L’incroyable s’est finalement produit !
Le chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, le Général Ahmed Gaïd Salah, a fait jeter en prison les 3 hommes les plus puissants d’Algérie. Celui qui l’a nommé à ces postes, Saïd Bouteflika ; celui qui a dirigé les services secrets algériens pendant 25 ans, le Général Mediene alias «Toufik» ; et celui qui était chargé de la coordination des services de renseignements (jusqu’à la démission du Président Bouteflika, le 2 avril dernier), le Général Athmane Tartag alias «Bachir».
Un véritable tir d’obus dans le ciel d’Algérie –triple tir, excusez du peu- que n’a pas hésité à prendre en charge le Général Gaïd Salah en personne, via les services et la Justice militaires !!!
Les images des 3 hommes arrêtés, montant les marches du tribunal militaire de Blida (diffusées sur autorisation spéciale), ont fait le tour du monde, laissant tous ceux qui les ont vues, perplexes… Gaïd Salah a osé ! Il est allé jusqu’au bout de ses nouveaux pouvoirs -auto-attribués- de chef tout-puissant du pays !
Car, fervent défenseur du 5ème mandat du Président Abdelaziz Bouteflika, il y a 3 mois à peine (si, si 3 mois seulement), Gaïd Salah a changé de posture à une vitesse et avec un opportunisme sidérants.
Le Hirak algérien (manifestations qui ont commencé le 22 février 2019) ayant gagné tout le pays et affiché une détermination à toute épreuve (se poursuivant sans relâche, y compris pendant le Ramadan), Gaïd Salah a entrepris de faire oublier ses positions et rôles antérieurs, pour se donner une nouvelle stature. Celle de l’homme-providence, garant de la continuité de l’Etat, rangé aux côtés du peuple et seul à être en mesure de répondre à ses revendications.
Or, que veut le peuple, principalement ? Il veut en finir avec le «Système Bouteflika» et avec tous ceux qui en ont été les symboles, voire les piliers. Et Gaïd Salah a bien été un symbole et un pilier du «Système Bouteflika» !
Sauf que le Général retors a tout mis en œuvre, non seulement pour faire croire qu’il répondait aux revendications du peuple, mais en plus, pour que cette nouvelle situation lui permette de se débarrasser de tous ses ennemis, potentiels remplaçants et autre insoumis à son autorité… Hauts responsables de l’armée, de la gendarmerie, de la police, de la scène politique, richissimes hommes d’affaires… Tous se sont retrouvés sous les verrous !
Les derniers qui les ont rejoints –toujours sous le prétexte de répondre aux revendications du peuple- sont les trois «gros calibres» dont l’arrestation relevait de l’impensable il y a juste 3 mois: Saïd Bouteflika, le Général Mediene et le Général Tartag.
Le «Hic», c’est que ces 3 «grosses prises», aussi spectaculaires soient-elles, n’ont pas mis fin au Hirak, ni modifié ses revendications.
Ces revendications consistent en ce que «tout le Système dégage» avec ses plans de transition politique et élection présidentielle qui se dérouleraient sous sa supervision.
En d’autres termes, le peuple ne veut pas de cette transition sous gouvernement Bedoui qu’impose Gaïd Salah, ni de l’élection présidentielle qu’il a fixée au 4 juillet prochain.
Le dernier face-à-face de Gaïd Salah, ce sera donc avec le peuple !
Côté manifestants, une banderole brandie cette semaine résume toute leur détermination. Son message est clair et direct. On y lit: «un seul Gaïd : le Peuple !». Reste le vrai et grand problème du Hirak algérien, il n’a pas de leaders déclarés qui puissent concrétiser une solution alternative.
Quant au Général Gaïd Salah, il peut encore jouer quelques cartes pour amadouer le peuple. Comme de sortir du cadre constitutionnel auquel il s’accroche et qui prévoit les élections dans 3 mois. Ou bien, limoger le gouvernement dont les manifestants réclament la tête. Ou encore, proclamer l’état d’urgence ou l’état d’exception (ce que projetait de faire Saïd Bouteflika)… Mais, quelle que soit sa prochaine initiative, le peuple ne s’en contentera pas. Un bras de fer semble inévitable qui ne peut déboucher que sur un affrontement, ou sur un définitif coup d’Etat militaire de Gaïd Salah. A moins que ce dernier ne se résolve à capituler… Ce qui relèverait du miracle !
Bahia Amrani