retour à la case départ… Les Etats-Unis craignaient la Chine plus que la Russie. Aujourd’hui, ces deux puissances ne peuvent objectivement que se rapprocher. Si on compte avec la Chine et la Russie leurs alliés –notamment la Corée et l’Iran- on voit bien à quoi donne lieu cette redistribution des cartes. Tandis que l’Occident, de son côté, réalise sa dépendance et sa faiblesse face à un tel Bloc… Mais aussi sa désunion… Les Etats Unis campant leur rôle de 1ère grande puissance ; et l’Europe étant tiraillée entre son appartenance à l’Alliance atlantique (dominée par les Etats Unis) et ses velléités de devenir à elle seule un Bloc de la taille de ceux qu’elle a en face.
Nul ne sait comment tout cela se terminera, mais en définitive, il semble bien que le pire dans cette guerre, c’est de ne pas avoir su l’éviter.
D’où, l’urgente nécessité de trouver le moyen de l’arrêter !
Bahia Amrani