Il n’a pas dû échapper à grand monde que les guerres par procuration sont revenues. Et en force !
Les guerres par procuration sont ces guerres où des adversaires puissants s’affrontent, mais pas directement. Ils le font par l’intermédiaire de tiers plus faibles, qu’ils soutiennent, financent et arment ; et qui, eux, s’affrontent directement sur un territoire qui n’est pas celui des puissants.
Les plus grandes guerres par procuration, le monde les a connues durant les années de guerre froide.
Le monde était alors bipolaire. Les deux grands Blocs –Bloc de l’Est, mené par la défunte URSS ; et Bloc de l’Ouest conduit par les USA, 1ère puissance mondiale- se livraient une concurrence féroce, afin d’étendre leur zone d’influence respective.
L’URSS et les Etats Unis ne s’affrontaient pas directement, mais dans tous les continents, il y avait des pays en guerre, où s’entretuaient ceux relevant du Bloc de l’Est et ceux relevant du Bloc de l’Ouest.
L’Europe, l’Afrique, l’Amérique Latine ont été les théâtres privilégiés de ces guerres des deux Blocs par tiers interposés.
Le Bloc de l’Est battu (chute du mur de Berlin-1989, mort de l’URSS-1991) et la fin de la guerre froide proclamée, les guerres par procuration n’avaient, en principe, plus lieu d’être.
Elles ont, en effet, reculé.
Seuls ceux qui sont restés imprégnés des idéologies de l’un ou l’autre des deux pôles, ont poursuivi leurs guerres, les reprenant à leur propre compte.
Certes, avec Vladimir Poutine à la tête de la Russie, ce qu’il reste du Bloc de l’Est tente de reprendre des couleurs.
Le Président Poutine rêve de rendre à ce Bloc sa grandeur. D’où sa stratégie rampante pour réimposer une diplomatie active de son pays dans différentes régions du monde. Notamment les plus sensibles, comme le Proche Orient, la Syrie, la Corée, etc.
Mais ce n’est pas le seul acteur de la grande résurgence des guerres par procuration.
Ce qu’on constate aujourd’hui laisse perplexe.
En Syrie, il y avait déjà une guerre par procuration menée par l’Iran (et son allié, le Hezbollah libanais, lui, ouvertement présent sur le terrain), avec l’appui de la Russie, contre les belligérants, soutenus par les Etats Unis…
Et voilà que la Turquie entre en jeu, s’arrogeant une zone tampon à l’intérieur de la Syrie et envoyant son armée combattre les Kurdes sur le territoire syrien !
Au Yemen, la guerre par procuration entre l’Iran chiite et les monarchies sunnites du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, pays frontalier du Yemen et les Emirats Arabes Unis, se poursuit, avec son cortège de morts et d’affamés… Le camp anti-Iran était initialement réuni au sein d’une coalition internationale, conduite par les Etats Unis (et à laquelle le Maroc avait participé, au départ).
Les guerres par procuration ne sont donc plus le fait des plus grandes puissances, largement incriminées pour ça. D’autres pays –pourtant petites puissances- s’y mettent !
C’est le cas de l’Arabie saoudite, les Emirats, le Qatar, l’Egypte, la Turquie…
On en voit l’illustration dans le conflit libyen.
Le Général Haftar n’aurait jamais été si loin s’il n’avait été soutenu par les Emirats arabes unis, l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Russie, la France, la Jordanie… Face à un Fayez El Sarraj, soutenu par l’ONU.
Et là encore, la Turquie entre en jeu, apportant son appui (non désintéressé) à El Sarraj…
La guerre par procuration, le Maroc sait bien ce que c’est… Cela fait près d’un demi-siècle que l’Algérie lui en livre une par Polisario interposé !
Tous les protagonistes savent que le Sahara est un territoire marocain, les anciennes puissances coloniales -France et Espagne- les premières. Toute l’Histoire de cette région le prouve, qu’elle soit vue sous l’angle commercial, politique, ou géopolitique. Mais les Généraux d’Alger ont trouvé l’astuce: encadrer et armer une poignée de Sahraouis mécontents à l’époque et les pousser à revendiquer leur indépendance. Mercenaires et descendance ont gonflé les rangs des séparatistes. Le pouvoir algérien n’a plus lâché le filon qui assurait autant sa fortune que sa longévité. Les grandes puissances y ont trouvé un moyen de garder le Maroc sous pression. Convergence d’intérêts… Guerre par procuration… Qui dure à ce jour !
Le Maroc, lui, y a gagné une combativité sans laquelle il n’aurait peut-être pas réussi toutes les réalisations dont il peut se prévaloir aujourd’hui, en termes d’infrastructures, de politiques économiques et sociales (que chaque attaque pousse à améliorer), de présence diplomatique, de soft power, etc.
Il n’en demeure pas moins qu’à observer le monde et l’attitude des puissances -grandes ou moyennes – comme à la Conférence de Berlin sur la Libye, où le partage du gâteau primait sur la paix dans ce pays, les plus petits ne peuvent qu’en conclure qu’il n’y a plus ni droit international, ni morale qui vaillent…
Bahia Amrani