Les femmes sont à l’honneur sur tous les plateaux de télévisions, les antennes des radios, dans les journaux et les médias électroniques. Portraits, reportages, entretiens, articles…etc. La journée du 8 mars est l’occasion de rappeler le combat toujours d’actualité pour l’égalité des droits.
Chaque année, dans le monde entier, syndicats et organisations de militantes, en cette journée, exigent «l’égalité, dans les milieux de travail comme dans la vie». Cette journée est également l’occasion de bilans sur la situation actuelle.
Pour la Journée des femmes 2022, le thème désigné par l’Organisation des Nations Unies (ONU) est «L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable». Une thématique, explique l’ONU, « en reconnaissance de la contribution des femmes et des filles du monde entier qui mènent l’offensive quant à l’adaptation et la réponse aux changements climatiques et à leur atténuation, en faveur de la construction d’un avenir plus durable pour toutes les personne».
Au Maroc, des associations et des syndicats, en profitent également pour faire entendre les revendications qui restent à l’ordre du jour. « Il y a certes des acquis mais il reste encore beaucoup à faire », soulignent des associatives. Femmes au foyer, aides à domicile, serveuses au café, sages femmes, assistantes de personnes en situation d’handicap, travailleuses en usines, ouvrières agricoles, etc. Pour toutes ces femmes, poursuivent les mêmes associatives, «il est encore impossible de parler d’égalité».
Plusieurs partis politiques avaient promis de faire de l’égalité au travail l’une des grandes causes de leur campagne électorales, disent les mêmes sources. « Une opération d’enfumage» déplorent-elles. Elles concluent : «L’heure est à la convergence des luttes pour gagner enfin, l’égalité ! Car certaines femmes pensent encore qu’elles sont les grandes oubliées de tout les gouvernements qui se sont succédés. Les sages femmes, pour ne citer qu’elles, estiment qu’elles sont peu reconnues parce qu’elles sont des femmes qui s’occupent des femmes».
Les inégalités persistent…
L’un des secteurs les plus pointés quand il s’agit « d’inégalité » est le secteur agricole. Le ton est donné par Samira Raiss, vice-secrétaire générale de l’organisation de la femme du secteur agricole, laquelle souligne que les ouvrières agricoles se trouvent dans une situation difficile et précaire. « Il est difficile d’atteindre l’égalité pour ces ouvrières dans une situation caractérisée par la fragilité et l’instabilité, des bas salaires et une discrimination entre les hommes et les femmes en termes de rémunération, le non-respect de la législation du travail et des horaires légaux de travail, le non-respect des droits de la maternité, l’absence des comités de santé et de sécurité, l’importance de la violence et du harcèlement sexuelle,…etc », dénonce-t-elle, en pointant les autorités qui, dit-elle, fermeraient les yeux sur les violations commises à l’encontre des ouvrières.
Pour sa part, le Secrétaire régional du secteur agricole dans la région de Sous Massa, El Houceine Boulbourj évoque, lui-aussi, de nombreuses inégalités et des discriminations dont sont encore victimes les femmes par rapport aux hommes notamment dans le secteur agricole. « On est malheureusement encore très loin de l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier dans les milieux de travail… Et peut-être n’y arriverons-nous jamais si nos gouvernements ne font rien pour améliorer la situation de la femme au travail », comme le dit le Secrétaire régional, El Houceine Boulbourj. « Certes on a réglé un certain nombre de problèmes. Mais on ne peut pas dire que nous les avons, tous, résolus pour atteindre l’objectif de l’égalité », estime-t-il.
Pour ce responsable syndical, «les inégalités persistent dans le secteur agricole». Les ouvrières agricoles gagnent toujours moins que les hommes, dit El Houceine Boulbourj, qui révèle les injustices que subissent les ouvrières dans les fermes agricoles. Chiffres à l’appui, dans certaines régions du royaume, la femme perçoit 40 à 50 dirhams par jour, contre 70 à 100 dirhams pour l’homme, dit-il. Le salaire mensuel net des femmes est notamment de 2400 à 2700 dirhams contre 3000 à 3500 dirhams pour les hommes, selon la même source. Ce salaire, poursuit-il, est encore plus faible quand il s’agit d’entreprise agricole non structurée.
Le responsable syndical évoque une autre discrimination vis-à-vis des ouvrières agricoles. « Ces ouvrières peuvent travailler plusieurs années dans une entreprise agricole. Mais celle-ci, quand elle a besoin d’un responsable chef d’équipe, elle ne prend pas en considération les compétences de ces femmes. C’est toujours un homme qu’elle va désigner pour ce poste de responsabilité, même sans expérience et sans compétences. Dans la région de Sous-Massa, c’est rare de recruter une femme chef d’équipe», affirme le secrétaire régional, qui pointe, entre autres, « le non respect du code de travail». Pour ces femmes, « il n’y a pas de travail régulier. Pourtant elles travaillent 10 à 11 mois par an. Ce qui a généré des situations extrêmement difficiles pour plusieurs ouvrières », explique-t-il.
Le syndicaliste déplore aussi les violences fondées sur le genre, ainsi que des violences sexuelles dont sont victimes plusieurs ouvrières. «Notre syndicat s’est basé sur les témoignages des ouvrières agricoles qui sont victimes de ces violence. Certes, il y a des patrons corrects, mais certains se comportent de manière agressive et violente avec leurs employées. Ils leur maquent de respect et exigent d’elles de faire des choses qu’elles ne veulent pas faire», dit El Houceine Boulbourj.
Cette année, fait-il savoir, à l’occasion de la journée internationale de la femme, le syndicat agricole affilié à l’UMT a lancé une campagne de sensibilisation, du 3 au 14 mars, pour lutter justement contre ces violences qui sont faites à l’encontre des ouvrières. Par cette campagne, dit-il, «nous réclamons des entreprises agricoles et des fermes sans violence sexiste et sexuelle».
Notre interlocuteur tient aussi à signaler que les conditions de travail de ces ouvrières sont difficiles, voire dangereuses. Il déplore, dans ce cadre, les moyens de transport (camionnettes ou pickup) censés acheminer ces femmes sur leur lieu de travail, ce qui est trop risqué pour ces ouvrières, dit-il. « Généralement ce sont les ouvrières qui utilisent ces moyens de transport. Elles s’entassent à l’arrière d’une camionnette ou d’un pickup, souvent debout sur la remorque. Plusieurs femmes sont mortes dans la région de Sous-Massa, dans des accidents de pickups», précise le responsable syndical, soulignant que les hommes, quant à eux, utilisent leur propre moyen de transport (motocycles,…).
Ces femmes, qui représentent 80 % de la main d’œuvre agricole, n’ont pas vraiment le choix, dit-il. « Elles sont issues de familles très pauvres. Elles choisissent de travailler, même si les conditions sont difficiles et lamentables. Ce sont souvent elles qui subviennent aux besoins de leurs familles et leurs enfants. A leur retour du travail, quand elles retrouvent leur modeste foyer, elles sont très fatiguées, mais ce sont elles – et non pas leur maris- qui doivent préparer à manger à leurs enfants. Et elles doivent se réveiller à l’aube, à 4 heures, pour pouvoir préparer le petit déjeuner pour leurs enfants avant d’aller au travail qui commence à 7 heures du matin », souligne le secrétaire régional du syndicat agricole.
Il appelle à cette occasion le gouvernement à dégager des moyens pour mettre en place des crèches et des établissements préscolaires pour les enfants de ces ouvrières, qui, dit-il, vivent dans des conditions lamentables dans des logements qui ne sont reliés ni à l’assainissement, ni à l’électricité !
Naîma Cherii