À Casablanca, Fatiha, sa belle-mère, son mari et leurs enfants sont confinés dans un appartement de 50 m2. Pas facile. Ils sont onze à y vivre ! Jeudi 21 mai, Le Reporter est allé à la rencontre de cette famille qui nous raconte son difficile confinement. Reportage.
Etre onze dans un petit appartement de 50 m2 sans quasiment sortir, une expérience sans précédent pour cette famille casablancaise.
Mariée à un ouvrier, Fatiha, 49 ans, qui a toujours voulu une famille nombreuse, est mère de huit enfants, âgés de 6 à 17 ans. Ils sont scolarisés à Sidi Bernoussi, du primaire jusqu’au lycée.
Se sentant de plus en plus à l’étroit au fur et à mesure que le nombre de ses enfants grandissait, cette mère de famille espère qu’un jour elle pourra, elle et sa famille, déménager pour une maison plus grande. »Notre appartement est trop petit. Ce n’est pas évident pour une famille nombreuse comme la nôtre de vivre le confinement », souligne Fatiha.
Si seulement on avait une petite cour…
Depuis plus de deux mois, il y a des dégâts des eaux qui rendent l’air irrespirable, ajoutera -t-elle pour nous expliquer les odeurs nauséabondes sur les lieux. »C’est très dur de ne pas pouvoir sortir. Si seulement on avait une petite cour pour s’aérer, ça changerait beaucoup de choses en ces temps de confinement », regrette Fatiha.«On pensait que c’était passager, personne n’imaginait qu’on en arriverait là où nous sommes maintenant », se désole-t-elle. Compte tenu de l’état d’urgence sanitaire, mes enfants ne sortent plus à l’extérieur, dit-elle. « ça commence à faire long. Après plus de deux mois de confinement, la situation devient très difficile. Mes enfants sont souvent énervés », précise cette mère de famille. »Entre mes enfants qui me sollicitent en même temps et mes journées qui sont bien remplies par d’autres tâches à accomplir, je tiens difficilement le choc », affirme Fatiha.
Les tâches ménagères, la gestion des disputes entre enfants, les courses, ce n’est pas évident, dit-elle. Pour ne pas laisser mes enfants seuls, j’essaie de limiter mes sorties pour faire les courses, soutient notre interlocutrice.Celle-ci, même si elle avoue être fatiguée, dit être consciente du danger qui guette les gens à l’extérieur de leur maison.
La peur n’est jamais très loin…
« Quand je sors à l’extérieur pour faire des courses ça ne parle que du Covid-19. On ne sait pas quand ça finira? Quand pourra-t-on revoir nos proches? C’est tellement stressant ». Mais le plus inquiétant, souffle Fatiha, » c’est surtout le relâchement constaté dans certaines zones commerçantes de Sidi Bernoussi ». « Ce relâchement pourrait mener au chaos », lance cette mère de famille, qui se dit aussi préoccupée par la sécurité sanitaire de son mari.
Son mari, Abdelkader, 53 ans, est ouvrier dans une unité industrielle à Sidi Bernoussi, quartier qui concentre le nombre le plus élevé des infections à Casablanca. Abdelkader n’a pas cessé son activité depuis le début du confinement, le 2 mars. Pour lui, rien n’a changé ou presque….
La peur n’est jamais très loin, témoigne Abdelkader. «Je vis avec ma mère, ma femme et mes huit enfants. Dans notre petit appartement, il est très difficile de rester à distance, et c’est assez effrayant de savoir que je pourrais être porteur du virus et que je pourrais les contaminer », dit-il.Ces dernières semaines, poursuit cet ouvrier, le nombre de contaminations ne cesse de grimper dans certaines unités industrielles à Sidi Bernoussi.
Une promiscuité 24/24 H…
Chaque jour, je vais au travail avec la peur au ventre. Mais je n’ai pas le choix et je n’ai pas une autre alternative que de continuer à travailler. Même si le risque est là, et je ne suis pas à l’abri à 100% ». Mais Abdelkader reste toute fois positif. « J’ essaie de me conformer aux mesures de protection pour éviter d’être infecté. Hamdoulillah, je ne suis pas malade. Pour lui, c’est tout ce qui compte.
Le jour de notre visite à la famille de Fatiha, ce jeudi 21 mai à 16 H, le bilan des cas testés positifs au nouveau Coronavirus au Maroc s’était établi à 7.211 cas. Le nombre de nouveaux cas enregistrés était de 78 cas, annonçait Mohamed Lyoubi, directeur de la Direction de l’épidémiologie au ministère de la santé.
Cette période de confinement prévue jusqu’au 10 juin a bien sûr bouleversé le quotidien de Fatiha qui craint désormais une «accumulation de fatigue ».
L’école à la maison, la promiscuité toute la journée, 24/ 24h. Ce n’est pas facile. « Il y en a de tous les niveaux. J’ai trois enfants en primaire, trois collégiens et deux lycéens », souligne cette mère de famille. En plus, ils étudient tous dans la même chambre parce qu’il n’y a que deux petites chambres, se désole Fatiha. Mais le plus dur, c’est que nous n’avons pas les moyens pour assurer un téléphone ou une tablette à chacun des enfants pour pouvoir suivre les cours à distance. Il n’y a que deux téléphones portables, souligne cette mère de famille. Les six autres – dont un en 6e année du primaire et un en 3e année du collège-ont très peu suivi les cours à distance, dit-elle. » Heureusement que le ministère a décidé d’annuler les examens diplômants des 6e année du primaire et 3e année du collège », se réjouit Fatiha, qui a hâte que ce clos familial prenne fin.
Reportage réalisé par Naîma Cherii