C’est toujours du ping-pong au Conseil de la ville de Casablanca, entre la mairie et l’opposition. Celle-ci s’est fait un plaisir de souligner que le maire PJDiste, Abdelaziz El Omari, peine à gérer les affaires de la capitale économique.
«Malgré les chantiers qui sont lancés à Casablanca, la gestion de la ville avance au ralenti. La mairie et son équipe pataugent», souligne au Reporter un élu de l’opposition ayant requis l’anonymat. Le maire est également accusé de gérer la ville de Casablanca de manière opaque. Certains élus de la majorité seraient aussi très en colère contre lui. «Je suis de la majorité, mais je n’apprécie pas du tout la façon dont les choses sont gérées à Casablanca», lance un conseiller de la ville (UC) requérant également l’anonymat. «Ce n’est pas normal. Il n’y a aucune cohésion, même au sein de la majorité», dit-il.
Ahmed Benboujida, président de la commission des infrastructures, exprime lui aussi son ras-le-bol et dit ignorer tout. «Quand on est président d’une commission au Conseil de la ville, c’est aussi pour donner son avis sur un certain nombre de dossiers qui concernent la ville. Mais le fait est que cela ne se fait pas. Il y a un réel problème de gouvernance. Pis encore, il n’y a jamais eu de communication entre la mairie et les commissions, pour informer les conseillers sur ce qui se réalise ou sur ce qui ne se réalise pas», raconte Ahmed Benboujida, qui est aussi conseiller du RNI. L’exemple le plus palpable, affirme-t-il, est celui des grands projets lancés à Casablanca et que l’on n’arrive toujours pas à faire aboutir. «Nous ignorons tout sur l’état d’avancement de ces projets et sur les raisons expliquant les retards que ces projets ont accusés dans leur réalisation. Car, tout simplement, l’information ne passe pas entre le bureau et les commissions», ajoute le même élu.
Pour sa part, Houceine Nassrallah, président de la Commission de l’urbanisme, n’y va pas par quatre chemins. On ne peut pas développer une ville sans la démocratie, dit-il. «Sur pratiquement tous les dossiers, on n’a aucun élément de réponse. Car, il y a une grande opacité au niveau du Conseil de la ville», explique-t-il. «Beaucoup de choses ne marchent plus. Imaginez que, en tant que président d’une commission, laquelle ne se réunit qu’à l’occasion des sessions, je suis convoqué comme n’importe quel membre du Conseil», soutient cet élu du Parti de l’Istiqlal. Et de poursuivre: « En tant qu’élu de l’opposition, j’ai proposé des tas de choses, sans succès. J’ai demandé, à maintes reprises que soient inscrites à l’ordre du jour des sessions quelques-unes de mes propositions qui sont au nombre de 100. On ne justifie même pas le refus de ces propositions».
Et ce n’est pas tout. Le président de la Commission de l’urbanisme n’a pas manqué de souligner que plusieurs projets lancés à Casablanca tardent à se réaliser. «Il n’y a pas de communication étroite entre les comités de suivi et les meneurs de ces projets (SDL). C’est ce qui explique d’ailleurs que l’on ignore les raisons de ces retards», dit-il. La loi 113-14, précise cet élu, dispose que toutes les réunions du conseil d’administration des SDL doivent être matérialisées par un PV. Et ce document doit être transmis au conseil de la ville dans un délai maximum de 15 jours. «C’est ce qui permet, en fait, au Conseil d’exercer son pouvoir de contrôle et de suivi de tous les projets dont se chargent ces SDL», explique notre interlocuteur. Et, durant toute cette période, dit-il, « je n’ai cessé de demander ces documents à la mairie. Mais on n’a jamais reçu un seul PV».
Du côté du Bureau exécutif du Conseil, on adopte un autre son de cloche. Dans une déclaration au Reporter, Mohamed Bourrahim, 5ème adjoint du président, relativise la tension qui règne entre le Bureau et certains élus. «Quand vous me demandez ce qui se passe, je dirai qu’on a véhiculé un certain nombre de fausses informations. D’ailleurs, le Bureau est actuellement à pied d’œuvre pour faire évoluer un certain nombre de dossiers. Mais, il faut dire qu’on est en train de combler un retard de 40 ans en un laps de temps. C’est normal qu’il y ait parfois des contraintes », souligne, fermement, l’adjoint du maire, en charge de la mobilité au Conseil de la ville. Et d’ajouter: «Les projets, lancés dans le cadre du programmes de mise à niveau de la ville 2015-2020, seront tous finalisés d’ici à cette échéance. En ce qui concerne la mobilité, par exemple, nous pensons que tous les travaux liés à la mobilité vont respecter leurs délais». Mieux, dit-il, la mairie serait actuellement à la recherche de nouveaux projets qui seraient programmés au-delà de 2021.
Au -delà du fait de savoir qui a raison et qui a tort, une chose est certaine: la ville de Casablanca n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle semble sérieusement faire face à une série de difficultés liées à la gestion locale.
Chantiers à l’arrêt, d’autres en retard, des travaux routiers qui durent depuis plus de deux ans, manque de transport en commun, anarchie totale des transports marquée par de grands bouchons à toute heure de la journée, habitat menaçant ruine, pollution, déchets qui salissent les rues casablancaises, absence de stratégie et de vision, commerces anarchiques, insécurité…, la Ville blanche est tout simplement mal gérée, laisse entendre un observateur de la chose locale. Pourtant, signale un élu du PAM, tous ces dossiers étaient inscrits comme des priorités de la mairie et de son équipe! Mais, affirme-t-il, aucun de ces dossiers -pourtant urgents- ne semble parvenu à son terme. A ne citer, dans ce cadre, que le dossier de la gestion des ordures. «Cela fait près de deux ans que la ville a résilié le contrat avec les gestionnaires des ordures. Mais, à ce jour, bien qu’un marché ait été lancé, les nouvelles sociétés ne sont toujours pas désignées. A noter que trois sociétés se sont présentées, dans le cadre de ce marché. Mais tout a été arrêté sous prétexte que l’offre de ces sociétés était trop chère. En attendant, la situation n’a pas changé», note cet élu de l’opposition.
Le transport public est aussi un «point noir» et une préoccupation quotidienne des Casablancais, lesquels n’ont de cesse de dénoncer la qualité désastreuse des bus. Au Conseil de la ville, on a même annoncé, il y a quelques mois, que l’on allait acquérir de nouveaux bus. Pour prendre la place de M’dina Bus, dont le contrat prend fin en 2019, un appel d’offres a été lancé par l’établissement de coopération intercommunale «Al Baida», afin de choisir des opérateurs, pour l’attribution d’un contrat d’exploitation du réseau de bus sur le territoire de la coopération (Casablanca et Mohammedia). Pour rappel, cet appel d’offres est intervenu après que Casa Transport a reporté plusieurs fois ses appels d’offres, en vue de l’acquisition de 350 bus. Mais à ce jour, rien n’est encore fait.
Autre projet qui peine à trouver son chemin vers la concrétisation, celui de la réhabilitation de la décharge de Médiouna. Pourtant, cette décharge est quasiment saturée. Sa capacité devait être fermée depuis 2010.
Une chose est sûre. A Casablanca, les problèmes pullulent. Les élus le reconnaissent d’ailleurs. Dans cette situation, avec des conseillers de la ville qui ne cessent de soulever de nombreuses questions sur le devenir des investissements réalisés dans la capitale économique, surtout leur impact sur le quotidien des Casablancais, aucune médiation ne semble possible entre ces conseillers et la mairie.
Reste à dire que les Casablancais auront le dernier mot, lors des élections 2021. D’ici là, ils doivent prendre leur mal en patience…