Sauvé par le Coronavirus: Moi, je dis merci au Corona et au confinement !

Par Mariem Bennani

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Mohamed, 59 ans, directeur d’entreprise, est marié, sans enfants. Cet homme voit en le coronavirus et le confinement des sauveurs. Voici pourquoi. 

«Au confinement prolongé par mesure sanitaire, je dis merci. Au coronavirus, je dis merci. Il ne faut surtout pas croire que j’ai disjoncté, certainement pas. Il y a seulement que grâce aux deux, je me suis rendu compte de tout ce qui clochait dans ma vie. Surtout de ce dont je veux me débarrasser illico presto. Pour qu’enfin je puisse remettre mes pendules à zéro et respirer comme bon me semble. 

Il est normal qu’on se demande ce qui a dû se passer chez moi pour que j’en vienne à voir en cette pandémie une bénédiction. Eh bien tout d’abord, je commencerai par parler de la calamité dont je suis l’époux. J’ai vu le vrai visage de madame dès lors qu’on avait annoncé la fermeture des frontières et le confinement, aux infos. Elle devint maladivement préoccupée par ce dont elle allait être privée, se permettant sans me consulter de jouer avec ma carte bancaire. Elle s’imaginait peut-être sombrer dans le manque de tout ou être confrontée à je ne sais quel cataclysme. 

En l’espace de trois jours, elle avait dévalisé tout un supermarché qui fut stocké dans le débarras du garage. Le plus étonnant fut qu’elle m’avait interdit l’accès à ce banal espace. Cela voulait dire clairement que je n’avais pas le droit de toucher à son ravitaillement. J’avais même assisté penaud à la livraison d’un nouveau congélateur bien plus grand que celui qui trônait déjà dans la buanderie. Dans la continuité de ses activités saugrenues, les deux avaient été bourrés de viandes, volailles et de je ne sais quoi d’autre encore. Ce cirque n’était pas fini puisqu’il manquait les légumes et fruits frais.   

Le problème qui a succédé à cette gargantuesque frénésie, c’est que ma femme n’avait pas pour habitude de s’activer aux fourneaux, ni aux travaux domestiques. Par manque de bol pour elle, notre femme de ménage qui vit chez nous avait pris un congé. La dame avait été dans son patelin pour rendre visite à ses parents et elle y était restée bloquée. Elle y est toujours et c’est tant mieux. Mais pas pour celle qui n’a jamais bossé et qui a toujours mené une vie oisive, riche de manucures-pédicures, d’entretien corporel, d’achats de fanfreluches, et de réunions stériles entre copines, qui aurait cru que son inviolable routine allait être dévorée par un petit virus ? Pas ma femme, c’est une certitude.  

Ainsi dès les deux premières semaines de confinement, notre vie de couple a viré au cauchemar. Pour peu qu’elle tripatouillait quelque chose à manger, je devais supporter d’interminables lamentations sur l’état de ses mains, de son dos et de ses maladies chroniques. De toutes les façons, dès qu’elle pointait, l’air devenait irrespirable. Même que j’avais dû interdire l’accès du grand salon, où je m’étais installé, à ce poison que je suis obligé d’appeler ma femme. D’ailleurs nous sommes restés ainsi séparés chacun dans ses quartiers. Je ne voulais plus la voir, ni l’entendre grogner. 

J’avais exigé des kilomètres de distanciation pour avoir la paix, parce que moi je n’étais pas en vacances. Pour avoir osé la mettre en quarantaine, j’avais immédiatement été puni. Ainsi, j’avais eu droit à une abjecte traitrise. Je n’en revenais pas qu’elle avait eu le culot de me voler. Phobie de la contagion du virus ou non, elle était quand même sortie pour virer sur son compte perso la moitié de ce qui m’appartenait. Pendant ce temps, loin de m’imaginer ce qu’elle trafiquait, en grand imbécile, je tentais de faire sauter les verrous du sacré garde-manger. Je ne suis pas près d’oublier ce couteau planté dans mon dos. Elle ne paie rien pour attendre la riposte que je lui réserve.

Pour faire passer mon extrême désappointement, il n’y avait rien de mieux que de me tuer à la tâche. Seulement même dans cet univers que je servais docile comme agneau, je n’étais ni heureux, ni satisfait. Je subissais là aussi l’exploitation de mon savoir-faire depuis des lustres sans jamais obtenir la moindre gratification. Etais-je maudit à ce point pour trimer consciencieusement et ne jamais en tirer un petit plus? Non, j’avais depuis longtemps digéré le fait que c’était à cause de ma droiture et de ma parfaite éducation. Le comble, c’est qu’en sus de cette iniquité, j’avais charmé à l’unisson d’incandescentes jalousies et de redoutables ennemis. 

Et dire que pour le bien de l’entreprise, il m’avait toujours fallu pomper plus d’énergie pour déjouer les pièges de ces machiavéliques comploteurs. Cela me rajoutait du taf, non indemnisé assurément mais je ne m’en plaignais jamais. Je gérais! Ce que j’espérais en revanche mais secrètement, c’était de la reconnaissance, aussi un tout petit avantage supplémentaire. Rien, nada, woualou! Pendant que je luttais corps et âme, contre vents et marées, d’autres pour des raisons obscures ont été augmentés, ou promus. 

Quoi dire de plus sinon qu’il m’a fallu être cloitré, pour que je zoome sur toutes les anomalies qui ont jalonné le parcours de mon existence. Mon réveil a été tardif, mais qu’importe désormais ma décision est prise. Je m’occuperai sans plus tarder de l’appel au secours de mon âme qui ne supporte plus cette maison, ni cette épouse, ni ce job. Je ne peux plus dire non à cet irrésistible besoin de tout envoyer valser pour aller vagabonder au gré du vent, voyager, renouer avec la nature, explorer des sentiers inconnus et expérimenter la vraie liberté. 

Maintenant, c’est avec la plus impatiente des euphories que j’attends ce très cher déconfinement et la levée de l’état d’urgence».  

Mariem Bennani

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