A qui cela aura-t-il échappé ? Depuis le triple scrutin du 8 septembre dernier (Législatives, Communales et Régionales), il n’y en a plus que pour l’opposition dans tous les commentaires et analyses. 

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Les partis qui doivent ou ne doivent pas être dans l’opposition, le rôle de l’opposition tel que renforcé par la dernière Constitution (2011), l’équilibre auquel il faudrait veiller entre Majorité et opposition, les (maigres) chances d’une action commune de l’actuelle opposition… 

Tous ces sujets abordés, voire rabâchés, ont leur place dans un contexte électoral, certes, mais il y a quelque chose de nouveau dans l’intérêt que suscite l’opposition, depuis les résultats des consultations de ce 8 septembre 2021. 

En effet, ces résultats ont, de la façon la plus inattendue, braqué les projecteurs sur l’opposition, dès lors que l’ampleur de la débâcle du parti qui dirigeait la Majorité gouvernementale depuis 10 ans a été rendue publique. 

Le PJD (Parti Justice et Développement, à référentiel islamiste), jusque-là 1er parti avec 125 sièges au Parlement, n’obtenait cette fois-ci, à la consternation générale, que 13 sièges !

Avant de prendre connaissance de sa déroute, il brandissait la menace de passer à l’opposition s’il n’arrivait que second… Et le voilà qui se retrouve quasiment dernier, en 8ème position, loin derrière ceux qu’il qualifiait de petits partis et se voyant, non pas par choix mais contraint par les urnes, de concrétiser sa menace.

Ce sera l’opposition donc, de facto, pour le PJD… Mais l’opposition avec quel poids ? 13 sièges, cela ne permet même pas de constituer un groupe parlementaire.

Par contre, la carte politique, refaçonnée par le scrutin du 8 septembre, plaçait face au PJD 3 partis affichant des scores à n’avoir besoin de nul autre pour former une Majorité gouvernementale: le RNI (Rassemblement National des Indépendants, 102 sièges), le PAM (Parti Authenticité et Modernité, 87 sièges) et l’Istiqlal (81 sièges). A eux trois, ils totalisent 270 sièges sur les 395 que compte la Chambre des Représentants. Une Majorité confortable, dépassant de loin les 198 requis.

C’est précisément ce qui a été fait. Après des consultations préliminaires avec les différentes formations politiques, le nouveau chef du Gouvernement, le RNIste Aziz Akhannouch, a annoncé mercredi 22 septembre, lors d’une rencontre avec la presse, que la coalition gouvernementale se limiterait aux 3 premiers partis.

Le nouveau gouvernement aura ainsi devant lui une opposition constituée de plusieurs formations, totalisant 125 sièges (petite ironie du sort, c’est très exactement le nombre de sièges dont disposait le PJD ces 5 dernières années, dans la Majorité qu’il dirigeait).

Le parti des islamistes pourra-t-il prendre la tête de l’opposition et avoir la haute main sur les 125 voix qui s’y trouvent aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr !

D’abord, le PJD, encore incrédule devant un tel vote-sanction, affaibli, divisé,  n’est pas en mesure de prendre quelque commande que ce soit. Il lui faudra plutôt remettre de l’ordre dans sa maison, reprendre des forces et tenter de retrouver la confiance de ses électeurs. Il ne renoncera pas à «faire de l’opposition», elle ne pourra cependant être que verbale. Concrètement, il n’a que 13 voix.

Ensuite, il n’y a pas de grandes chances que les autres composantes de l’actuelle opposition se mobilisent derrière le PJD, quand bien même cela leur serait proposé.

En dehors du PSU que dirige Nabila Mounib (1 seul siège) et qui ne se ralliera certainement pas au PJD, les autres partis qui se retrouvent aujourd’hui dans l’opposition n’avaient aucune intention d’y être. L’USFP que dirige Driss Lachgar (35 sièges) était dans la Majorité sortante et présidait le Parlement. Ses appels du pied pour intégrer la future Majorité ne se comptaient plus. S’il est désormais dans l’opposition, c’est parce qu’il ne lui a pas été proposé de rejoindre l’exécutif. Le Mouvement Populaire de Mohand Laenser (28 sièges) et l’UC qui a à sa tête Mohamed Sagid (18 sièges), étaient dans tous les gouvernements de ces dernières décennies. Habitués aux Majorités composées de 7 à 8 formations, à aucun moment ils n’ont envisagé l’éventualité d’un Gouvernement resserré dont ils seraient exclus. Sagid le déclarait au lendemain de l’annonce de la composition de la future Majorité, il choisit «le soutien critique» du prochain gouvernement, l’opposition ne se décrétant pas du jour au lendemain… Laenser, lui, attend d’en décider avec les instances de son parti dès que l’architecture du nouveau gouvernement sera définitivement arrêtée. Même le PPS (22 sièges), n’était pas déterminé à rester dans l’opposition, si l’offre de faire partie de la coalition lui avait été faite. 

Ainsi éclatée, l’opposition aura du mal à tirer pleinement avantage du statut que lui garantit l’article 10 de la Constitution et de la longue liste de droits que ce même article lui reconnaît. 

Situation singulière, les 3 partis de la nouvelle Majorité auront à la fois plusieurs oppositions dans l’opposition et des soutiens dans l’opposition ! 

D’où leur volonté réaffirmée plusieurs fois (et par tous les trois, séparément) de veiller à la cohérence et à la solidarité au sein du futur exécutif.     

Cela aussi ajoute aux nouveaux développements que connaît l’opposition.

Car, en réalité, durant les deux gouvernements précédents, dirigés par le PJD, la véritable opposition s’exerçait à l’intérieur de la Majorité. Les composantes de la Majorité sortante tiraient, plus ou moins ouvertement, chacune la couverture à elle. 

Les référentiels n’étaient pas les mêmes au sein de la Majorité, les projets de société non plus (islamistes Vs modernistes… Même si la vision royale qui fixait des objectifs concrets au pays, transcendant les pinailleries partisanes, a atténué les antagonismes).

Aujourd’hui l’opposition –même plurielle- est clairement «dans l’opposition».

Et la Majorité est composée de 3 partis qui partagent la même perception de l’action à accomplir et crient leur volonté de rester solidaires.

Il faut espérer que rien ne vienne altérer ces bonnes dispositions. 

Bahia Amrani

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